Reportage "Ils savent déjà ce qu'on va leur dire" : à Mayotte, la visite du Premier ministre n'apaise pas la colère

François Bayrou est à Mayotte, ce lundi, pour une visite sur l'île dévastée par le cyclone Chido. Un déplacement gouvernemental qui ne convainc pas la population sinistrée et désormais largement désabusée.
Article rédigé par Agathe Mahuet, Gilles Gallinaro
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Oumie, 17 ans, sur les restes de sa maison dans le bidonville de Trevani, le 29 décembre 2024. (AGATHE MAHUET - FRANCEINFO - RADIO FRANCE)

Le Premier ministre François Bayrou est arrivé lundi 30 décembre au petit matin à Mayotte, accompagné notamment de Manuel Valls et Elisabeth Borne, ses ministres de l'Education et de l'Outremer. 

Plus de quinze jours après le cyclone qui a ravagé l'archipel, François Bayrou a prévu de passer un peu plus de 12h sur place, mais beaucoup d'habitants démunis ne voient pas ce qu'une telle visite peut changer à leur situation.

"Le cyclone a tout emporté"

À Trévani, au nord de Grande-Terre, Oumie, 17 ans, habite tout en haut du bidonville qui tente de se relever depuis la catastrophe. Cette jeune fille vit aujourd'hui au milieu des poules et du dénuement. Pourtant, il y a encore deux semaines, "ça allait" encore, raconte-t-elle : "On avait l'eau, l'électricité, à manger et maintenant on n'a rien. Le cyclone a tout emporté. Là c'était le salon, là, notre chambre et à côté la chambre de ma maman, la cuisine et la terrasse."

La moitié des meubles se sont effectivement envolés. "Je n'ai pas tout retrouvé, par exemple le lit et la porte", témoigne-t-elle. Depuis des jours, son père reconstruit comme il peut le toit au-dessus de leur tête.

Une grande partie des meubles de la maison de Oumie se sont envolés lors du passage du cyclone Chido. (AGATHE MAHUET - FRANCEINFO - RADIO FRANCE)

Au ministre, Oumie voudrait demander "de l'aide, comme tout le monde, l'eau, un logement, une maison plus stable, en bon état, puis on verra après pour les cahiers, les vêtements, parce que nos cahiers ont aussi été emportés". Oumie n'a plus de matériel scolaire. "Ça m'inquiète car l'année prochaine c'est le bac, c'est un peu stressant", confie-t-elle.

"On n'a rien eu"

La jeune fille sait que le président est déjà venu à Mayotte et que des vivres sont distribués. "À ce qu'il paraît, il y a eu des aides. Mais nous, non, on n'a rien eu", assure-t-elle. Avant de glisser : "On veut savoir pourquoi pas nous. Même pas quelqu'un pour savoir si on allait bien à part les journalistes. Ce n'est pas une colère, c'est la vérité".

"Il y avait un hélico qui filmait partout, il a tout vu. Alors, pourquoi on n'a rien eu ?"

Oumie

à franceinfo

Le programme des ministres lundi est concentré sur Mamoudzou, ils n'iront donc pas voir Oumie à Trevani. "Ils ont le temps, ce n'est pas qu'ils ne peuvent pas, c'est qu'ils ne veulent pas venir ici parce qu'ils savent déjà ce que l'on va leur dire. S'ils viennent ici me demander ce qu'il se passe, moi je vais leur répondre : 'Vous ne voyez pas ce qu'il se passe ici ?", lance-t-elle, son sourire désormais évanoui. 

Oumie est née à Mayotte, mais ne sait pas où se trouve son avenir. "Après, ils parlent de délinquants, mais c'est eux-mêmes qui nourrissent les délinquants. Un jeune de 17 ans qui n'a rien est obligé d'aller voler partout parce qu'il n'a rien. Moi, si j'étais un garçon je ferais la même chose", confesse-t-elle, avant de repartir dans le dédale du bidonville pour aller chercher de l'eau.

Mayotte : le témoignage d'Oumie, 17 ans, au micro franceinfo d'Agathe Mahuet et Gilles Gallinaro
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