: Reportage "Je suis toujours à la limite de craquer" : dans le Pas-de-Calais, des habitants à bout de nerfs face aux inondations à répétition
Le Pas-de-Calais voit rouge. Pour la huitième fois en deux mois, l'alerte aux inondations est déclenchée dans le département, à nouveau submergé par les pluies des derniers jours, tombées sur des sols détrempés et saturés. Mardi 2 janvier, c'est le fleuve Aa qui est sorti de son lit, débordant dans plusieurs communes comme le village de Bourthes, totalement inondé.
C'est aussi le cas à Blendecques, où les déplacements sont très compliqués, comme sur la place de l'église, désormais une grande mare d'eau. La place se trouve à l'entrée du quartier de la rue Roger-Salengro, traversé par cette rivière en crue dont les eaux déferlent sur la voie dans une course folle. Les habitants doivent être évacués dans la matinée.
"Personne ne répond"
En face de l'église, quelques habitants en bottes calfeutrent leurs pas-de-porte en espérant que l'eau ne rentrera pas. Kelly habite une maison dans cette rue, mais impossible de la rejoindre. La cave est inondée, et ce sera bientôt le cas de la maison. Elle n'a pas dormi de la nuit.
"Dans le centre de Blendecques, l'eau est montée à 1 heure du matin, j'ai à peu près 50 cm devant chez moi, soupire-t-elle. On n'a vu personne, aucune autorité, aucun pompier. Mes voisins ont aussi appelé les services d'urgence mais personne ne répond. Il reste quelques centimètres et l'eau va monter dans la maison. Il y a vraiment un sentiment de colère et de désarroi."
Jacques, son papa, est bien venu lui porter secours, habillé d'une espèce de salopette étanche avec des bottes intégrées. "On a de l'eau jusqu'aux genoux, Mais moi, même avec des bottes assez hautes j'ai du mal à marcher, déplore-t-il. Là je vais chez ma fille, on n'a pas vu un pompier. On n'a vu personne, même pas le maire, rien du tout."
"Et si on a une crise cardiaque, comment ça se passe ? On fait quoi ? C'est un scandale."
Jacques, un habitant du quartierà franceinfo
Certains habitants de Blendecques, en colère, demandent désormais des mesures radicales. C'est le cas de Vincent Maquignon, adjoint à la mairie et chargé des Sports, qui ne dort plus chez lui depuis deux mois. En novembre, il a eu jusqu'à 1,6 mètre d'eau dans la maison. Alors, il demande à ce que son quartier soit rasé.
"On a eu de beaux discours de notre ministre [de la Transition écologique] M. Béchu. On a eu un beau discours de M. Macron, mais maintenant le quartier en a plus que ras-le-bol et il y a même des collègues qui sont près de la dépression ou sous antidépresseurs", lance Vincent Maquignon.
"Moralement, c'est très dur. Je suis toujours à la limite de craquer. Les berges sont aux frais du propriétaire et on doit même entretenir la moitié du lit de la rivière. Vous imaginez maintenant, on n'a plus envie de mettre un euro dans ce quartier. On n'attend qu'une chose, c'est de partir de ce quartier", fulmine l'adjoint au maire, qui est sur le pont mercredi matin pour aider à l'évacuation de ce quartier.
"Ça faut déjà deux fois, se désole Jean-Michel, un autre habitant. On a racheté un feu, un gaz, un frigidaire, une machine à laver, un sèche-linge. Tout va être dans l'eau. Et puis les assurances, on va voir ce qu'ils vont nous dire. On ne sait même plus dire quand ça a démarré, quand ça a fini."
"J'ai 70 ans, plus de force, mon épouse est malade."
Jean-Michel, un habitant du quartierà franceinfo
Certains habitants ont dormi dans une annexe de la mairie où la Croix-Rouge a ouvert un centre d'hébergement, 40 sinistrés s'y trouvent. Mais l'endroit est trop petit pour le nombre de sinistrés qui grossit, la mairie va ouvrir une salle annexe plus grande.
"48 heures encore difficiles"
"Dans la nuit, nous avons effectué 47 interventions", a affirmé mercredi sur France Bleu Nord Philippe Rigaud, directeur départemental des sapeurs-pompiers du Pas-de-Calais. Face aux pluies diluviennes et à la montée inexorable des cours d'eau, Philippe Rigaud confie "redouter tout particulièrement cette journée" de mercredi. "On a 48 heures encore difficiles à passer", redoute-t-il.
Face à cette situation, le gouvernement a annoncé mardi un renforcement du dispositif de secours, avec la mobilisation de 120 nouveaux sapeurs-pompiers et militaires de la sécurité civile.
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