A Lodève, les habitants démunis face aux intempéries : "C'est apocalyptique"
La ville héraultaise était au cœur des orages qui ont touché le Sud-Est dans la soirée de samedi. Les traces des dégâts considérables subsistent. Francetv info s'est rendu sur place.
"Mon mur est tombé. Il a écrasé la voiture de quelqu'un. Heureusement, il n'y avait personne dedans." Marie-Christine Bousquet, la maire PS de Lodève (Hérault), raccroche. Elle s'adresse à une employée de la mairie : "Même moi je suis concernée, tu vois." Elle enfile à la hâte un blouson imperméable jaune fluo. Dans sa main gauche, un sandwich enroulé dans du papier kraft. A la mairie, elle passe d'une pièce à l'autre sans pouvoir en croquer une bouchée. La sexagénaire, à la tête de la ville depuis 2008, est débordée depuis samedi 12 septembre. Ce jour-là, à 17 heures, il a plu 300 mm. La Lergue, qui traverse cette ville de 7 550 habitants, est montée de quatre mètres en une heure.
"Un mur d'eau est arrivé. On n'a pas eu de temps pour réagir. Toutes les rues se sont transformées en rivières", constate deux jours plus tard Marie-Christine Bousquet, accablée derrière son bureau. Elle a créé une cellule de crise, puis invité la presse lundi à la mi-journée pour dresser un premier bilan. "On a eu du mal à avoir la réactivité qu'on a d'habitude : tout s'est passé en une heure", ajoute-t-elle.
Car Lodève n'en est pas à sa première crue. La ville en a connu trois en moins d'un an. Les épisodes cévenols sont fréquents dans l'Hérault à la fin de l'été et pendant l'automne. A chaque fois, Météo France émet une alerte orange. Cette fois encore c'est le cas. "Cela doit nous servir de leçon : quand il y a des bulletins de vigilance, il faut qu'on considère que le risque est là", martèle-t-elle. L'édile va demander l'état de catastrophe naturelle pour la commune. A ses côtés, le député-maire Frédéric Roig reconnaît, dans un aveu d'impuissance : "On organise les choses avec des travaux. Mais même les plus gros travaux du monde n'empêcheraient pas ces dégâts. L'homme ne peut rien contre la nature !"
Scanner et radiographie en panne à l'hôpital
"On était mobilisés mais on ne pensait pas intervenir. C'est le type de situation qu'on n'envisage pas", estime de son côté Patrick Triaire, le directeur de l'hôpital de Lodève. A chaque fois qu'une vigilance orange pour orages ou crue est émise, il reste dans les parages. Il sait que son établissement, spécialisé en gériatrie, est situé dans un des points les plus bas de la ville. Mais, cette fois, les dégâts sont d'une ampleur inédite. L'eau a pénétré dans le bâtiment. Lundi, les employés de l'hôpital, y compris le personnel soignant, nettoient encore les traces de boue.
Patrick Triaire descend aux sous-sols. Une odeur forte prend à la gorge. "Une cuve qui servait à alimenter le groupe électrogène est tombée, le fioul s'est répandu", explique-t-il. Des débris de branches collés sur les murs témoignent du niveau atteint par l'eau : 1,45 mètre. Le scanner, la radio et l'appareil à échographie ne fonctionnent plus. Les dix ascenseurs non plus. Pas plus que les ordinateurs. Le réseau de téléphonie mobile est toujours très perturbé. Malgré tout, Patrick Triaire reste positif. "On n'a pas de situation d'urgence." Sur 175 personnes âgées, trois seulement ont dû être déplacées dans d'autres chambres.
L'hôpital de Lodève a été inondé. Dans les sous-sols il y a eu jusqu'à 1,45m d'eau. Les 10 ascenseurs sont HS #meteo pic.twitter.com/XDlh6VP1Cz
— Violaine Jaussent (@ViolaineJ) 14 Septembre 2015
"Toujours ni eau ni électricité"
Kader, lui, a du mal à rester optimiste. Il habite à l'extérieur de Lodève. Sa villa donne sur une route départementale qui longe la rivière. Quand celle-ci est sortie de son lit, le bitume a craqué. Lundi, devant chez lui, ne reste qu'un trou béant. Et, au milieu de cette tranchée, une voiture coincée entre des branches et des rochers. "Si ça reste comme ça un jour ou deux, ça va. Mais une semaine ou un mois ce n'est pas possible", s'emporte-t-il. Il n'a ni eau courante ni électricité depuis samedi. "Heureusement il y a le gaz !" ajoute-t-il en retrouvant le sourire. Ses trois enfants ne peuvent se rendre à l'école. Il réfléchit à des solutions : "Je vais demander à un bus de venir les chercher un peu plus bas. A pied c'est trop loin." Il envisage de casser le mur derrière sa maison pour pouvoir sortir en voiture et se rendre à ses rendez-vous professionnels. Pour l'instant, il n'a aucun accès à la route et, pour lui, cela a assez duré.
Sur la D148, à la sortie de Lodève, la route s'est effondrée #météo #orages pic.twitter.com/1iq3gPVmjX
— Violaine Jaussent (@ViolaineJ) 14 Septembre 2015
Kader habite une villa sur le bord de la route. Il ne peut pas utiliser sa voiture pour sortir de chez lui pic.twitter.com/DgukUcAEtz
— Violaine Jaussent (@ViolaineJ) 14 Septembre 2015
Des voisins plus âgés s'invitent dans la conversation. "On attend. On dit 'On s'occupe de vous', mais on n'a toujours ni eau ni électricité, lâche Yolande, en colère. Heureusement, on a des provisions et, entre voisins, on va s'aider." Elle juge que la mairie est mal organisée, même si elle reconnaît que le phénomène est d'une ampleur inédite. "Cela fait trente ans qu'on habite là, on n'a jamais vu ça. C'est apocalyptique." Pour atteindre son domicile, elle doit rejoindre l'autre côté de la route abîmée. Aidée par son mari, elle évite tant bien que mal les crevasses formées par l'effondrement. L'endroit n'est pas sécurisé.
"C'est si impressionnant ! On s'en souviendra"
Pendant la conversation, les pompiers arrivent et évacuent un employé du Syndicat intercommunal des eaux du Lodévois. Il s'est blessé en travaillant dans ce trou. Le chantier s'arrête pour aujourd'hui. Ses collègues, eux, n'ont pas fini leur journée. Ils interviennent sur l'A75, située à quelques mètres de là. La route est aussi coupée en raison d'un effondrement de la chaussée. Seulement, l'autoroute est beaucoup plus fréquentée, empruntée par de nombreux camions qui relient Millau à Clermont-Ferrand.
Lundi, l'un de ces camions transporte des bouteilles d'eau minérale pour les Lodévois privés d'eau potable. Mais il reste coincé dans les embouteillages monstres causés par l'interruption de circulation. "Revenez plus tard, on attend 15 palettes dans un camion pris dans les bouchons." Yannick Lebon, élu de Lodève volontaire, le répète aux habitants. Il distribue les bouteilles d'eau en centre-ville. "Vous êtes combien ?" demande-t-il à chaque administré qui se présente. Pour une famille de quatre personnes, il en donne deux. Au-delà, il en concède trois. Quatre mille bouteilles ont été distribuées depuis samedi.
Dans le centre-ville de Lodève des élus distribuent des bouteilles d'eau minérale au compte-gouttes #meteo #orages pic.twitter.com/doaHMWiQGB
— Violaine Jaussent (@ViolaineJ) 14 Septembre 2015
Heureusement, la plupart des habitants ont encore de l'eau potable. Christel et sa fillette, Mélissa, ont cette chance. Pour autant, cette habitante reste marquée par la soirée de samedi. "Je travaille dans un hypermarché. J'ai dû y rester jusqu'à 23h30, en raison des intempéries. J'étais coincée, impossible de partir, raconte-t-elle. Je suis née ici, je n'avais jamais vu ça. C'est si impressionnant ! On s'en souviendra." Avant de relativiser : "Il n'y a que des dégâts matériels, heureusement, et la vie normale reprend."
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