Sécheresse : "On n'a que quelques années pour agir", prévient une hydrologue qui appelle à "repenser" l'agriculture et les villes
La secheresse touche déjà 15 départements français, dont dix ont dépassé le seuil d'alerte. L'hydrologue Emma Haziza estime que "la solution passe d'abord par les sols et l'aménagement de nos territoires".
Pour l'hydrologue Emma Haziza, "il faut repenser le système agricole" et travailler sur nos villes "très rapidement" parce qu'on a que quelques années pour agir, indique-t-elle lundi 9 mai sur franceinfo. Cette spécialiste de l'adaptation de nos sociétés aux bouleversements climatiques estime que "la solution" aux phénomènes de sécheresse "de plus en plus marquées" doit passer "d'abord par les sols et l'aménagement de nos territoires".
Quinze départements français sont touchés par la sécheresse, dont dix ont dépassé le seuil d'alerte. L'hydrologue explique que cette année 2022 est "particulière" avec un printemps qui démarre "sans les réserves hivernales" en eau qui permettent de lutter contre la sécheresse.
franceinfo : La sécheresse touche déjà 15 départements français, est-ce que c'est inédit ?
Emma Haziza : Les phénomènes se répètent, les années aussi, avec toujours des sécheresses de plus en plus marquées, mais cette année est très particulière. On démarre le printemps, et on risque d'aborder l'été, sans les réserves hivernales qui sont pourtant essentielles pour tenir le plus longtemps possible durant l'année. Mais la sécheresse est inéquitable. Il y a des régions qui sont plutôt protégées alors que d'autres sont vraiment extrêmement exposées. C'est lié à la géologie du territoire sur lequel repose les villes ou les villages, à la forme des nappes phréatiques. Certaines sont très profondes, notamment dans le bassin parisien. Ce sont des nappes fossiles, très protégées, qui peuvent subir plusieurs sécheresses pendant plusieurs années.
Quelles peuvent être les conséquences d'une sécheresse qui commence si tôt et qui dure longtemps ?
Lorsque les ressources en eau deviendront insuffisantes, il faudra opérer des choix pour savoir quels seront les besoins qui seront couverts et ceux qui ne le seront pas. Est-ce qu'on privilégie toujours la demande municipale, pour permettre à chacun d'avoir de l'eau au robinet en essayant d'arrêter l'arrosage et le lavage de voitures ? Est-ce qu'on cherche à préserver l'équilibre écologique des cours d'eau auquel cas, tous ses utilisateurs, les industriels, le nucléaire, tous les agriculteurs, vont se retrouver avec des restrictions sévères avec des conséquences en chaîne ? Il y a différents types de sécheresses.
Faudra-t-il repenser notre usage agricole de l'eau et notamment notre consommation de viande ?
En France, d'après le ministère de l'Écologie, 80% de l'eau douce accessible est utilisée à des fins agricoles. Le bétail consomme de l'eau au moment où on en a le moins, en août, ce qui fait exploser la demande sur le plan agricole. Il va donc falloir repenser tout ce modèle car on ne peut pas tenir sur le long terme. Il va falloir alimenter les populations avec d'autres formes d'alimentation et surtout restaurer les sols, réaménager les zones humides.
Dès qu'on perd la qualité des sols, on se retrouve deux fois plus exposés à des risques de sécheresse et, l'autre risque, c'est qu'à la moindre précipitation on a des coulées de boues beaucoup plus corrosives et dangereuses. Ce sont ces extrêmes-là contre lesquels il faut lutter et la solution passe d'abord par les sols et l'aménagement de nos territoires. Il va falloir repenser le système agricole et travailler aussi sur les villes, car nous sommes vulnérables aux risques de canicule. Nos bâtiments ne sont pas adaptés. Il va falloir penser des ilots de fraicheurs pour lutter contre les effets caniculaires. C'est un ensemble qu'il faut repenser très rapidement parce qu'on a que quelques années pour agir.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.