Afghanistan : cinq questions sur le sort des réfugiés après la prise de pouvoir des talibans
Si certains pays ont déjà annoncé être prêts à accueillir des exilés afghans, d'autres Etats redoutent un afflux de migrants.
Des scènes de panique sur le tarmac de l'aéroport de Kaboul. Après la prise de la capitale afghane par les talibans, dimanche 15 août, des milliers d'Afghans ont tenté de prendre un vol pour fuir le pays. Parallèlement, plusieurs Etats procèdent actuellement à l'évacuation de leurs ressortissants et de certains Afghans ayant travaillé pour leurs services.
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Mais la situation des futurs réfugiés divise la communauté internationale. Si certains pays ont déjà annoncé être prêts à accueillir des exilés afghans, les Etats frontaliers, mais aussi d'autres pays comme la Turquie, redoutent un afflux de migrants. Du côté de l'Union européenne, la question est hautement délicate. Franceinfo répond à cinq questions sur l'accueil des réfugiés.
1Quelle est la situation sur place ?
"Si, jusqu'à présent, les civils n'ont fui que sporadiquement et en petit nombre vers les pays voisins de l'Afghanistan, la situation continue d'évoluer rapidement", a estimé, mardi, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme. L'agence onusienne a par ailleurs rappelé que, depuis le début de l'année, plus de 550 000 Afghans ont été déplacés à l'intérieur du pays "en raison du conflit et de l'insécurité".
Les Américains ont déjà envoyé 6 000 militaires pour évacuer quelque 30 000 personnes, à savoir leurs diplomates ainsi que des civils afghans ayant coopéré avec les Etats-Unis. Les services français ont quant à eux procédé, mardi, à l'évacuation de 41 ressortissants français et de plusieurs ressortissants d'autres pays. Une deuxième évacuation par l'armée française de 216 personnes a eu lieu dans la nuit de mardi à mercredi. Il s'agit de 184 Afghans "de la société civile en besoin de protection", de 25 Français, 4 Néerlandais, un Irlandais et deux Kenyans. Ils sont attendus à Paris mercredi en fin de journée.
Parallèlement, des milliers d'Afghans, n'ayant jamais travaillé pour les étrangers et n'ayant aucune chance d'obtenir un visa à ce titre, se sont rués vers l'aéroport de Kaboul, lundi, pour tenter de fuir le pays. Pour l'heure, il est difficile d'estimer le nombre de réfugiés potentiels et les conditions dans lesquelles ils pourront ou non quitter l'Afghanistan.
2Quels pays se sont dits prêts à accueillir des réfugiés afghans ?
Plusieurs Etats ont déjà fait part de leur intention d'accueillir des migrants afghans sur leur sol. Le gouvernement canadien a ainsi déclaré, vendredi, accepter d'accueillir 20 000 réfugiés afghans dans le cadre d'un nouveau programme d'immigration. Washington a également annoncé un programme d'admission des réfugiés, notamment à destination des interprètes afghans qui ont travaillé avec les forces américaines ou encore du personnel afghan employé par des ONG ou des organisations médiatiques basées aux Etats-Unis.
Ce programme implique cependant une relocalisation temporaire des Afghans dans des pays tiers de la région, durant environ un an, le temps que le processus administratif soit effectué. Le Kosovo a déjà fait savoir qu'il avait accepté "sans hésiter" cette demande américaine. L'Albanie voisine a également confirmé avoir "examiné la possibilité de servir de pays de transit pour un certain nombre d'immigrants politiques afghans dont la destination finale serait les Etats-Unis".
Le gouvernement britannique a lui annoncé mardi lancer un dispositif destiné à accueillir "à long terme" 20 000 réfugiés afghans. "Nous avons une dette envers tous ceux qui ont travaillé avec nous pour faire de l'Afghanistan un endroit meilleur ces vingt dernières années. Beaucoup d'entre eux, en particulier les femmes, ont maintenant un besoin urgent de notre aide", a déclaré le Premier ministre Boris Johnson.
L'Allemagne a quant à elle assuré avoir identifié plusieurs milliers de personnes qui pourraient être évacuées, essentiellement des Afghans et leurs familles ayant travaillé pour l'armée régulière afghane, mais aussi des avocats et des défenseurs des droits de l'homme. Au total, en comptant leurs familles, plus de 10 000 personnes sont concernées, a déclaré mardi la chancelière allemande.
Emmanuel Macron a de son côté déclaré, lundi soir, que la France "fait et continuera de faire son devoir pour protéger celles et ceux qui sont les plus menacés", citant notamment les "défenseurs des droits, artistes, journalistes, militants" afghans, mais sans avancer de chiffre. Le président français n'a en outre pas précisé les conditions de cette aide.
3Quelle est la position de l'Union européenne ?
La question de l'accueil de migrants reste hautement délicate dans l'Union européenne. "C'est bien le spectre de 2015 qui affleure dans la tête des dirigeants européens", lorsque des centaines de milliers de réfugiés, principalement syriens, avaient franchi les frontières européennes, explique Le Monde (article payant).
"L'Europe ne peut pas, à elle seule, assumer les conséquences de la situation actuelle", a insisté le chef de l'Etat français lors de son allocution. Emmanuel Macron a dit vouloir porter une initiative européenne, aux côtés de l'Allemagne, visant à se "protéger des flux migratoires irréguliers importants" qui "nourrissent les trafics de toute nature". La chancelière allemande, Angela Merkel, s'est de son côté prononcée pour un accueil "contrôlé" de réfugiés afghans "particulièrement vulnérables". "Nous devons éviter que des gens entament des voyages très dangereux pour arriver clandestinement jusqu'aux frontières de l'UE. Nous devons les aider avant cela", a pour sa part déclaré la commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johansson, mercredi, précisant : "Il est important que nous aidions ceux qui sont l'objet d'une menace immédiate à s'installer dans les Etats de l'UE."
"Les talibans tiennent les frontières, ils ont un moyen de pression désormais sur les Européens", analyse sur franceinfo le géopolitologue Pascal Boniface. En 2019, l'Afghanistan était la deuxième nationalité d'origine des demandeurs d'asile à l'échelle européenne, derrière la Syrie. Sur les 612 700 primo-demandes enregistrées dans l'Union, 52 500 avaient été déposées par des Afghans, selon l'agence statistique européenne Eurostat (fichier PDF).
4Qu'envisagent de faire les pays "de transit", comme le Pakistan et la Turquie ?
Lors de son allocution, Emmanuel Macron a plaidé pour "la mise en place de coopérations avec les pays de transit et d'accueil comme le Pakistan, la Turquie ou l'Iran". Un point de vue partagé par la chancelière allemande, qui a jugé mardi que des solutions régionales devaient être recherchées dans un premier temps pour accueillir les réfugiés afghans.
Mais ces pays redoutent un potentiel nouvel afflux de migrants, alors que l'Iran accueille déjà plus de 3,5 millions d'Afghans et que la Turquie compte quelque 3,6 millions de réfugiés syriens. "La Turquie est confrontée à une vague migratoire croissante d'Afghans qui transitent par l'Iran", a affirmé dimanche le président turc, Recep Tayyip Erdogan. Dans ce contexte, Ankara a accéléré ces derniers jours la construction d'un mur frontalier avec l'Iran. "Avec ce mur, nous allons complètement stopper les passages", a lancé le chef d'Etat turc.
VIDEO: Turkey is building a wall along its border with Iran to prevent a new influx of refugees, mainly from Afghanistan as the Taliban take over the country.
— AFP News Agency (@AFP) August 17, 2021
For now, a 5km section is under construction but Turkey is aiming to build a 295km-long wall on its Iranian border pic.twitter.com/YJAZgUOEGa
5Qu'en est-il des ressortissants afghans déjà en exil ?
Enfin, concernant les ressortissants afghans qui ont déjà quitté leur pays, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a demandé, mardi, que soient interdits leurs renvois forcés vers l'Afghanistan, y compris pour les demandeurs d'asile dont la demande a été rejetée.
Plusieurs Etats avaient d'ores et déjà annoncé suspendre temporairement les expulsions de demandeurs d'asile afghans déboutés. La France a par exemple annoncé, le 12 août, avoir suspendu depuis le début du mois de juillet ces expulsions. La même décision a notamment été prise par l'Allemagne et les Pays-Bas.
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