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Cinq Afghanes évacuées vers la France : "Ce n'est pas du tout une décision politique du gouvernement français", tempère une association

La présidente de l'association "Afghanistan Libre", Chékéba Hachemi, estime que ces évacuations sont le résultat du travail des ONG. Elle appelle l'État français à donner davantage de visas.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Cinq femmes afghanes qui fuient le régime taliban ont atterri à Paris, à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, lundi 4 septembre 2023. (GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP)

"Ce n'est pas du tout une décision politique du gouvernement français", a souligné mardi 5 septembre sur franceinfo Chékéba Hachemi, présidente et fondatrice de l’association Afghanistan Libre alors que cinq Afghanes, exilées au Pakistan depuis plusieurs mois, ont obtenu un visa pour la France. Elles ont atterri lundi 4 septembre dans l'après-midi à l'aéroport Paris-Charles-de-Gaulle. Selon elle, cette évacuation est le fruit du travail des ONG qui "derrière se battent depuis des mois et des mois, voire des années pour faire venir ces cinq femmes afghanes", a-t-elle expliqué.

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Chékéba Hachemi a appelé le gouvernement français à faciliter l'obtention de visas pour les femmes visées par le régime taliban. "Celles qui ont accès à un visa à un consulat, ça relève de l'exploit aujourd'hui", dit-elle. Les droits et les libertés des 28 millions de femmes en Afghanistan ont drastiquement reculé depuis l'arrivée des talibans au pouvoir en août 2021.

franceinfo : Quelle est votre réaction après l'arrivée de ces cinq Afghanes en France ?

Chékéba Hachemi : On parle de cinq femmes afghanes face aux 28 millions qui sont emmurées vivantes aujourd'hui en Afghanistan. C'est toujours de bonnes nouvelles, mais on aimerait entendre beaucoup plus de bonnes nouvelles, de plus grande envergure.

C'est une goutte d'eau, selon vous ?

Ces cinq Afghanes qui sont arrivées, ce n'est pas du tout une décision politique du gouvernement français. C'est parce qu'il y a des ONG derrière qui se battent depuis des mois et des mois, voire des années pour faire venir ces cinq femmes afghanes. Après 40 années de guerre et de destruction, chaque vie compte, mais j'ai toujours une pensée émue, une tristesse et une colère pour toutes celles qui sont là-bas et dont on oublie totalement leur sort. Les femmes sont la moitié de cette population qui vit en dessous du seuil de pauvreté. Ces 28 millions de personnes qui sont totalement emmurées vivantes dont on parle à peine.

Sont-elles nombreuses à chercher à partir par le Pakistan et l'Iran ?

Ce sont les deux seules routes pour pouvoir sortir de l'Afghanistan. ll n'y a plus de vol sauf si vous avez le passeport et le visa qu'il faut. Celles qui veulent s'enfuir, c'est forcément par ces deux routes. Au Pakistan, la plupart de ces femmes finissent dans des bordels, dans des endroits de traite d'êtres humains parce qu'elles n'ont aucun moyen. Nos consulats européens, le consulat de France par exemple au Pakistan, ne donnent même pas accès aux femmes afghanes. En Iran, c'est encore pire parce que le gouvernement iranien les embête terriblement. Au Pakistan, c'est la peur, parce que le régime est proche des talibans. Imaginez la prise de risque de ces femmes qui n'ont pas d'argent, qui n'ont pas les moyens et qui prennent le risque quand même d'aller vers l'extérieur de cette prison qu'est leur propre pays et qu'à l'extérieur, elles ne savent même pas à quelle sauce elles vont être mangées. Tous les jours, j'ai des dizaines et des dizaines de coups de fil et de messages de ces femmes qui se retrouvent dans ces deux pays voisins dans des conditions terribles, parfois avec leurs enfants. Parfois, elles sont parties seules, elles ont abandonné la moitié de la famille. Celles qui ont accès à un visa à un consulat, ça relève de l'exploit aujourd'hui.

Vous souhaiteriez que les pays européens, dont la France, sécurisent leurs périples ?

Juste donner un visa ! Ce visa n'est pas du tout attribué de manière facile. Les grosses organisations comme France Terre d'Asile ont mis des mois, des mois et des mois pour ces cinq femmes qui ont eu accès à un visa pour pouvoir rentrer en France. C'est terrible. L'Union européenne avait enregistré 500 000 demandes d'asile. Depuis l'arrivée des talibans en août 2021, nous ne sommes même pas à 3 000 Afghans qui ont été sauvés par la France. Les chiffres sont dérisoires. Le but n'est pas d'exfiltrer les 28 millions de femmes en Afghanistan, c'est comment faire en sorte que ces femmes restent en Afghanistan dans des conditions meilleures que celles d'aujourd'hui, qui sont les pires au monde.

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