"On est en train de mettre à mort les femmes afghanes" : les promesses non tenues des talibans
Le 30 août 2021 à Doha, le Qatar accueille à l'époque le bureau politique des talibans. Deux semaines après leur prise de pouvoir en Afghanistan, le 15 août 2021, Suhail Shahee, porte-parole pour l'international des talibans, raconte comment il voit la place des femmes dans la société afghane : "Elles ont le droit à l'éducation, elles ont le droit de travailler. Elles ont le droit de choisir ce qu'elles portent, sous réserve de mettre un hijab. Nous ne leur disons pas quels vêtements porter, mais elles doivent se couvrir avec un voile islamique." Et il promet au passage la formation d'un "nouveau gouvernement islamique inclusif qui soit accepté par tous".
Quelques jours plus tôt, lors d'une conférence de presse à Kaboul, le porte-parole des talibans, Zabihullah Mujahid, avait assuré que les femmes pourraient "travailler, étudier et (…) être activement impliquées dans la vie quotidienne". Et que le port de la burqa, un voile intégral, ne serait pas obligatoire pour les femmes. "Si elles continuent de vivre en suivant les principes de la charia, nous serons heureux, elles seront heureuses", assurait-il.
Deux ans plus tard, malgré les engagements pris par les talibans de respecter le droit des femmes, la réalité est tout autre, comme le décrit Céline Mas, la présidente d'ONU Femmes France : "Aujourd'hui, les femmes sont interdites d'éducation et c'est le seul pays au monde dans lequel les filles sont interdites d'éducation à partir de treize ans."
Les femmes tenues à l'écart de la vie publique
En mars 2022, les talibans ont fait refermer aux filles les lycées et collèges, quelques heures à peine après leur réouverture. Début mai, le chef suprême des talibans a ordonné aux femmes de porter un voile intégral en public, de préférence la burqa. Et les femmes se sont vues aussi exclues de nombreux emplois publics et empêchées de travailler pour les ONG.
Céline Mas précise qu'il est "a priori" toujours possible pour une femme afghane de travailler dans le secteur privé, mais que de nombreux "freins" les en empêchent. En juillet 2023, les autorités talibanes ont ordonné la fermeture des salons de beauté, provoquant la disparition de milliers de commerces tenus par des femmes, dont la famille n'a souvent pas d'autres sources de revenus, et d'un des derniers espaces de liberté et de socialisation encore restant pour les Afghanes.
Pour se déplacer, les femmes afghanes doivent être accompagnées d'un mahram, un chaperon masculin dans la charia. "Elles ne peuvent pas sortir et travailler sans voile intégral. On est en train de mettre à mort les femmes d'Afghanistan. Il n'y a pas d'autre nom", raconte la présidente d'ONU Femmes France. Une lente mise à mort qui se traduit par un taux de suicide en hausse et des dépressions chroniques, y compris parmi les jeunes filles privées d'avenir.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.