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Etudes, déplacements, emplois, vêtements... Deux ans après le retour des talibans, les droits des Afghanes réduits à néant

Ce 15 août marque le deuxième anniversaire de la chute de Kaboul. Les autorités talibanes ont imposé un mode de vie extrêmement rigoriste dans le pays, confinant les Afghanes, aujourd'hui recluses.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Des Afghanes continuent de se mobiliser pour avoir le droit d'étudier, comme ici le 12 août 2023, à Mazar-i-Sharif. (ATEF ARYAN / AFP)

"La conquête de Kaboul a prouvé une fois de plus que personne ne peut contrôler la fière nation afghane et qu'aucun envahisseur ne sera autorisé à menacer l'indépendance et la liberté du pays", ont clamé les autorités dans un communiqué mardi 15 août. Le gouvernement taliban en Afghanistan fête en ce jour, décrété férié, le deuxième anniversaire de sa prise de contrôle du pays.

En deux ans, les talibans ont imposé leur interprétation de l'islam, les Afghanes subissant un "apartheid des sexes" selon les Nations unies. Depuis deux ans, leurs droits n'ont cessé de s'amenuiser, jusqu'à devenir inexistants, alors que la communauté internationale continue de conditionner la reconnaissance des autorités talibanes à une amélioration de leur sort. En vain. Franceinfo revient sur deux années de mesures liberticides pour les Afghanes.

En septembre 2021 : les filles exclues des écoles secondaires

Lors de leur seconde accession au pouvoir, après vingt ans de guerre contre l'Otan, les talibans multiplient les gestes d'apaisement envers la population afghane et promettent de se montrer plus souples que par le passé, en particulier au sujet des femmes. Deux jours après leur prise de pouvoir, le porte-parole des combattants islamistes, Zabihullah Mujahid, assure que les Afghanes pourront "travailler, étudier et (...) être activement impliquées dans la vie quotidienne". Autre promesse : le port de la burqa ne sera pas obligatoire. "Si elles continuent de vivre en suivant les principes de la charia, nous serons heureux, elles seront heureuses", déclare-t-il.

Mais moins d'un mois après leur prise de pouvoir, les talibans semblent renouer avec une application ultra-rigoriste de l'islam. En septembre, les écoles secondaires ouvrent pour les garçons, annonce le ministère de l'Education dans un communiqué qui ne fait aucune mention des filles, abandonnées à la porte. Mais les Afghanes gardent espoir : la communauté internationale fait pression et elles ont toujours accès à l'université, même si elles y sont séparées des garçons pendant la classe dès le 12 septembre. Elles ne peuvent assister qu'aux cours dispensés par des femmes ou des hommes âgés.

De décembre 2021 à février 2022 : une série de mesures liberticides pour les femmes

Plusieurs Afghanes témoignent à visage découvert d'une vie déjà recluse. Elles sont progressivement exclues des emplois publics. Bravant le danger et l'interdit, certaines se regroupent et manifestent pour leurs droits. Celles qui sont arrêtées lors de ces manifestations sont battues et jetées en prison.

En décembre 2021, les talibans interdisent aux femmes de voyager seules au-delà de 45 miles (72 km). Elles doivent désormais être accompagnées par un homme de leur famille proche. Le ministère de la Promotion de la vertu et de la Prévention du vice appelle également les conducteurs à n'accepter des Afghanes à bord de leur véhicule que si elles portent le "voile islamique". De nouvelles restrictions inscrites au code vestimentaire obligatoire leur imposent désormais le port du hidjab.

Cette directive arrive quelques semaines après la demande du ministère aux télévisions afghanes d'imposer aux femmes journalistes le port du "voile islamique" à l'écran, ainsi que de ne plus diffuser de "feuilletons et séries à l'eau de rose dans lesquels des femmes" jouent. Les talibans imposent aussi la séparation des femmes et des hommes dans les parcs publics de Kaboul, avec des jours de visite distincts.

Mars 2022 : les petites filles définitivement privées d'instruction

Après sept mois à attendre que leurs écoles rouvrent, les jeunes Afghanes font leur rentrée. Une joie de très courte durée : elles ne pourront disposer que de quelques minutes d'enseignement seulement, avant que les autorités ne leur imposent de rentrer chez elles. Des millions de jeunes filles sont de fait déscolarisées, même si quelques écoles clandestines existent. La communauté internationale s'émeut de leur sort.

Mai 2022 : le port du voile intégral imposé

Début mai, le tournant liberticide se confirme. Par un décret en date du 7 mai 2022, le chef suprême des talibans et de l'Afghanistan, Haibatullah Akhundzada, ordonne aux femmes "ni trop jeunes ni trop vieilles" de sortir intégralement couvertes, jusqu'au visage. Le port de la burqa est à cet effet fortement recommandé car jugé "traditionnel et respectueux".

"Il est mieux pour elles de rester à la maison" conclut le chef suprême, après avoir égrainé la liste des punitions auxquelles s'exposent les chefs de famille dont les filles ne respecteraient pas ces nouvelles atteintes à leurs libertés. Les Afghanes commencent à disparaître des rues.

D'octobre à décembre 2022 : bannies de l'université, des espaces publics et de plus en plus de l'emploi

Les talibans leur interdisent progressivement de fréquenter les parcs, les jardins, les salles de sport ainsi que les bains publics. Les manifestations contre ces mesures, qui rassemblent rarement plus d'une quarantaine d'Afghanes, sont devenues très risquées. De nombreuses manifestantes sont arrêtées et les journalistes sont de plus en plus empêchés de couvrir ces rassemblements, au péril de leur vie.

En décembre 2022, c'est le coup de grâce. Alors que les universités sont fermées pour les vacances d'hiver, les talibans annoncent que les Afghanes en sont définitivement bannies pour une durée indéterminée. "Vous êtes tous informés de l'entrée en vigueur de l'ordre mentionné qui suspend l'éducation des femmes jusqu'à nouvel ordre", confirme le ministre de l'Enseignement supérieur dans une lettre adressée à toutes les universités du pays. Exclues depuis des mois des collèges et lycées, de nombreuses Afghanes s'étaient présentées pour passer leurs examens de fin d'études secondaires, afin de prétendre à une entrée à la faculté.

Quatre jours plus tard, les autorités afghanes excluent les femmes des organisations non gouvernementales : celles qui emploient des Afghanes doivent cesser de travailler avec elles. Les talibans évoquent des "plaintes sérieuses", concernant leur non-respect supposé d'un code vestimentaire approprié dans ces organisations. En conséquence, plusieurs ONG annoncent suspendre leurs activités dans le pays.

Juillet 2023 : fermeture des salons de beauté

Le 4 juillet, les autorités talibanes actent la fermeture de l'un des derniers lieux qu'il leur était encore, officiellement, permis de fréquenter. Soixante mille Afghanes employées dans ces salons de coiffure et de beauté doivent cesser le travail d'ici au 25 juillet, dans l'un des derniers endroits où elles pouvaient encore se retrouver librement. Une annonce lourde de conséquences puisque, selon l'AFP, leurs salaires sont parfois devenus la seule source de revenus de leurs familles. Avoir trop de maquillage sur le visage empêche les femmes d'effectuer correctement leurs ablutions avant la prière, a notamment expliqué le ministère de la Prévention du vice et de la Promotion de la vertu, pour justifier la décision.

Une semaine plus tôt, les forces de l'ordre ont tiré en l'air et utilisé des lances à eau pour disperser des dizaines d'Afghanes qui manifestaient à Kaboul contre cette énième restriction de leurs libertés. Début août, une délégation de responsables américains a rencontré des représentants talibans à Doha et a fait part sa "préoccupation profonde", concernant la "détérioration de la situation des droits humains, particulièrement vis-à-vis des femmes, filles et communautés vulnérables", précise un communiqué du département d'Etat.

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