: Témoignage "Ma fille deviendra l'esclave de son mari" : l'angoissant récit d'une mère afghane depuis le retour des talibans
"Notre vie s'est arrêtée en août 2021." Ainsi commence le récit de Zahar*. Cette mère de famille qui vit à Kaboul était policière. Elle a perdu son emploi. Depuis bientôt deux ans, les talibans gouvernent le pays. Ils sont revenus à l'interprétation ultrarigoriste de l'islam qui avait marqué leur premier passage au pouvoir, entre 1996 et 2001. Et l'étau ne cesse de se resserrer autour des femmes : elles n'ont plus le droit de travailler, de faire des études ou d'aller dans un jardin public.
Zahar* n'a personne sur qui compter. Le père de ses enfants est toxicomane, comme beaucoup d'hommes dans son pays ravagé par la drogue. Alors pour nourrir ses trois enfants, elle tisse des tapis chez elle mais ça ne lui rapporte pas assez d'argent. Elle se contente du minimum et dit avoir honte de dire non à ses enfants quand ils demandent une glace ou bien des bonbons.
"Comme toutes les mamans du monde, je veux le meilleur pour mes enfants. Je veux qu'ils soient heureux, éduqués, ouverts d'esprit, libres. Je veux tout simplement qu'ils soient des enfants. En Afghanistan, cela n'est pas possible aujourd'hui."
Zahar, Afghane vivant à Kaboulà franceinfo
L'exil comme seul espoir
Le plus dur pour Zahar* est de se sentir totalement impuissante face à la tyrannie des talibans. Elle s'inquiète pour l'avenir de ses enfants et surtout pour celui de sa fille qui sera privée d'éducation. L'Afghanistan est le seul pays au monde où l'école est interdite pour les filles.
"Ma fille ne pourra pas aller à l'école. Que deviendra-t-elle ? Elle se mariera, fera des enfants et deviendra l'esclave de son mari... On n'est pas traitée comme des humains, pas même comme des animaux."
Zahar, Afghane vivant à Kaboulà franceinfo
En plus de tous les interdits, Zahar vit dans la peur. Elle fait partie d'une minorité ethnique, les Hazaras (musulmans chiites), particulièrement persécutés par les talibans, qui les considèrent comme des adversaires. Elle craint des représailles.
"Les talibans peuvent frapper à ma porte, nous tirer dessus. Ils n'ont aucune pitié. Je veux échapper à la mort, à la destruction de ma vie et celle de mes enfants."
Zahar, Afghane vivant à Kaboulà franceinfo
Pour espérer changer de vie, Zahar rêve d'exil : "Je veux les sauver d'un avenir sombre. Et pour cela, la seule issue est de quitter l'Afghanistan." Mais ce rêve d'exil qui lui permet de tenir encore est quasiment impossible à réaliser. En Afghanistan, une femme ne peut pas voyager seule, sans compter toutes les complications liées à l'obtention d'un passeport. Zahar en est bien consciente mais elle se dit déterminée à se battre pour tenter de trouver une solution. "Je suis prête, par tous les moyens, à donner le meilleur de moi-même dans le nouveau pays qui nous donnera, à mes enfants et moi, la chance de commencer une nouvelle vie."
* Le prénom a été modifié pour des raisons de sécurité.
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