: Vidéo Deux ans de pouvoir des talibans : chaque nouvelle interdiction en Afghanistan, "c'est un coup au moral", confie la fondatrice de Radio Begum
C'était il y a deux ans, le 15 août 2021, les talibans entraient dans Kaboul, et reprenaient en main l'Afghanistan, provoquant l'évacuation dans l'urgence des Occidentaux, et notamment des Américains. Depuis, le pouvoir taliban n'a fait que restreindre, petit à petit, les droits des femmes. "Ces deux années ont été des années de dégringolade pour les femmes", témoigne la journaliste Hamida Aman, fondatrice de Radio Begum, une radio créée en 2021 "par des femmes et pour des femmes" comme le dit son slogan.
franceinfo : Quel regard portez-vous sur ces deux années qui ont bouleversé l'Afghanistan ?
Hamida Aman : Je dirais que ces deux années auront été des années de dégringolade pour les femmes. Les talibans sont arrivés au départ avec un message plutôt d'apaisement et d'assurance, mais les promesses n'ont pas été tenues. Et là, les femmes ont touché le fond. On le dit tous les six mois, alors j'espère qu'on a touché le fond !
C'est pour les femmes que vous avez fondé cette Radio Begum, il y a deux ans ?
Tout à fait. Les auditrices de Radio Begum, ce sont des femmes qui travaillent dans des ONG, dans des organisations ou des entreprises privées, des étudiantes... Beaucoup de citadines généralement, mais aussi des femmes de province, nous appellent parce que notre radio diffuse largement dans des provinces, même les plus reculées. Ce sont celles qui sont le plus isolées, celles qui sont le plus oubliées aussi, et qui sont les plus vulnérables. Personne n'est là pour vérifier ce qu'il se passe. Il faut savoir qu'en Afghanistan, il n'y a quasiment plus de journalistes qui ont un visa de travail, les ambassades sont quasiment fermées, donc il ne reste pas de témoin de ce qu'il se passe. Forcément, ces femmes-là sont plus vulnérables que les citadines.
Beaucoup de vos émissions sont consacrées à l'éducation des filles et des femmes.
Oui, six heures de temps d'antenne sont consacrées à l'éducation : Trois heures en dari et trois heures en pachto. On donne des cours sur tout ce qui est possible. Donc, à part les sciences, tous les cours du niveau secondaire et le lycée. On aborde aussi les problèmes de santé, de nutrition pour les enfants, pour elles, mais aussi du soutien psychologique.
"On a dû doubler notre temps d'antenne quotidien alloué au soutien psychologique parce que la demande était très forte."
Hamida Aman, journaliste et fondatrice de Radio Begumà franceinfo
Vous, vous allez repartir en Afghanistan dans quelques jours, Hamida Aman. Dans quel état d'esprit ?
Chaque fois que je repars là-bas, après un énième décret qui vient de tomber, une énième interdiction comme c'est le cas actuellement avec les femmes qui travaillaient dans les salons de beauté, on prend un coup au moral. Ces femmes, elles nous appellent. Nous avons eu le témoignage de Leïla récemment, lors de la fermeture des salons de coiffure. Ça faisait cinq ans qu'elle travaillait dans un salon de coiffure du centre de Kaboul. C'était la seule personne qui travaillait au sein de sa famille, c'était le seul revenu familial. Elle criait son désespoir : Qu'est-ce que je vais devenir ? Pour elle, ce n'était pas qu'un travail, c'était aussi une manière de résister. C'était une manière de vivre. Non seulement on fait tomber les gens de plus en plus dans la précarité financière, dans la pauvreté, mais en plus, on leur prend le seul espoir.
"Pour ces femmes, le seul espoir peut-être, c'est de trouver une vie meilleure dans un pays voisin, de quitter l'Afghanistan."
Hamida Amanà franceinfo
Vous avez l'espoir encore que la situation puisse s'améliorer pour les femmes afghanes ?
J'espère que la situation va s'améliorer. J'espère que ce régime va arriver aussi un moment à s'essouffler, à force de taper sur les femmes, et peut-être penser à autre chose, Il le faut, mais ça va prendre du temps. Et à quel prix ? Que vont devenir toutes ces femmes ? Combien vont mourir ? Combien de jeunes filles vont perdre tout espoir dans l'avenir ? Leur avenir va être gâché et je pense que c'est une situation qui peut encore durer cinq ans, dix ans. Que vont devenir toutes ces femmes ? Les Talibans ont tout le temps. On est face à un régime théocratique, donc le temps n'a pas d'importance.
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