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Afrique du Sud : un couple meurt électrocuté sous la douche à cause d'une alimentation électrique trafiquée

Au-delà du tragique fait divers, le vol d'électricité par des connexions sauvages, largement répandu, met en péril l'ensemble du réseau national du pays. 

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Une forêt de poteaux électriques dans le township de Khayelitsha au Cap. L'alimentation électrique du pays est la problématique majeure de l'Afrique du Sud. (SUZAN THIERRY / HEMIS.FR / HEMIS.FR)

En pleine lune de miel, le couple venait de regagner son logement dans le quartier de Crosby à Johannesburg. C'est en prenant sa douche que la femme a été électrocutée, et en voulant lui porter secours, son mari a également trouvé la mort.
L’enquête a démontré que l'installation électrique du logement était défaillante. Le compteur électrique était contourné et il n'y avait aucune mise à la terre. Mais surtout, l'électricité était volée sur une autre propriété par une dérivation sur le câble aérien d'alimentation. "Ce deuxième câble a complètement brûlé et nous pensons que cela pourrait être la raison de l'électrocution", a expliqué Isaac Mangena, le porte-parole de City Power, l'organisme municipal de fourniture de l'électricité de Johannesburg.

Ce fait divers tragique rappelle que le vol d'électricité est un phénomène récurrent en Afrique du Sud. Le pontage des compteurs d'électricité est fréquent et les consommateurs esquivent ainsi les factures en contournant le compteur. Au point que la municipalité a ouvert un service afin de lui signaler les connexions électriques suspectes, rappelant que "cela n'est pas seulement illégal, c'est aussi dangereux".

Connexions sauvages

Un vol d'électricité n'est pas l'apanage des quartiers pauvres et des bidonvilles, royaume des connexions sauvages. Fin 2020, Eskom, la compagnie nationale, a ausculté le réseau du très chic lotissement de Waterfall Estate à Midrand. Six connexions illégales ont été relevées. Certaines ont même été installées lors de la construction des habitations. En tout, 219 anomalies sur les compteurs ont été enregistrées, en partant d'une consommation électrique du client bien trop faible.

La palme revient à un foyer qui n'avait même pas de compteur électrique ! City Power lui réclame un arriéré de 1,4 million de rands (83 000 euros).

Démontage d'un réseau électrique sauvage dans un quartier de Johannesburg par des employés d'Eskom, le 29 septembre 2020. (MICHELE SPATARI / AFP)

"Eskom perd des millions par an en raison de connexions illégales au réseau. Nous constatons que les clients sont prêts à payer quelqu'un pour les connecter illégalement plutôt que de payer Eskom pour la consommation", a déclaré Ronel Kotze, un responsable de la société nationale.

Une plaie que la compagnie met souvent en avant pour justifier la vétusté de son réseau due au manque de moyens financiers. Une explication aussi aux fréquents incidents de réseau, notamment d'explosions de transformateurs, en raison des connexions sauvages.

Une électricité rare et très chère

Mais ce refus de payer sa consommation électrique ne vient pas de nulle part. Malgré un service défaillant, l'électricité en Afrique du Sud est hors de prix, a fortiori pour les habitants des Townships. Entre 2007 et 2020, le prix de l'électricité a été augmenté de 512%, soit cinq fois plus que l'inflation.

Manifestation contre la hausse des tarifs de l'électricité d'Eskom, le 6 août 2008 à Durban, en Afrique du Sud. (RAJESH JANTILAL / AFP)

Le coût annuel de l'électricité pour un ménage de la classe moyenne est ainsi passé de 97 rands (5,77 euros) en 1996 à 1 178 rands (70 euros) en 2020. Et pendant tout ce temps les salaires n'ont augmenté, eux, que d'un tiers. Ainsi, les ménages doivent consacrer une part de plus en plus grande de leur revenu pour payer les factures, ce que les plus modestes ne peuvent plus assurer.

Ajoutez à cela la très mauvaise réputation de l'opérateur public, accusé de mauvaise gestion et de corruption, le refus de payer devient alors un acte quasi politique.

En ce début d'hiver austral, Eskom a déjà plusieurs fois coupé l'alimentation électrique de ses clients. Des coupures responsables également de drames. Pour les mois d'avril et mai, la ville du Cap compte déjà 556 incendies domestiques. Eclairage à la bougie, chauffage au bois en sont la cause.

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