Covid-19 en Afrique : logistique, masque, remède, dette... à chaque président sa spécialité pour faire face à la pandémie
Les chefs d'Etat africains semblent s'être donné des missions pour combattre le nouveau coronavirus à l'échelle du continent. Découvrez la casquette qu'on peut leur attribuer.
Certains dirigeants africains se sont distingués ces derniers mois dans la gestion de la crise sanitaire liée au Covid-19. Cela pourrait ressembler à un effort coordonné tant la démarche de chacun d'eux, dans un registre qui lui est particulier, résonne à l'échelle du continent. D'autant que pour quelques-uns, la démarche est panafricaine. Revue de détail.
Le Marocain Mohammed VI, M. Rapatriement
Le souverain chérifien est le premier dirigeant africain à avoir décidé de rapatrier début février ses concitoyens de Wuhan, l’épicentre chinois de la pandémie liée au coronavirus. D’autres pays comme l’Algérie ou encore l'Afrique du Sud ont suivi l'exemple de Mohammed VI. Le Maroc compte également parmi les premiers pays à avoir établi un fonds national pour financer la lutte contre le Covid-19 et faire face aux conséquences de la maladie.
L'Ethiopien Abiy Ahmed, M. Logistique
Disposer de la première compagnie aérienne du continent, Ethiopian Airlines (aujourd'hui ébranlée par la crise sanitaire), peut déclencher des vocations. Le Premier ministre Abiy Ahmed s’est très vite trouvé au cœur du dispositif logistique pour acheminer les donations du milliardaire chinois Jack Ma à l’ensemble du continent. Pendant quelques semaines, le Nobel de la Paix 2019 donne même l’impression d’être aux manettes quant à la gestion de la pandémie au niveau de l'Afrique. Une certitude néanmoins : l'Ethiopie d'Abiy Ahmed est devenue l'incontournable plateforme logistique d'un continent qui s'organise pour résister au nouveau coronavirus.
Le Rwandais Paul Kagame, M. Sensibilisation
Le Rwanda se distingue dès les premières heures dans la lutte contre le Covid-19 en devenant le premier pays du continent à imposer le confinement général, un pari risqué pour les Etats africains qui veulent limiter la propagation du virus. Son président Paul Kagame va, lui, devenir aussi le premier président africain à relever le Safe Hands (mains saines) Challenge lancé par le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, pour généraliser le lavage des mains (l'un des principaux gestes barrières au SARS- Cov-2). "Défié" le 14 mars, Paul Kagame répondra le lendemain.
I joined @WHO #SafeHands challenge. Handwashing is key to preventing the spread of #COVID19. I challenge President Kenyatta @StateHouseKenya, @Macky_Sall, @MagufuliJP, President Tshisekedi @Presidence_RDC, @CyrilRamaphosa, @BorisJohnson, @KGeorgieva to join in by sharing a video pic.twitter.com/udaVPCexCJ
— Paul Kagame (@PaulKagame) March 15, 2020
Le Béninois Patrice Talon, M. Pragmatique
Faut-il confiner les populations, à l'instar des pays développés, pour briser la chaîne de contamination du Covid-19 ? Le président béninois Patrice Talon va trancher dans le vif. A la télévision béninoise, il affirme que son pays n'a pas "leurs moyens" pour recourir au confinement. "Si nous prenons des mesures qui affament tout le monde, elles finiront très vite par être bravées et bafouées", explique-t-il le 29 mars 2020. Comme dans de nombreux pays africains, beaucoup de Béninois se nourrissent, au jour le jour, avec leur travail quotidien.
Pour éviter la crise sociale, le Bénin opte pour d'autres mesures, notamment en isolant les foyers épidémiques. De même, en dépit de quelques ratés, les voyageurs venus d'Europe sont confinés et testés avant de rejoindre leurs proches. Les messages de sensibilisation aux gestes barrières sont repris dans toutes les langues et les masques sont désormais devenus obligatoires.
Le Sénégalais Macky Sall, M. Dette
Comment les pays africains vont-ils pouvoir faire face aux conséquences économiques de la pandémie ? A la fin du mois de mars, le président sénégalais propose une piste qui trouvera un écho auprès de ses pairs africains et de la communauté internationale. L’Appel de Dakar, comme il sera baptisé plus tard, plaide pour l'annulation de la dette publique et le rééchelonnement de la dette privée de l'Afrique. Le week-end de Pâques, les appels du pape François et du président français Emmanuel Macron font écho à la proposition de Macky Sall, alors que le sommet du G20 de la mi-avril doit statuer sur la question. Le 15 avril 2020, la suspension des remboursements des pays les plus pauvres, dont font partie la plupart des Etats africains, est actée.
Cependant, Macky Sall veut plus. Sur les antennes de franceinfo, il rappelait encore que "toute la dette (de l'Afrique)" s'élève à quelque "365 milliards de dollars". Soit "à peu-près 3,7% des 5 600 milliards de dollars, le montant que les pays du G20 ont engagé rien que pour la réponse au Covid-19. Donc, (l'annulation) est possible, c'est à la portée du monde."
Le Camerounais Paul Biya, M. Silence
Depuis l'annonce du premier cas de Covid-19 fin février, les Camerounais attendent que leur président sonne (aussi) le branle-bas de combat contre le nouveau virus. L'opposition monte même au créneau. Sur la Toile, les réactions se font grinçantes même si tous sont habitués aux longues absences de Paul Biya. C'est à la faveur d'un entretien avec Christophe Guilhou, l'ambassadeur de France au Cameroun, le 16 avril 2020, que le président réapparaît pour évoquer de façon laconique la pandémie.
Je viens de recevoir au Palais de l’Unité, l’Ambassadeur de France au Cameroun, Christophe Guilhou. Au menu de notre échange de cet après-midi: la gestion de la pandémie COVID-19 au Cameroun, en France et dans le monde.#PaulBiya#COVID19#Covid19Cmr#Cameroun pic.twitter.com/5jN7T8Bovt
— President Paul BIYA (@PR_Paul_BIYA) April 16, 2020
Depuis, le président camerounais a fait "un don spécial" de deux milliards de francs CFA (3 millions d'euros) aux municipalités afin qu'elles puissent lutter contre le virus.
Le Tanzanien John Magufuli, M. Prière
Alors que partout dans le monde, les rassemblements sont bannis pour éviter la propagation du coronavirus, le chef de l'Etat tanzanien John Magufuli a décidé de ne pas fermer les lieux de culte. "Le coronavirus est un diable, il ne peut pas vivre dans le corps du Christ, il brûlera instantanément. C’est le moment d’affermir notre foi" , a-t-il déclaré le 22 mars 2020 pour justifier sa décision. John Magufuli n'est pas le seul président africain à invoquer la protection divine quand il s'agit du nouveau coronavirus.
Le président burundais Pierre Nkurunziza, à la tête d'un pays protégé du Covid-19 par "la grâce divine" selon la rhétorique officielle, pourrait disputer le titre de "M. Prière" à son homologue tanzanien. Seulement, le Burundi compte aujourd'hui une dizaine de cas et la Tanzanie en dénombre plus de 280 et une dizaine de décès. En souhaitant un bon ramadan à ses compatriotes musulmans, John Magufuli les invitait encore à prier pour que la Tanzanie vienne à bout du virus.
L'Ougandais Yoweri Museveni, M. Sport
A 75 ans, le chef de l'Etat ougandais se découvre une nouvelle carrière, celui d'entraîneur sportif. Début avril, excédé de voir ses compatriotes sortir courir en groupe, il a voulu leur démontrer qu'on pouvait faire du sport, même confiné chez soi.
Pour donner l'exemple dans son vaste bureau, Yoweri Museveni a ainsi couru et fait quelques pompes qui démontrent qu'il est encore très en forme pour son âge. C'est toutefois essoufflé qu'il a conclu sa démonstration. Ironiques, les internautes ont assuré le président, qui dirige d'une main de fer son pays, de leur vote en 2021 au vu de cette performance.
Finally i have liked you mr president........u have my vote come 2021
— ALEX ONONO (@ononoalex19) April 9, 2020
Le Malgache Andry Rajoelina, M. Remède
Pour sortir progressivement du confinement, il fallait un dispositif efficace contre le Covid-19. Le président malgache Andry Rajoelina a trouvé "son" remède. Le principe actif du CVO ou Covid-Organics, le remède 100% malgache dévoilé par la présidence le 20 avril, est issu des travaux de l'Institut malgache de recherche appliquée (IMRA) et s'appuie sur un trésor national, l'artemisia annua (l'armoise, NDLR) dont Madagascar détiendrait la plus grande quantité et la meilleure qualité. Les vertus du CVO seraient à la fois préventives et curatives.
C'est sur la base de "premiers tests cliniques encourageants" que le remède est distribué dans le pays. Tout comme le port du masque, annonçait Andry Rajoelina il y a quelques jours, "la prise du Covid-Organics sera obligatoire pour tous les élèves", les écoles ayant rouvert leurs portes. Le remède devrait être aussi mis "gratuitement" à disposition des Malgaches les "plus vulnérables et vendu à très bas prix aux autres". Les bénéfices de la vente devraient aller à l'IMRA.
Le Sud-Africain Cyril Ramaphosa, M. Masque
C'est un élan d'affection qui submerge les Sud-Africains pour Cyril Ramaphosa depuis son allocution télévisée du 23 avril 2020. La raison : les déboires du président avec un masque. A la fin d'un discours où il annonçait notamment le début d'un déconfinement pour le 1er mai, le chef de l'Etat a eu quelques difficultés à mettre correctement la protection, alors qu'il tentait un geste évident de sensibilisation. Comme le souligne largement la presse sud-africaine et les Sud-Africains eux-mêmes, l'affaire du masque a surtout eu le mérite de faire sourire dans un pays qui paie un lourd tribut à la maladie – avec plus de 3 950 cas (au 24 avril 2020), l'Afrique du Sud est le pays le plus touché par le Covid-19 sur le continent – et où le confinement pèse durement sur les populations.
L'incident du masque "nous a fait rire, mais de la manière la plus agréable possible, soulageant le stress et nous rappelant que nous sommes tous humains", note ainsi dans un tweet Michael Markovitz, homme de média et membre du conseil d'administration de la chaîne publique sud-africaine SABC. Le président sud-africain est effectivement un homme sous pression. En plus de gérer la crise sanitaire dans son pays, Cyril Ramaphosa est également très actif à l'échelle du continent puisqu'il assure la présidence en exercice de l'Union africaine.
Pleased #CyrilFridays is out-trending #CyrilMaskChallenge because my abiding memory of last night is @PresidencyZA's leadership & calm authority. The mask 'wardrobe malfunction' made us laugh but in the nicest possible way, relieving stress & reminding us that we're all human pic.twitter.com/JHBTrkztKZ
— Michael Markovitz (@mmarkovitz) April 24, 2020
Au lendemain de son discours, le mot-dièse #CyrilFridays, marque d'appréciation, était en tête des tendances sur les réseaux sociaux, rapporte le média sud-africain iol. D'autres hashtags et mèmes sont nés depuis sur la Toile et, au fond, comme le notent de nombreux internautes, sa technique était finalement la bonne : il n'a touché à aucun moment son masque en tentant de le porter. CQFD. "Je vais ouvrir une chaîne de télévision où j'enseignerai comment on met un masque", a d'ailleurs déclaré, en riant, le président sud-africain au lendemain de l'incident.
President Cyril Ramaphosa was actually right all along...never touched his face ONCE while grappling with his mask Leadership... https://t.co/f36GsWvgfI
— Jermaine Craig (@JermaineCraig07) April 24, 2020
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