Le musicien sud-africain Johnny Clegg, fervent opposant à l'apartheid, est mort à 66 ans
Celui qui était surnommé "le zoulou blanc" a succombé à un cancer diagnostiqué en 2015.
Le musicien sud-africain Johnny Clegg est mort à l'âge de 66 ans, mardi 16 juillet, a annoncé son manager à plusieurs chaînes de télévision sud-africaines. Surnommé "le zoulou blanc", cet artiste engagé avait connu un succès mondial dans les années 1980 et 1990 en adaptant le mbaqanga, un style musical traditionnel zoulou.
Il était également une voix forte engagée dans la lutte contre l'apartheid, le système ségrégationniste en vigueur jusqu'en 1994 en Afrique du Sud. Son titre phare, Asimbonanga ("Nous ne l'avons pas vu" en langue zouloue), sorti en 1987, était dédié à Nelson Mandela, le chef du Congrès National Africain (ANC) alors emprisonné à Robben Island (Afrique du Sud).
Le prix Nobel de la paix, libéré après 27 ans d'emprisonnement en février 1990, avait même rejoint le musicien sur scène à Francfort (Allemagne) en 1999. Mandela, qui s'était invité sur scène sans prévenir, avait lancé à la fin de la chanson "C'est la musique et la danse qui me mettent en paix avec le monde."
Il avait atteint la tête des ventes en France
"Johnny est décédé paisiblement aujourd'hui, entouré de sa famille à Johannesburg", a affirmé son manager à la chaîne publique SABC, expliquant que le musicien avait succombé "après une bataille de quatre ans et demi contre le cancer".
"Il a joué un rôle majeur en Afrique du Sud en faisant découvrir aux gens différentes cultures et en les rapprochant, a ajouté le manager dans un communiqué. Il nous a montré ce que cela signifiait d'embrasser d'autres cultures sans perdre son identité."
Sa chanson Scatterlings of Africa, sortie en 1982 avec son groupe Juluka, l'avait propulsé dans les hit-parades au Royaume-Uni et en France. Elle avait été réenregistrée en 1987 avec son nouveau groupe Savuka et utilisée dans la bande originale du film Rain Man.
Il découvre la musique et la danse dans la tradition zouloue
Né en 1953 au Royaume-Uni d'un père britannique et d'une mère zimbabwéenne, chanteuse de jazz de cabaret, Johnny Clegg débarque à l'âge de 7 ans dans une Afrique du Sud où la minorité blanche règne en maître absolue sur la majorité noire.
Initié aux cultures locales par son beau-père journaliste, Johnny Clegg assure que son refus de l'apartheid n'a rien de politique."Je n'étais pas motivé politiquement mais culturellement. J'aime la musique et la danse", expliquait-il simplement.
Les yeux ouverts dans un pays borgne, il se glisse dès 15 ans dans les foyers de travailleurs noirs, au mépris des interdits. Là, il découvre les danses et les mélodies zouloues et s'invite secrètement pour danser avec les troupes traditionnelles.
En 1979, Johnny Clegg et son groupe "multicolore" Juluka sortent leur premier album, Universal Men. Un mélange inédit de pop occidentale mâtinée de rythmes zoulous, d'accordéon et de guitare qui, contre toute attente, trouve immédiatement son public. En 1987, il accède au statut de star mondiale avec la chanson Scatterlings of Africa, extraite de l'album Thirld World Child enregistré avec le groupe Savuka, et qui le catapulte en tête des hit-parades en Grande-Bretagne et en France.
Quand l'apartheid tombe définitivement en 1994, "c'est comme si nous étions tous nés une seconde fois", confiera-t-il.
Victime de la censure durant le régime d'apartheid
Pendant les pires heures du régime raciste, les chansons de Johnny Clegg, inlassable combattant de l'apartheid, ont été interdites en Afrique du Sud. Pour contourner la censure, il a été contraint de se produire - avec son groupe Juluka, formé avec le musicien zoulou Sipho Mchunu - dans les universités, les églises, les foyers de migrants et chez des particuliers.
"Nous devions faire preuve de mille et une astuces pour contourner la myriade de lois qui empêchaient tout rapprochement interracial", racontait-il à l'AFP en 2017.
Malgré tout, l'intraitable police de l'apartheid a interdit certains de ses concerts et le chanteur a été à plusieurs reprises arrêté, accusé de violer les lois sur la ségrégation raciale. Le gouvernement raciste blanc ne pouvait pas non plus tolérer qu'un des siens puise son inspiration dans l'Histoire et la culture zouloue. A l'étranger pourtant, et notamment en France, Johnny Clegg a rapidement trouvé un public.
"Les gens étaient très intrigués par notre musique", expliquait le chanteur et danseur, adepte de concerts très physiques dont la chorégraphie les pieds levés hauts et martelant le sol était sa marque de fabrique.
Après une rémission d'un cancer du pancréas diagnostiqué en 2015, il s'était lancé deux ans plus tard dans une tournée mondiale d'adieu dont il était parvenu à honorer toutes les dates, les dernières en 2018.
"J'ai eu une carrière gratifiante à bien des égards (...) en réussissant à rassembler des gens grâce à des chansons, surtout à un moment où cela semblait complètement impossible", se félicitait le musicien qui a vendu plus de 5 millions d'albums.
Le musicien sénégalais Youssou NDour lui a rendu hommage sur Twitter
Asimbonanga tu nous quittes sur la pointe des pieds mais saches que ton message restera éternel. Repos l'immense artiste engagé ! YN #RIP_Johnny_clegg. #Kebetu
— YOUSSOU NDOUR (@YoussouNdourSN) 16 juillet 2019
Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a aussi salué la mémoire du musicien, qu'il qualifie de "compatriote exceptionnel et une icône de la cohésion sociale et de l'antiracisme".
Dans un communiqué publié au lendemain de sa mort, le 17 juillet, le président déclare : "Johnny Clegg vivra toujours dans nos coeurs et dans nos foyers lorsque nous écouterons sa musique, mélange émouvant de célébration des cultures et de résistance politique".
La Fondation Mandela a aussi rendu un hommage mercredi "à l'icone de la musique et au combattant de la liberté Johnny Clegg". "Nous sommes bénis d'avoir pu le connaître, nous continuerons à chanter Asimbonanga et nous continuerons à oeuvrer pour le pays de ses rêves", a-t-elle écrit sur son compte Twitter.
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