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Algérie : la grande purge des généraux opposés à Saïd Bouteflika

La presse algérienne s’étonne de l’arrestation de deux généraux, qui intervient après la mise à la retraite d'office du «Dieu de l’Algérie», l'ancien chef des services de renseignement. Leur dénominateur commun : refuser l’éventualité de la candidature de Saïd Bouteflika pour succéder à son frère, Abdelaziz.
Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Le général Hocine Benhadid (DR/Capture d'écran)

La scène se passe le 30 septembre 2015 en fin d’après-midi sur une autoroute dans les hauteurs d’Alger. La voiture du général Hocine Benhadid est interpellée par des gendarmes, sous le regard ébahi des automobilistes. Le chauffeur est libéré, le général à la retraite incarcéré. Les charges retenues contre le septuagénaire sont lourdes : «Divulgation du secret militaire», «outrage et appel à la désobéissance», «diffamation»… Son tort ? S’épancher dans les médias pour prévenir le risque d’une candidature du frère de l’actuel président de la République Abdelaziz Bouteflika.
 
La Régence
 «L’impasse politique du 4e mandat d'Abdelaziz Bouteflika était, en avril 2014, un pronostic largement partagé par les observateurs et l’opposition politique en Algérie. Il s’est réalisé en un peu plus d’un an. Deux accélérateurs. La chute des prix du pétrole, l’incapacité d'Abdelaziz Bouteflika à inventer une gouvernance autre que la Régence au profit de son frère Saïd. La combinaison des deux est explosive», analyse l’éditorialiste El Kadi Ihsane.


Pour de nombreux observateurs algériens, la grille de lecture est fort simple : Saïd Bouteflika est le nouveau régent d’Alger, son frère étant en mauvaise santé. Il serait en train de faire le vide parmi ses opposants dans l’Armée nationale populaire et dans les services de renseignements.
 
Trois-quarts de président
Abdelaziz Bouteflika a longtemps vécu douloureusement le fait d’être élu grâce aux généraux en 1999. «Je refuse d’être un trois-quarts de président», répétait-il. Seize ans plus tard, il a réussi à se défaire des marionnettistes, ceux qui lui ont ouvert les portes d’El Mouradia. Il est désormais seul maître à bord… avec son frère. Exit le général-major Hassan, ancien chef de la direction de la lutte contre le terrorisme, emprisonné à Blida, limogeage du «Dieu de l’Algérie», le général Toufik, et enfin incarcération du général Hocine Benhadid, la purge bat son plein.
 
Pas de place pour les tièdes
«Tout s’est joué avant le quatrième mandat de Bouteflika quand l’actuel Secrétaire général du FLN a réussi à faire main basse sur le parti historique. Il avait attaqué de suite le patron des services de renseignement (DRS). Toutes les personnes opposées ou pas très enthousiastes pour le quatrième mandat étaient dans le viseur. La purge pouvait commencer une fois le président réélu», explique pour Géopolis un spécialiste de la politique algérienne.


Saïd Bouteflika est-il sur l’autoroute qui mène à la présidence. Pas si sûr, selon Kadi Ihsane : «Ce pouvoir unique qui concentre tout entre ses mains est encore plus informel qu’avant. Il est en fait une Régence. Un pouvoir délégué du président de la République vers son frère. (…) L’impasse politique est donc là.»

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