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Algérie : "Le 5e mandat du président Bouteflika s'est évanoui dans les manifestations de la rue"

Après de nouvelles manifestations en Algérie contre un éventuel 5e mandat du président Bouteflika, l'historienne Sophie Bessis dit ne pas voir "comment sa candidature pourrait être validée".

Article rédigé par franceinfo
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Manifestation à Annaba, dans l'est de l'Algérie, le 1er mars 2019 (- / AFP)

Au lendemain des manifestations monstres en Algérie, Sophie Bessis, historienne et spécialiste du Maghreb, interrogée sur franceinfo samedi 2 mars, estime que "le 5e mandat d'Abdelaziz Bouteflika s'est évanoui dans les manifestations de la rue algérienne. On voit mal comment sa candidature pourrait être validée dans ce contexte", ajoute-t-elle.


franceinfo : Ce n'est pas habituel de voir de telles manifestations en Algérie. Comment les analysez-vous ?

Sophie Bessis : Il faut se souvenir des grandes manifestations algériennes d'octobre 1988 à 1991. À la suite de cela, les Algériens ont connu une décennie de guerre civile, ou je dirais de guerre contre les civils, extrêmement sanglante, avec 150 000 morts (entre 1992 et 2002). Cette expérience sanglante et traumatisante a pris fin il y a une vingtaine d'années. Les jeunes Algériens n'ont donc pas connu ces années-là, et sont donc délivrés de la peur.

Quelles sont les solutions pour le pouvoir en place ?

Il n'y a pas d'unanimité au sein du pouvoir. C'est bien la raison pour laquelle on veut présenter Abdelaziz Bouteflika à un 5e mandat, puisque les différents clans du pouvoir ne se sont pas mis d'accord sur une formule de succession acceptable. Aujourd'hui, il est évident qu'ils recherchent une solution possible, car le cinquième mandat de Bouteflika s'est évanoui dans les manifestations de la rue. Même s'il ne se représente pas, il est hors de question pour le régime algérien d'abandonner le pouvoir.

Tous les scénarios sont possibles ?

Oui, et ils sont plus ou moins inquiétants. Les éléments durs du pouvoir pourraient exciter quelques agents provocateurs qui permettraient une répression. Mais aujourd'hui, au sein de la police et de l'armée, vous avez des exemples de fraternisation avec les manifestants. Donc les forces de l'ordre du régime algérien sont divisées, et on ne sait pas qui peut aujourd'hui récupérer cette colère des Algériens.

A vos yeux, ces manifestations sont-elles révélatrices de critiques personnelles à l'encontre d'Abdelaziz Bouteflika ou à l'encontre du pouvoir en place ?

Les deux, je pense. Le président Bouteflika conserve une certaine aura dans certains secteurs de la population algérienne. Il symbolise la fin de la guerre civile. D'autres, en revanche expriment une lassitude très grande dans la mesure où Bouteflika fait partie des cercles du pouvoir depuis 60 ans. Cela montre l'immobilisme du pouvoir algérien.

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