Démission de Bouteflika : "Les Algériens ne veulent pas d'une succession organisée" estime un politologue spécialiste du monde arabe
Le directeur du Centre d'études et de recherche du monde arabe et méditerranéen a réagi sur franceinfo à l'annonce de la démission d'Abdelaziz Bouteflika.
Alors que la présidence algérienne a annoncé lundi 1er avril la démission du président Abdelaziz Bouteflika d'ici le 28 avril, "les Algériens ne veulent pas d’une succession organisée mais plutôt d’une transition négociée", a analysé mardi sur franceinfo le politologue Hasni Abidi. Le directeur du Centre d'études et de recherche du monde arabe et méditerranéen (Cermam) a expliqué qu'une "grande incertitude" pesait sur le processus de transition. Il a néanmoins estimé qu'un scénario analogue à celui de l'Egypte, où l'armée avait pris le pouvoir, était peu probable : "Les Algériens ne veulent pas que l’institution militaire soit l’artisan unique de cette transition : oui pour un rôle de garant, mais pas pour gérer la transition politique."
franceinfo : Après l'annonce de la démission de Bouteflika d'ici le 28 avril, certains Algériens sont toujours dubitatifs. Ont-ils raison ?
Hasni Abidi : Ils ont raison car ils sont habitués à un régime politique qui n’a jamais été clair dans la marche à suivre et qui à chaque fois, en cherchant à gagner du temps, essaie de trouver une sortie pour éviter l’humiliation collective tout en pesant lourdement sur le processus qui s’enclenche, celui de la transition politique. Les Algériens ne veulent pas d’une succession organisée mais plutôt d’une transition négociée.
Abdelaziz Bouteflika va-t-il tout faire pour placer ses hommes de confiance et maintenir le système en place ?
Il y a une grande incertitude qui pèse sur ce processus de transition. Il faut rappeler que le début d’une transition n’est pas la fin du problème, et que la transition va poser toutes les difficultés et tous les défis de la sortie d’un régime autoritaire. Nous sommes face à deux feuilles de route : celle de l’état-major de l’armée, en actionnant l’article 102, mais aussi la lettre du président Bouteflika, où il annonce des mesures importantes. Il faut voir s’il y a une contradiction entre le plan dessiné par l’état-major de l’armée, devenu aujourd’hui le seul décideur de l’Algérie, et le cercle présidentiel qui n’a pas encore dit son dernier mot.
Y-t-il un risque que l’armée prenne les rênes du pays, comme cela s’est passé en Egypte ?
Non. C’est un scénario qui hante tous les Algériens. L’engagement politique des Algériens depuis 40 jours est tout à fait différent de celui de l’Egypte : ils ont lu et relu les scénarios qui se sont passés dans les pays voisins, et aussi en Egypte. L’autre élément, c’est que l’armée algérienne a déjà par le passé exercé le pouvoir et n’en garde pas un très bon souvenir. Ce qui est important pour l’armée c’est plutôt d’être un acteur de la transition, parce que la transition a besoin d’une locomotive. Le problème, c’est que les Algériens ne veulent pas que l’institution militaire soit l’artisan unique de cette transition : oui pour un rôle de garant, mais pas pour gérer la transition politique.
Encore faut-il qu’il y ait une véritable opposition, ce n’est pas encore le cas. Peut-il y en avoir une d’ici quelques semaines ou quelques mois ?
L’opposition émerge seulement dans des échéances électorales transparentes et indépendantes. Malheureusement, le système du président Bouteflika a tout fait pour durant 20 ans verrouiller le champ politique et médiatique. Aucun parti politique n’a réussi à émerger. C’est pourquoi il est très difficile aujourd’hui et injuste de dire que l’opposition est faible. Et une période de transition négociée entre le pouvoir et l’opposition est à mon avis indispensable pour arriver à une sortie acceptée par tout le monde.
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