L’Algérie oubliée par le vent du changement
En avril 2011, en plein Printemps arabe, alors que les velléités protestataires de février sont vite étouffées par les forces de l’ordre, le président Abdelaziz Bouteflika promet la tenue d’élections législatives et l'amendement de la Constitution pour «renforcer la démocratie représentative».
L'Algérie ne suit pas le scénario tunisien, égyptien ou marocain…
… alors même que des partis islamistes briguent, un an plus tard, des sièges à l'Assemblée.
En effet, s’ils restent la 3e force en présence à l’Assemblée, les islamistes du bloc de l'Alliance verte, des modérés plutôt conciliants avec les institutions, font un flop, avec leurs 59 sièges sur 462.
«On a eu notre islamisme, on ne peut pas oublier cette période», explique le politologue Noureddine Hakiki, qui fait référence aux dix ans de guerre civile et d’exactions imputées notamment aux Groupes islamiques armés entre 1990 et 2000. Avant de conclure : «Il y a une incertitude sur l'avenir des révolutions arabes, les Algériens ne veulent pas entrer dans une aventure.»
Quant au Front des Forces socialistes, le plus vieux parti d'opposition revenu dans l'arène électorale après dix ans de boycottage, il remporte 21 sièges et dénonce «l’ingéniosité du système pour se consolider au pouvoir».
Déception pour les uns, plébiscite pour les autres
Le scrutin, dont les résultats sont contestés, fait en effet la part belle aux deux partis nationalistes, le présidentiel Front de libération nationale (FLN) et son allié, le Rassemblement national démocratique du Premier ministre, qui récupèrent respectivement 220 et 68 sièges.
De quoi avoir les coudées franches, pour la majorité, pour poursuivre les réformes commencées il y a un an par Abdelaziz Bouteflika, 75 ans, malade et trois mandats.
Première élection depuis le Printemps arabe
BFMTV, le 11 mai 2012
Vrai ou pseudo changement ?
Pour beaucoup d'Algériens, les élections ne changent rien tant que le pouvoir est détenu par un réseau proche des forces de sécurité qui s’accapare la manne économique (gaz et pétrole). Mais au vu des résultats, nombre d'Algériens accordent finalement au FLN une garantie de stabilité.
Première mesure attendue après ces législatives, la nomination d'un nouveau Premier ministre à la place d’Ahmed Ouyahia.
Autre réforme dans les tuyaux, la révision de la Constitution. But : redistribuer au Parlement une partie des pouvoirs dévolus au chef de l'Etat. Et enfin, une élection présidentielle.
Plusieurs lois ont déjà été adoptées par le Parlement
Présentée comme une réforme-clé, la loi sur les partis – autorisant de nouvelles formations politiques après dix ans de gel des agréments –, est considérée par certains comme un moyen d'exercer un plus grand contrôle sur l'opposition.
Autre loi d’importance, celle sur les médias: l'audiovisuel a été ouvert au privé, mettant fin à plus de cinquante ans de monopole d'Etat. Opposition, militants des droits de l'Homme et journalistes y voient une «régression» et une atteinte à la liberté de la presse, réelle en ce qui concerne le ton des journaux.
Des textes contestés
Un texte emblématique, la loi sur la parité, accorde aux femmes entre 20 et 40% des postes, en fonction de la densité de la population. Ses détracteurs remarquent qu’il n’y a aucune obligation de les faire figurer en tête des listes électorales. A noter cependant, 145 d’entre elles sont entrées dans l’hémicycle. Elles n’y siégeaient qu’à 30 auparavant.
Quant à la loi sur les associations, elle révise celle adoptée en 1990 après les émeutes sanglantes d’octobre 1988 et qui a mis fin au règne du FLN comme parti unique. Elle fixe «les conditions de création des associations» et stipule un accord d'Etat à Etat pour autoriser les associations étrangères en Algérie.
Trop restrictive, dénoncent les militants des droits de l'Homme qui y voient le renforcement de l'hégémonie de l’Etat sur la société civile, comme les ONG étrangères ou les associations islamistes.
Une série de mesures sociales et financières
Pour limiter la contestation, les autorités ont vite réagi. Elles ont augmenté les subventions sur les prix des produits de base, ont fait passer le salaire minimum de 150 à 180 euros, réévalué les salaires des fonctionnaires, et les pensions et allocations de retraite inférieures à 150 euros.
Aujourd’hui, les observateurs internationaux – soulagés par le moindre score qu’attendu des islamistes – applaudissent dans leur ensemble la bonne tenue des élections et les signes d’ouverture.
Si au gouvernement, on évoque un «printemps démocratique algérien authentique», la société civile ne manquera pas de voir dans l’abstention le grand vainqueur du scrutin et d’attendre, résignée, de vraies réformes.
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