Cet article date de plus d'onze ans.

Comment assurer la sécurité des expatriés français en zones à risques ?

Francetv info a interrogé un ancien du GIGN qui conseille aujourd'hui les entreprises ayant des employés à l'étranger.

Article rédigé par Salomé Legrand - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
L'entrée du site nucléaire d'Areva à Arlit, dans le nord du Niger, le 26 septembre 2010. (ISSOUF SANOGO / AFP)

Au moins 200 salariés d’un site gazier du sud de l’Algérie, dont une quarantaine d’étrangers, ont été pris en otage, mercredi 16 janvier. De quoi relancer la question de la sécurité des expatriés français dans les zones à risques. Ils sont ainsi près de 15 000 dans le Sahel. Quelles mesures prendre ? Comment accroître leur sécurité ? Francetv info a posé la question à Lilian Laugerat, ancien du Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) et directeur des opérations de la société Iremos, qui conseille les entreprises en cas de crise de ce genre.

Francetv info : Actuellement, quels sont les risques pour les expatriés français, notamment dans le Sahel ?

Lilian Laugerat : Etant donné la situation, les risques sont surtout l’enlèvement et la prise d’otages. Je fais la différence car lors d’un enlèvement, le seul recours est la négociation alors que lors d’une prise d’otages, comme actuellement en Algérie, le recours à la force est également envisageable.

Vous avez beau mettre en place tous les processus de sûreté possibles, c'est avant tout les gens eux-mêmes qui sont responsables de leur propre sécurité. En effet, le pire ennemi dans ces cas-là, c’est la routine. Voilà probablement ce qui s’est passé en Algérie, où des mesures de sécurisation étaient en place mais où la menace était très diffuse et l’attention portée sur d'autres zones plus proches du Mali. Si un danger précis avait été identifiée, le site aurait été bien plus sécurisé. Le malveillant, en l’occurrence le terroriste, profite d’une opportunité, d’une brèche.

Que faire pour éviter cela ?

En France, depuis la "jurisprudence Karachi" [du nom d'un attentat au Pakistan en mai 2002 qui a fait 14 morts dont 11 employés français de la Direction des constructions navales], la sécurité des salariés entre dans le cadre du droit du travail. Les salariés des zones à risques sont donc de plus en plus formés. Quels risques pèsent sur eux ? Comment réagir lors d’une prise d’otages ?... On leur apprend notamment à ne pas résister car on devient un obstacle à la réalisation de l'objectif des terroristes, obstacle que ces derniers peuvent être amenés à éliminer. Malheureusement, on est plus souvent dans la réaction que dans l’anticipation.

Quand nous intervenons auprès d'une entreprise, nous lui demandons : "Que ne voulez pas qu’il arrive ?" Puis on étudie très précisément où se trouvent ses expatriés, ce qu’ils font, etc.  Evidemment, il existe toute une batterie de mesures en fonction du danger : loger dans des lieux sécurisés, gardés, avec éventuellement de la vidéosurveillance, se doter de portails renforcés, jusqu’aux gardes du corps armés ou non pour escorter. Le plus difficile, c’est d’évaluer précisément la menace et de s’adapter en fonction.

Comment les entreprises protègent les expatriés dans les régions sensibles (C. Le Goff, J. Bony, C. Cormery-Laville, O. Sengul, Babel presse, France 2 / Francetv info)

Que conseilleriez-vous à une entreprise française qui a du personnel dans le Sahel aujourd’hui ?  

Il faut ne laisser sur place que le personnel strictement nécessaire et essentiel et rapatrier le plus de monde possible. La situation est très compliquée et extrêmement évolutive. Pour les salariés dont la présence est nécessaire, ils doivent se déplacer uniquement en cas d'impératif et dans des conditions connues à l'avance.

Nous conseillons également qu’ils soient accompagnés de security manager, qui sont généralement des anciens militaires, occidentaux ou locaux, et qui ont les clefs pour évaluer la situation au jour le jour. Dans le Sahel, il n’est a priori pas possible de les faire accompagner de gardes armés privés car ce sont l’armée et la police locales qui sont en charge d’assurer la sécurité des étrangers. Enfin, il faut renforcer l’anticipation en se préparant à tous les scénarios possibles et en réfléchissant à l'organisation des départs immédiats.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.