Burkina Faso : Ibrahim Traoré, jeune putschiste à la tête du pays des hommes intègres
Le nouveau chef de la junte militaire a fait savoir qu'il respecterait les engagements déjà pris pour un retour rapide des civils au pouvoir.
Le capitaine Ibrahim Traoré, auteur du dernier coup d'Etat qu'a connu le Burkina Faso, est officiellement devenu mercredi 5 octobre président du Burkina Faso dans l'attente de la désignation d'un président de transition par des "Assises nationales".
"Le président du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) assure les fonctions de chef de l'Etat, chef suprême des forces armées nationales", indique une déclaration intitulée "Acte fondamental" qui complète la Constitution du Burkina, "en attendant l'adoption d'une charte de la transition".
Faire mieux en matière de sécurité
Le capitaine Traoré a renversé le vendredi 1er octobre le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, lui-même arrivé par la force au pouvoir en janvier 2022 en renversant le président élu Roch Marc Christian Kaboré. Le Burkina Faso a connu ainsi deux coups d'Etat en huit mois.
L'Acte adopté mercredi précise qu'en "attendant la mise en place des organes de la transition", le MPSR "est garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire, de la permanence et de la continuité de l'Etat, du respect des traités et accords internationaux auxquels le Burkina Faso est partie". La Constitution, qui avait été suspendue vendredi, a été rétablie et "s'applique à l'exception de ses dispositions contraires" à l'Acte fondamental.
Le plus jeune chef d'Etat au monde
Ibrahim Traoré, 34 ans, devient le plus jeune chef d'Etat au monde, devant le Chilien Gabriel Boric, 36 ans. Il a en partie justifié son coup de force en reprochant au lieutenant-colonel Damiba "la dégradation continue de la situation sécuritaire". Il a promis de faire "dans les trois mois" ce "qui aurait du être fait dans les huit mois passés", une critique directe de son prédécesseur.
Natif de Bondokuy (ouest), le nouveau chef de la junte burkinabè a étudié la géologie à Ouagadougou, la capitale du pays, avant de rejoindre l'armée en 2010. Il est diplômé de l'Académie militaire Georges Namonao, une école de formation d'officiers moins glorieuse que le Prytanée militaire de Kadiogo (PMK) dont son prédécesseur est issu. Il sortira vice-major de la promotion nommée "Citoyenneté", raconte un ancien élève qui a étudié avec lui. S'en suivent dix ans de carrière au front : il est déployé dans le nord et le centre du pays frappés par les attaques jihadistes, puis au Mali en 2018 au sein de la mission des Nations unies, la Minusma. Il est nommé capitaine en 2020.
Ironie de l'histoire, le parcours récent de Traoré s'est inscrit dans les pas de celui du lieutenant-colonel Damiba qu'il a fini par renverser. Il a été membre de la junte putschiste, le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), qui a porté Damiba au pouvoir le 24 janvier. Quelques semaines plus tard, en mars, le président Damiba l'avait nommé chef d'artillerie du régiment de Kaya, d'où est venue la grogne.
Retour des civils au pouvoir
Désigné par ses camarades porte-parole des membres du MPSR sur le terrain, il est mandaté plusieurs fois à Ouagadougou pour plaider un changement de stratégie auprès du président Damiba. C'est finalement faute d'avoir été entendu, disent plusieurs de ses soutiens, qu'il aurait marché sur Ouagadougou vendredi, quelques jours après une énième attaque, cette fois contre un convoi de ravitaillement escorté par l'armée dans le nord, à Gaskindé. Bilan officiel : 27 morts militaires et 10 civils tués.
Les attaques régulières de groupes armés affiliés à Al-Qaïda et au groupe Etat islamique (EI) ont fait des milliers de morts et provoqué le déplacement de quelque deux millions de personnes. Une majorité du territoire échappe au contrôle de l'Etat, notamment du côté des frontières avec le Mali et le Niger. Traoré aura la lourde tâche de reprendre l'ascendant dans la lutte contre les groupes jihadistes, certains affiliés à Al-Qaïda d'autres à l'Etat islamique, qui ne cessent de gagner du terrain depuis qu'ils ont débuté leurs attaques au "pays des hommes intègres" en 2015.
Ibrahim Traoré a reçu le 4 octobre 2022 une délégation de la Communauté des Etats d'Afrique de l'ouest (Cédéao), venue évaluer la situation quelques jours après le putsch. Elle est repartie "confiante", selon l'ancien président nigérien Mahamadou Issoufou, membre de la délégation et médiateur de la Cédéao pour le Burkina. A l'issue de cette rencontre, le capitaine Traoré a assuré que Ouagadougou continuerait à respecter les engagements pris par son prédecesseur auprès de la Cédéao, notamment l'organisation d'élections et un retour de civils au pouvoir au plus tard en juillet 2024.
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