Cet article date de plus de neuf ans.
Burkina Faso: «La société civile veut l'arrestation du général Diendéré»
Le général Gilbert Diendéré a déclaré le 22 septembre 2015 qu'il attendait les conclusions du sommet de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest, médiateur de la crise burkinabè. La société civile a déjà exprimé son désaccord avec le plan de sortie de crise de l'organisation sous-régionale. Entretien avec Smockey, cofondateur et porte-parole du Balai citoyen.
Publié
Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le Balai citoyen, organisation de la société civile burkinabè, a été l'acteur majeur de la révolution d'octobre 2014 au Burkina Faso qui a mis fin au régime de Blaise Compaoré. Alors que la transition est ménacée par le coup d'Etat du 16 septembre 2015 mené par le général Diendéré à la tête du très contesté Régiment de sécurité présidentielle (RSP), les Burkinabè restent plus que jamais mobilisés pour ne pas se faire voler leur révolution. Y compris, selon eux, par la médiation de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) qui tient un sommet sur la crise mercredi 22 septembre au Nigeria.
Dans quel état d’esprit se trouve la population civile burkinabè alors qu'on attend les conclusions du sommet de la Cédéao dont vous ne souhaitez pas tenir compte?
La société civile est profondément scandalisée et unamime: Ouagadougou (la capitale) et toutes les grandes villes de province sont mobilisées et attendent qu’on annonce la défection du RSP et l’arrestation du général Diendéré. L’armée régulière (qui encercle la capitale où se trouve le RSP) est appuyée par la population qui lui fournit des informations. Nous espérons que cette arrestation interviendra dans les heures qui viennnent. Cela aurait dû être fait depuis mais il semblerait qu’il y ait des pourparlers qui influent sur la situation, problablement avec la Cédéao. Il n’y a pas encore eu d’arrestations mais des élements du RSP se sont déjà rendus au camp Lamizana. Les médias n’en parlent pas : ils font une couverture partiale de l’information. On ne parle que de Diendéré en publiant ses discours. Ce qui tend à laisser penser qu’il a le contrôle de la situation alors que le palais (présidentiel) est fermé. Nous sommes mobilisés afin d’éviter qu’une entourloupe ne se produise, c'est-à-dire l’intervention d’éléments extérieurs à la situation.
Le sommet qui se tient à Lagos sur la crise burkinabè est en train, selon vous, de retarder le cours «normal» des choses, comme l’entend la société civile…
J’ai l’impression que c’est lié et que c’est ce qui a retardé l’attaque du palais. Il doit y avoir des tractations. Le général veut sauver sa peau à tout prix au mépris de ses hommes puisque l’accord (la proposition d'accord émise par la Cédeao) n’inclut pas l’amnistie pour eux. Nous appellons donc les membres du RSP à se rendre. C'est dans leur intérêt. Nous communiquons suffisamment pour que la population ne se fasse pas justice elle-même. Nous avons aussi communiqué pour qu’on ne touche pas à un seul cheveu du général Diendéré. Simplement, nous souhaitons que le droit soit dit à propos des crimes qu’il a commis. C’est tout ce que les Burkinabè demandent.
Pas d’aministie donc pour les putschistes?
Pas d’aministie et pas d’implication des anciens caciques du régime. Tout ce qui est en train de se passer aujourd’hui n’est pas le fruit du hasard. Comme nous l’avons toujours dit, RSP=CDP (ancien parti au pouvoir, NDLR) =Diendéré. Ce sont les mêmes hommes. C’est le même pouvoir de Compaoré qui essaie d’avoir la mainmise sur le régime de transition au mépris de la vie des populations.
Les Burkinabè ne comptent définitivement pas sur la médiation africaine, et plus généralement sur la communauté internationale?
Pour une fois, tout le monde est d'accord sur cette question. Le pays entier est unanime sur la dissolution du RSP. Les représentants de la Cédéao ne peuvent pas venir accorder l’amnistie à des militaires qui ont tiré sur des gamins de 11-12 ans offrant leurs poitrines nues aux balles des terroristes. Ce n'est pas normal que ces gens ne soient pas punis pour ce qu’ils ont fait et restent en plus aux affaires. L’accord implique que les caciques de l’ancien régime, qui sont leurs complices, puissent se présenter aux élections. Et on voit très bien qui est à la manœuvre: le général Diendéré. Lequel a fait comprendre que seul le régime qui lui succèdera pourra décider ou non de la dissolution du RSP. Les gens ne sont pas dupes. La patrie ou la mort ! Si jamais l’armée régulière ne le faisait pas, la population est prête à aller, par petits groupes, se suicider pour en finir avec cette situation.
Y aurait-il une proposition de la médiation de la Cédéao qui aurait convenu aux Burkinabè ?
La Cédeao aurait pu prendre en compte toutes les parties concernées. Ni les partis politiques ni la société civile n’ont été associés aux discussions et à la finalisation de l’accord. Avant toute discussion, il aurait fallu que le RSP accepte de déposer les armes et remette le pouvoir aux autorités de la transition dans leur ensemble, y compris le Conseil national de transition (CNT) qui faisait des réformes ne leur plaisant pas. Le dialogue aurait alors pu aboutir à un consensus qui aurait eu l’assentiment de la majorité de la population.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.