Thomas Sankara, la fascination d’une figure devenue "patrimoine africain"
Thomas Sankara, l'ancien président burkinabè, a été assassiné le 15 octobre 1987. 32 ans après, le voile n'a toujours pas été levé sur les circonstances de sa mort. Il fait l'objet d'un culte et ses discours résonnent plus que jamais auprès d’une jeunesse africaine qui en a fait un héros.
Il est arrivé au pouvoir par un coup d’Etat en 1983. Thomas Sankara n’avait que 33 ans. Son "règne" n'a duré que quatre ans. Il fut emporté à son tour par un coup d’Etat sanglant mené par son fidèle compagnon Blaise Compaoré le 15 octobre 1987. Pendant de longues années, son frère d'armes s’est efforcé, en vain, de brouiller l’image du jeune capitaine qu’il accusait d’avoir trahi la révolution. Peine perdue. Thomas Sankara fascine toujours, plus de 30 ans après sa mort. "Si Sankara avait été là aujourd’hui, il épouserait la cause de la jeunesse burkinabè en lutte pour son émancipation, il serait aux côtés des Noirs américains qui se battent contre les assassinats de la police américaine et il serait aux côtés des femmes qui font front contre leur asservissement." Ainsi témoigne le sociologue burundais David Gakunzi, interrogé par l'AFP.
Un héritage abondamment revendiqué
Plusieurs années après son assassinat, le culte se poursuit. Son héritage a été abondamment revendiqué durant le soulèvement populaire d’octobre 2014 qui a conduit à la chute de son tombeur, l’ancien président Blaise Compaoré qui a trouvé refuge en Côte d’Ivoire.
Ouagadougou attire désormais des jeunes venus des quatre coins de l’Afrique pour lui rendre hommage. Pour Fadel Barro, leader du mouvement de jeunesse sénégalais "Y en a marre", la jeunesse africaine est prête à prendre la relève et à perpétuer son action. "Il y a un Sankara économique. Il y a un Sankara culturel, un Sankara avant-gardiste, un Sankara de liberté d’expression et de parole, c’est ce Sankara que les jeunes sont venus admirer parce qu’ils ont envie que l’Afrique se développe. Ils ont besoin que l’Afrique soit indépendante. Sankara dépasse le cadre du Burkina Faso, c’est un patrimoine africain et mondial", a-t-il insisté.
Résolument anti-impérialiste et anticolonialiste, Thomas Sankara s’était fixé comme priorités l’assainissement des finances publiques et le désenclavement des campagnes. Il se voulait proche des aspirations des paysans et se battait en faveur d’une éducation pour tous dans un pays classé parmi les plus pauvres du monde. En 1986, il a surpris ses compatriotes en faisant une déclaration publique de ses biens. "J’ai grandi avec les discours de Sankara", témoigne Jacques Koété, un Togolais de 28 ans qui n’était pas encore né quand Thomas Sankara fut assassiné en 1987. "Pour nous, jeunesse du Togo, Sankara est un espoir. Il a montré que l’impossible est possible", affirme-t-il.
Un mémorial sur les lieux de sa mort
La star ivoirienne du reggae Tiken Jah Fakoly proclame fièrement son appartenance à la génération Sankara. Il ne rate aucune occasion pour revendiquer fièrement son identité sankariste.
"Quand Sankara met son peuple au travail, quand il prouve que l’Afrique peut se développer sans les grandes puissances: tout ça sont des valeurs et des actes que nous ne devons pas oublier. Nous sommes 54 pays avec des matières premières dont les pays occidentaux ont besoin. Nous serons deux milliards en 2050 et nous avons une population très jeune. Nous avons la terre et tout ce que les pays occidentaux ont perdu", plaide Tiken Jah Fakoly, convaincu que les idées de Sankara sont bien là près de 30 ans après sa mort.
C’est ce que rappelle aussi l’ancien président ghanéen, Jerry Lawrings, un ami de Sankara. Il a été nommé président d’honneur d’une fondation qui récoltera des fonds pour construire un mémorial sur les lieux de sa mort à Ouagadougou.
Un monument pour perpétuer la mémoire d’un homme considéré comme un héros. Ses compatriotes veulent aussi que la vérité dans son assassinat éclate au grand jour.
"Rien d’empêchera la manifestation de la vérité et de la justice", a promis le ministre burkinabè de la Culture, Tahirou Barry, présent à la cérémonie organisée en hommage à Thomas Sankara. Il a réaffirmé l’engagement du gouvernement dans "la réhabilitation" de celui qui est considéré comme le père de la révolution burkinabè.
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