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Addi Bâ, le tirailleur sénégalais méconnu de la Résistance
Sorti en salles le 14 juin 2017, le film «Nos patriotes», réalisé par Gabriel Le Bomin, s’inspire de la vie d’Addi Bâ, tirailleur résistant, héros méconnu de la Seconde guerre mondiale. Retour sur un parcours singulier.
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Il y a cette photo célèbre de Jean Moulin, le regard vers l’horizon, chapeau vissé sur la tête, en incarnation de la Résistance française. Et il y a cette photo, méconnue, d’un tirailleur sénégalais, calot sur le chef, sabre à la main, et ce même regard fier. Sur ce cliché, figure Addi Bâ, né en Guinée avant de rejoindre la métropole à vingt ans, peu avant la guerre, puis de s’engager volontairement dans l’armée française, dans les rangs des tirailleurs venus des colonies.
Choix irrévocable
Le 18 juin 1940, en pleine déroute française et au moment où Charles de Gaulle prononce son célèbre appel à la résistance, Addi Bâ est fait prisonnier par les Allemands, en compagnie d’autres tirailleurs. Selon la plupart des sources historiques, il parvient à s’évader le soir-même avec certains de ses frères d’armes, puis est recueilli par une famille française après quelques semaines d’errance dans les Vosges.
Alors que les quelques tirailleurs sénégalais de la région doivent être évacués vers la Suisse, Addi Bâ refuse net et fait le choix irrévocable d’entrer dans la Résistance. «J’ai été touché par cette volonté de s’incarner dans des valeurs universelles de liberté et de fraternité, témoigne pour Géopolis Afrique Gabriel Le Bomin, le réalisateur de Nos patriotes. Son histoire nous tend un miroir sur notre société, vis-à-vis du repli identitaire et communautaire, nous montre quelqu’un qui décide d’agir avec d’autres résistants en dépassant tout ce qui pouvait le construire contre ce groupe.» Malgré le racisme de quelques-uns de ses camarades, le combattant de 27 ans se fait peu à peu apprécier au sein du mouvement Ceux de la Résistance (CDLR).
Parlant un français parfait, ne quittant pas son uniforme de tirailleur, Addi Bâ se fait connaître dans la région, et les nazis le surnomment «Le terroriste noir», un nom qui inspirera l’auteur guinéen Thierno Monénembo pour le roman qui évoque le résistant. «Tout le monde le connaissait. Il entrait où il voulait. Il était tout le temps chez l’un, chez l’autre. Toutes les portes lui étaient ouvertes», témoignent des habitantes du village où il résidait, citées sur le site d’Etienne Guillermond dédié à Addi Bâ.
Multipliant les allers-retours nocturnes, décrit comme fier et mystérieux, le tirailleur rejoint le maquis en 1943, et participe à la création du Camp de la Délivrance, avec pour rôle de gérer la vie quotidienne et le ravitaillement. Mais après quelques semaines d’activité, les Allemands repèrent les clandestins. Addi Bâ, qui ne s’est pas enfui comme plusieurs de ses compagnons, est blessé, arrêté, puis emprisonné à Epinal, en compagnie d’un de ses camarades, Marcel Arburger. Ils seront fusillés tous les deux.
Changer le regard
Si le film s’inspire avant tout d’un roman, et assume une réécriture romancée, il garde un certain souci historique, au point d’avoir été validé par l’Education nationale. Par exemple, la première scène, qui montre des nazis filmant l’exécution à balles réelles de tirailleurs sénégalais dans une fausse bataille à des fins de propagande, a réellement eu lieu, le 7 juin 1940, dans un village de la Somme, explique Gabriel Le Bomin.
De son côté, Etienne Guillermond, journaliste et auteur de la biographie Addi Bâ, Résistant des Vosges, a apprécié l’interprétation du combattant à l’écran par Marc Zinga: «L’histoire d’Addi Bâ change le regard sur la participation des coloniaux à la Seconde guerre mondiale, nous montre que la vision des tirailleurs comme simple chair à canon, forcés de s’engager, est à dépasser. Il ne faut pas nier la colonisation et ce qu’il s’est passé, mais cette histoire nous montre quelqu’un qui s’est engagé volontairement pour combattre le nazisme. Les nazis reprochaient à la France d’avoir inversé l’ordre de la civilisation, en permettant aux Noirs de se battre contre des Blancs.»
Pendant plusieurs années, le Vosgien d’adoption restera loin des livres d’Histoire, et son parcours reste encore plein de zones d’ombre. Mais peu à peu, plusieurs auteurs se penchent sur ce personnage fascinant, dont le footballeur et écrivain Lilian Thuram, qui dédie un chapitre de son livre-panthéon Mes étoiles noires à Addi Bâ. Dans son pays natal, aussi, le tirailleur n’est plus un inconnu. «En Guinée, il représente une grande fierté, témoigne Etienne Guillermond, qui s’est rendu sur les pas ouest-africains de celui qui fut le héros de son enfance. Il incarne le combat mené par les Africains contre le nazisme.»
Clin d’œil d’Addi Bâ à l’Histoire, une lettre du tirailleur dans les années 1940 passe «le bonjour à un certain Monsieur Hollande», raconte M.Guillermond. «Il s’agit du grand-père de François Hollande, qui était directeur d’école dans le village de Langé, qu’Addi Bâ a bien connu quelques années plus tôt. Mais il est possible que l’ancien président lui-même ne le sache pas»...
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