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L'épopée des Amazones du Dahomey, "des machines à tuer", bientôt à l'écran

Redoutables guerrières du Bénin, ces femmes n’obéissaient qu’à une règle : tuer l’ennemi. Elles décapitaient leurs adversaires et brandissaient leurs têtes pour anéantir toute résistance.

Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Une série sur les Amazones du Dahomey, inspiration des guerrières de "Black Panther", est dans les tuyaux. (Capture d'écran youtube)

Les Béninois ont été ravis d’apprendre qu’ils vont enfin découvrir à l’écran l’histoire fascinante des Mino (nos mères en langue fon), ces femmes guerrières de l’ancien royaume du Dahomey, surnommées Amazones par les colons.

"Bien sûr que je suis ravi. Mais j’attends de voir. J’espère qu’il ne s’agit pas de véhiculer une image négative sur les Amazones en déformant leur histoire", lance le professeur et linguiste béninois Albert Bienvenu Akoha, interrogé par franceinfo Afrique.

L’histoire fascinante de ces femmes, "conditionnées pour vaincre ou mourir", sera bientôt portée à l’écran. Un projet de film hollywoodien, The Woman King, est dans les tuyaux. Selon la productrice du projet, Cathy Schuman, les actrices Viola Davis et Lupita Nyong’o y tiendront les premiers rôles.

'The Woman King' racontera l'une des plus grandes histoires oubliées de notre monde, celle d'une armée de femmes se battant contre l'esclavage, la colonisation et les rivalités tribales pour former une nation

Cathy Schulman, productrice du projet

Une série consacrée à ces redoutables femmes guerrières est aussi prévue. Elle devrait être coproduite par la firme Sony Pictures et l’entreprise nigériane EbonyLife TV. "Notre vision a toujours été de changer le discours sur l’Afrique et de raconter nos histoires de notre point de vue. Nous avons maintenant l’occasion de présenter l’histoire fascinante des guerrières du Dahomey", a annoncé à la presse Mo Abudu, PDG d’EbonyLife.

Les pratiques sexuelles leur étaient interdites

De nombreux témoignages racontent les faits d’armes de ces troupes d’élite composées exclusivement de femmes entre le 17e et le 19e siècle. Un régiment militaire entièrement dévoué à la sécurité du roi dans l’ancien royaume du Dahomey, l’actuel Bénin. On dit que ces combattantes avaient un statut semi-sacré et que beaucoup d’entre elles étaient vierges.

"En fait, dans la conscience collective au Bénin, la virginité confère à la femme une force physique. Et est donc un critère de recrutement aux métiers des armes. On pensait que s’adonner à l’activité sexuelle affaiblissait le physique de la femme. Et lorsqu’elles étaient engagées dans des campagnes militaires, les pratiques sexuelles leur étaient totalement interdites", explique le professeur béninois Albert Bienvenu Akoha à franceinfo Afrique.

Le professeur béninois Albert Bienvenu Akoha est linguiste, spécialiste des traditions orales. Il dirige le conservatoire des danses traditionnelles du royaume d'Abomey. (Capture d'écran Youtube)

Invitée de l’émission 7 milliards de voisins sur RFI, la journaliste Sylvia Serbin, auteure de Reines d’Afrique et héroïnes de la diaspora noire, décrit un corps militaire qui s’est imposé au fur et à mesure que l’armée se dotait de nouveaux équipements de guerre.

"On repérait des éclaireuses, des jeunes filles en général, qui pouvaient se faufiler à travers la brousse sans être repérées. Elles portaient des espèces de casques, avec des cornes d’animaux. Elles se voulaient invincibles et se considéraient comme un rempart de leur société", explique-t-elle.

"Elles n’étaient pas destinées au harem du Roi"

Les Amazones étaient-elles sélectionnées parmi les enfants d’esclaves et affranchies pour entrer dans le harem du roi ? Non, répond le professeur Albert Akoha. Il explique à franceinfo Afrique qu’il s’agit là d’une projection de visions occidentales sur le Dahomey. "Quand deux esclaves mettaient au monde un enfant sur le sol du Dahomey, il était automatiquement considéré comme un homme libre. Donc enfant du roi. Cet enfant n’appartenait plus à ses parents. C’est ainsi que beaucoup de filles venant de cette catégorie ont été recrutées au sein des Amazones. Elles n’étaient pas du tout destinées à intégrer le harem du roi", observe-t-il.

Le professeur Akoha constate que plus d’un siècle après leur disparition, les Amazones sont une véritable fierté nationale au Bénin. Il refuse de les qualifier de "machines à tuer". Une étiquette qui leur colle à la peau depuis qu’elles ont mené une guerre sans merci contre la conquête coloniale française. "Moi je parle plutôt de bravoure exceptionnelle. Elles avaient pour mission de gagner la guerre et de ramener des prisonniers à leur roi. Elles ne tuaient pas l’ennemi pour le plaisir de tuer", tranche-t-il.

"Le courage et le sens du sacrifice"

Quel héritage les Amazones du Dahomey ont-elles légué aux Béninois ? Le courage et le sens du sacrifice, répond le professeur Albert Akoha. Pour lui, la volonté d’indépendance affichée aujourd’hui par les Béninoises de ne pas dépendre de leurs maris est sans doute un héritage des Amazones. Mais il exprime un profond regret : "L’histoire des Amazones du Dahomey a été écrite par les vainqueurs, soupire-t-il. Aujourd’hui, elle ne se trouve dans aucun manuel scolaire au Bénin". Une anomalie qui n’a pas permis aux Béninois de savoir que leurs ancêtres avaient déjà trouvé une bonne manière de "traiter à égalité l’homme et la femme", regrette-t-il.

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