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Manarat, le festival qui "a fait le choix de défendre le cinéma d’auteur" sur les plages tunisiennes

La deuxième édition de Manarat, le festival du cinéma méditerranéen de Tunisie, se tient du 1er au 7 juillet 2019. Entretien avec Dora Bouchoucha, sa directrice. 

Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Affiche du Festival du cinéma méditerranéen de Tunisie dont la deuxième édition se déroule du 1er au 7 juillet 2019.  (MANARAT 2019)

Franceinfo Afrique : comment définiriez-vous Manarat (qui signifie "Toiles de mer") dans le contexte tunisien et méditerranéen ? Qu’est-ce qui en fait la spécificité ? Quelles sont ses ambitions ?

Dora Bouchoucha : l’originalité de ce festival réside dans le fait qu’il présente au public tunisien des films venus d’horizons inconnus de lui. Par exemple, des œuvres venues d'Albanie, de Chypre, d'Espagne, de Grèce, de Turquie ou encore du Liban sont en compétiton cette année. Sur les plages, nous projetterons des films du Monténégro et de Slovénie. Manarat est un festival qui va vers le public en lui offrant des projections gratuites sur neuf plages, du nord au sud du littoral tunisien. En dehors des dix films en compétition qui seront projetés en salles, tous les autres seront disponibles sur les plages. Chaque soir, un film y sera dévoilé. Nous avons notamment demandé à des comédiens connus, souvent chacun dans sa région, de présenter ces séances.

Notre ambition est de donner envie aux Tunisiens d’aller au cinéma, en leur proposant des œuvres à la fois accessibles et de belle facture, de voir des films à la fois divertissants et engagés. Nous avons fait le choix de défendre un cinéma d’auteur menacé par la dure loi du marché qui privilégie les films à grand spectacle, plus faciles d’accès. Nous souhaitons ainsi prouver que réflexion et distraction ne sont pas antagonistes. Le festival est également le cadre de rencontres professionnelles, de panels de discussions et de masterclass. Ces rencontres constituent des lieux d'échanges et de réflexion sur la coopération entre pays méditerranéens.

C'est la deuxième édition de Manarat. Qu’est-ce qui vous permet de confirmer qu'il a toute sa place aujourd’hui dans l’univers du cinéma ?

Manarat a toute sa place dans l’univers du cinéma méditerranéen. Les résultats très positifs de l’an dernier, alors que peu de gens croyait en sa réussite, nous ont confortés dans l’idée qu’il y a une attente du public pour une manifestation de ce genre. Je participe depuis vingt-cinq ans à de nombreux festivals comme invitée ou membre de jury. Mon expérience et celle de l’équipe qui m’accompagne me permettent d’être optimiste. Notre concept très original – le cinéma des plages  séduit tous ceux que nous invitons et je suis sûre que le succès du festival ira en grandissant. Par ailleurs, nous ne cherchons pas l’exclusivité à tout prix. Nous avons donc moins de pression sur les épaules. Cependant, les films que nous projetons passent en général pour la première fois en Tunisie. C'est le cas, par exemple, de ceux qui sont en compétition officielle. 

Organiser des projections sur des plages requiert une certaine logistique. Comment les avez-vous sélectionnées ces plages ?

Nous avons choisi des sites en accord avec les municipalités et le ministère de l’Intérieur. Ces plages sont facilement accessibles et sécurisées. Les gens n’auront pas, par exemple, besoin de voiture pour y accéder. Il leur suffira de venir à pied.

Dora Bouchoucha, directrice du festival Manarat, répond aux journalistes lors de la conférence de presse qui s’est tenue le mercredi 19 juin 2019 à Tunis (Tunisie).   (MANARAT 2019)

Quelle est la programmation de Manarat 

Outre les films en compétition, nous avons choisi de rendre hommage aux cinémas contemporains égyptien et italien en présentant cinq films de chacun des deux pays. La section Cinéma engagé comptera cinq fictions et cinq documentaires. Au total, nous projeterons cinquante-quatre films longs métrages, documentaires et fiction et dix courts métrages.

Que peut-on dire de ce cinéma égyptien que vous mettrez à l'honneur ?

Nous rendons également hommage au cinéma italien. Ce sont deux cinématographies fortes de la Méditerranée. L’Italie et l’Egypte ont su produire un cinéma à la fois divertissant et engagé. Dans le monde arabe, le cinéma égyptien a toujours promu des œuvres commerciales, mais qui avaient également un propos. En Tunisie, par exemple, nous produisons plutôt des films d’auteur.

Quelle est la composition du jury 2019 ?

Il est composé de trois comédiennes : l’Egyptienne Salwa Aly qui a beaucoup travaillé dans le théâtre indépendant et de nombreux films, la Turque Damla Sonmez remarquée et primée pour son interprétation dans Sibel (2018) et la Tunisienne Souhir Ben Amara qu’on a pu voir récemment dansTlamess, film présenté à la Quinzaine des Réalisateurs lors de la dernière édition du festival de Cannes. L’homme de lettres et journaliste algérien Kamel Daoud et le réalisateur français Michel Leclerc complètent le jury de l'édition 2019. 

Quels seront les rendez-vous de cette deuxième édition ?

Dans le cadre des Conversation(s) (masterclass), le cinéaste égyptien Yousri Nasrallah et ses compatriotes, l'actrice Nelly Karim et le grand comédien Mahmouda Hemida seront présents. De même que les frères Dardenne : ils seront là avec leur film Le jeune Ahmed, prix de la mise en scène au dernier Festival de Cannes.

Un panel sur le cinéma d’auteur et les films dits de "festival" sera animé par Olivier Barlet, critique et fin connaisseur des cinémas arabes et africains. Un autre sur la circulation et la distribution des films arabes dans le monde réunira des experts comme ceux de l'Arab Cinema Center. Alix Ferraris, le directeur des Nuits Med (Les nuits méditerranéennes du court-métrage, un festival corse, NDLR), et Tarek Ben Chaabane, auteur du livre Cinéma tunisien d’hier et d’aujourd’hui pour lequel une signature est prévue pendant le festivaldirigeront un atelier dévolu à la production d'un format court.  

Une rencontre permettra de concrétiser des accords de coproduction et encourager la circulation des œuvres entre les deux rives de la Méditerranée. Un colloque sur les droits sociaux et moraux des artistes, à l'initiative de la Mutuelle tunisienne des artistes, se tiendra également.

Films en compétition

A Shelter Among the Clouds de Robert Budina (Albanie)
Pause de Tonia Mishiali (Chypre)
Petra de Jaime Rosales (Espagne)
L’Enkas de Sarah Marx (France)
Pity de Babis Makridis (Grèce)
A l’improviste de Ciro D’Emilio (Italie)
The Swing de Cyril Aris (Liban)
La Guérisseuse de Mohamed Zineddaine (Maroc)
Regarde moi de Nejib Belkadhi (Tunisie)
The Announcement de Mahmut Fazil Coskun (Turquie)

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