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La Banque mondiale dénonce le détournement de l'aide dans les pays en développement

Dans les 22 pays les plus dépendants, "l’aide financière est accaparée par les élites", et l'argent part vers les paradis fiscaux.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
Photo réalisée lors de l'assemblée plénière de la Banque mondiale le 18 octobre 2019. (ANDREW CABALLERO-REYNOLDS / AFP)

C'est un document de 45 pages intitulé L'aide financière accaparée par les élites. L'étude prétend qu’environ 5% de l’aide financière fournie par la Banque mondiale à 22 pays se retrouvent dans des paradis fiscaux. L’étude fait grand bruit car elle émane des services même de la Banque mondiale.

Sa publication a été retardée, "bloquée par des hauts responsables", selon le magazine The Economist. Faux, rétorque l’institution. Le retard est lié à une relecture et à l’apport d’autres éléments d’analyse. "Chaque publication fait l’objet d’un examen approfondi pour assurer sa qualité", précise la Banque mondiale dans un communiqué.

Au profit des paradis fiscaux

Il faut dire que l’étude n’y va pas par quatre chemins. Pour les 22 pays les plus dépendants de l’aide de la Banque mondiale, les versements de ces aides coïncident avec "des hausses significatives des dépôts dans les paradis fiscaux". L’étude chiffre même cette fuite. Pour une aide équivalente à 1% du PIB, les dépôts dans les paradis fiscaux progressent de 3,4%. Et ces dépôts sont nuls dans les pays qui ne sont pas des paradis fiscaux. "Si d’autres interprétations sont possibles, relativisent les auteurs de l’étude, cela suggère une évasion sur des comptes bancaires privés dans ces paradis fiscaux."

Ces transferts d’argent dans les paradis fiscaux ont aussi valeur d’aveu, selon les auteurs. Ces placements dans des pays peu exigeants sont le signe de gains illégaux mis discrètement à l’abri.

Au premier rang, les pays africains

19 de ces 22 pays sont situés en Afrique. Et les dépôts annuels dans les paradis fiscaux représentent de coquettes sommes dans certains Etats. 193 millions de dollars pour Madagascar, 145 pour la Tanzanie, 103 pour le Burundi, etc.
On peut reprocher à l’étude de ne pas apporter beaucoup de preuves. D’ériger en vérité, des hypothèses de travail.

Ainsi, affirmer que les placements en offshore sont fatalement liés aux classes dirigeantes, au regard de la faible bancarisation des pays, est un peu rapide, même si cela est pertinent. "Les plus pauvres dans les pays en voie de développement n'ont même pas un compte en banque, et c’est totalement impossible qu’ils puissent contrôler les transferts d’argent vers les paradis fiscaux", disent les auteurs.

Evoquer la corruption comme étant un frein au développement et un crime largement partagé en Afrique n’est pas une nouveauté. Qu’elle soit largement alimentée par l’aide internationale pose une question. Faut-il suspendre ces aides pour lutter contre la corruption ?

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