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Le glyphosate risque de faire des ravages au Bénin, avertit un spécialiste

Brice Enagnon Sohou est un environnementaliste béninois, spécialiste des risques et catastrophes. Il explique à Géopolis comment il se bat contre vents et marées pour convaincre les autorités de son pays d’interdire l’usage du glyphosate. Cet herbicide est abondamment utilisé dans la culture du coton dont dépend l’économie du pays. Ses initiatives lui attirent menaces et intimidations.
Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
L'économie du Bénin repose essentiellement sur la culture du coton. Le glyphosate est abondamment utilisé dans les plantations sans aucune précaution. (Photo AFP/Stefan Heunis)

C’est un homme inquiet pour sa sécurité qui s’est confié à Géopolis ce lundi 3 septembre. Il dit être menacé et faire l’objet d’intimidations de toutes sortes depuis qu’il a lancé en 2017 une campagne «Bénin sans pesticides». Une campagne qui a reçu des milliers de signatures en ligne.

«J’ai mis ma main dans du feu et j’ai compris que cette affaire du glyphosate n’est pas un jeu d’enfants. La porte de mon domicile a été défoncée il y a une semaine. J’ai l’impression de déranger une puissante mafia. J’ai été obligé d’arrêter la campagne pour ne pas risquer de me faire assassiner», explique le scientifique béninois à Géopolis.

Brice Enagnon Sohou est docteur en gestion de l'environnement, spécialiste des risques et catastrophes (Photo/Brice Sohou)

«Les affaires priment sur la santé des Béninois»
Au Bénin, le glyphosate est directement lié à la culture du coton dont dépend grandement l’économie du pays. Cet herbicide sert abondamment dans les plantations de coton pour éliminer les mauvaises herbes. Mais ce produit suscite de plus en plus la méfiance de la communauté scientifique béninoise depuis qu'il a été mis en cause par la justice américaine.

Le 10 août 2018, le groupe Mosanto, géant américain de l’agrochimie, a été condamné par la justice californienne à verser près de 300 millions de dollars à un jardinier de 46 ans atteint d’un cancer du système lymphatique. Sa maladie a été attribuée à son exposition à des herbicides contenant du glyphosate commercialisé par le groupe.

Brice Sohou ne comprend pas comment cette affaire n’a suscité aucune réaction de la part des autorités sanitaires de son pays.

«Cette année, il est prévu d’importer 900.000 litres de glyphosate dont 500.000 sont déjà arrivés au Bénin… Le ministre de l’Agriculture est allé jusqu’à affirmer que le glyphosate n’est pas dangereux. Aujourd’hui, les affaires priment sur la santé des Béninois.»

«Du glyphosate dans le sang de certains diabétiques»
Brice Sohou fait remarquer que le Togo voisin vient d’interdire l’usage de cet herbicide et que les contrevenants risquent de se retrouver en prison. «Faut-t-il attendre que ce poison décime les populations béninoises pour enfin réagir», s’interroge-t-il?

«Pas plus tard que cette semaine, j’ai reçu des images montrant un enfant qui porte dans ses bras plusieurs contenants plastiques de glyphosate. Les gens recyclent ces bouteilles en plastique pour conserver la bouillie et le lait pour les nourrissons. Pour conserver le sel de cuisine ou le vin de palme. Parce qu’ils ne savent pas les risques qu’ils courent. Des paysans répandent le glyphosate dans leurs champs sans porter de gants. Sans porter de masques au visage. Au Bénin, on dispose aujourd’hui des preuves que le glyphosate est bien présent dans le sang de certains diabétiques. Il y a des preuves scientifiques. Il faut investir pour faire des enquêtes approfondies.» 

Un enfant béninois porte dans ses bras plusieurs contenants plastiques de glyphosate ramassés dans la nature. (Photo/Brice Sohou)

Brice Sohou constate que le cancer tue de plus en plus dans son pays où 1500 nouveaux cas sont enregistrés chaque année. Et on ne se pose pas la question de savoir quelles en sont les causes, déplore-t-il.

«Mon souhait est qu’on arrive à évaluer le niveau de pollution de nos nappes phréatiques et de nos cours d’eau. Que ceux qui importent ces pesticides arrivent à évaluer leur présence dans le sang humain. Il faut qu’on arrive à mesurer les risques que nous courons dans les cinq ou dix prochaines années», plaide-t-il.

« Pourquoi je dis que le cercueil est ouvert?»
Spécialiste des risques et des catastrophes, l’environnementaliste béninois est persuadé que son pays peut se passer du glyphosate pour le remplacer progressivement par des produits moins dangereux pour la santé de la population.

«Aujourd’hui, un compatriote béninois à la tête d’une société qui s’appelle Biophyto a réussi à produire des tonnes d’engrais et des pesticides biologiques. Il a son brevet d’invention. Ce ne sont pas les solutions qui manquent. Il y a des plantes qui permettent d’éliminer les mauvaises herbes de la même manière que le glyphosate. C’est une question de volonté politique. Il faut que les autorités acceptent d’en parler.»

Brice Sohou raconte à Géopolis comment tous ces produits entrent dans le pays sans payer la moindre taxe. Des produits qui «risquent de faire des ravages» dans le pays, avertit l'environnementaliste béninois.

«Pourquoi je dis que le cercueil est ouvert? Tout simplement parce que les autorités ne sont pas capables de nous dire ce que risquent tous ceux qui sont exposés à ces produits nocifs. Moi je suis choqué chaque fois que j’apprends que des hommes meurent de la leucémie. Cette maladie peut ne pas être directement liée au glyphosate, mais on n’a besoin de le savoir», explique-t-il.

Brice Sohou estime que le temps est venu pour son pays de refuser de recevoir «tout ce qu’on interdit en Europe» au risque de voir le Bénin devenir la poubelle de l’Europe.

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