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Egypte : retour à l'ère Moubarak ?

Ils s’appellent Ahmed Maher, Ahmed Douma, Mohamed Adel ou Abdel Fattah. Ils avaient été des leaders de la révolution égyptienne et ils viennent d’être arrêtés ou condamnés par le pouvoir militaire égyptien. Les militaires qui ont renversé le président élu Morsi, avec le soutien d’une partie de la population, sont-ils en train de ramener l’Egypte à l’ère Moubarak ?
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Ahmed Douma (à gauche) et Ahmed Maher (à droite), lors de leur procès au Caire, le 22 décembre 2013. (AFP)

La répression mise en œuvre par le pouvoir militaire du général Sissi ne touche plus que les Frères musulmans. Aujourd’hui, la machine policière et judiciaire s’attaque aux militants laiques et défenseurs des droits de l’homme qui pendant un temps avait semblé accepté le coup d'état militaire qui avait renversé le président Morsi, en juillet dernier.

Après la mort de plusieurs centaines de manifestants lors du coup d’état militaire de juillet dernier et l’arrestation de nombreux militants islamistes, le pouvoir militaire a ciblé trois militants laïques actifs lors de  la révolte qui a chassé Hosni Moubarak du pouvoir en 2011.  Ahmed Maher, Ahmed Douma et Mohamed Adel ont été condamnés dimanche à trois ans de prison pour avoir défilé contre une nouvelle loi limitant le droit de manifester en Egypte.

C'est la première fois, depuis la chute du président Morsi, le 3 juillet 2013, qu'un tribunal condamne des manifestants non-islamistes.
 
Retour du pouvoir autoritaire
Cette situation était prévisible. Depuis quelques semaines, les militants de gauche, laïques ou défenseurs des droits de l’Homme, manifestaient de plus en plus ouvertement leur opposition à la politique répressive du régime militaire. «Au-delà désormais des cercles des défenseurs des droits de l'Homme, qui dénonçaient depuis plus de trois mois la très sanglante répression visant les manifestants partisans de Morsi, des Egyptiens dénoncent un retour du pouvoir autoritaire, près de trois ans après la chute de Hosni Moubarak», écrivait déjà Jeune Afrique en novembre, après l’arrestation du blogueur Abdel Fattah. 

Avec cette nouvelle loi anti-manifestation, le pouvoir du général Sissi a déclenché la fureur des mouvements libéraux et laïques qui s'étaient, jusqu'à présent, abstenus de critiquer la répression des manifestations pro-Morsi, voire soutenaient le nouveau gouvernement dans ces  actions.

Ahmed Douma, un des militants laïques les plus connus du pays, avait été arrêté le 3 décembre, tandis qu'Ahmed Maher, fondateur du mouvement du 6-Avril, fer de lance de la révolte de 2011, s'était rendu à la justice le 30 novembre.
              
Mohamed Adel, un autre militant en vue en 2011, était absent de la première audience du procès le 8 décembre. Il a été arrêté onze jours plus tard au siège d'une ONG au Caire après plusieurs semaines de fuite.
 
 
            
Un autre militant laïque, Alaa Abdel Fattah, habitué aux ennuis politiques, que ce soit sous le régime Moubarak que sous le régime Morsi, doit également être jugé pour participation à une manifestation interdite fin novembre, mais la date de son procès n'a pas encore été fixée.
  
MM. Maher, Douma et Adel étaient parmi les militants les plus actifs ayant organisé les manifestations qui ont poussé en février 2011 Hosni Moubarak, chef de l'Etat depuis trois décennies, à abandonner le pouvoir, au profit d'un conseil militaire. Ils avaient également supporté la destitution de Mohamed Morsi qu'ils accusaient d'avoir «trahi» la révolution de 2011.

Par ailleurs, un autre militant, Bassem Mohsen, blessé le 20 décembre dans des heurts à Suez (est), a succombé le 22, ont annoncé des sources médicales, sans donner plus de détails.

Retour de la torture              
Le coordinateur général du mouvement du 6-avril, Amr Ali, a dénoncé un verdict «visant à terroriser les militants politiques pour qu'ils arrêtent de manifester contre les échecs de ce régime».

Le site du mouvement fait un parallèle très net avec l'époque Moubarak : «Ce qui se passe aujourd'hui n'a rien à voir avec la révolution du 25 janvier (qui a renversé Moubarak, NDLR). Le retour de la torture dans les commissariats de police n'a rien à faire avec la révolution du 25 janvier ou toute révolution, et les efforts du système actuel pour libérer les autres symboles de Moubarak n'ont rien à voir avec la révolution. La propagation de la corruption et du népotisme, comme cela se passe maintenant, n'a rien à voir avec la révolution.Tout comme le retour de voyous dans l'appareil de sécurité de l'Etat ou le contrôle des médias, les mensonges et la désinformation n'ont rien à voir avec la révolution. Tout comme les massacres aveugles dans les manifestations, les universités, et les arrestations de ceux qui ont participé au 25 janvier n'ont certainement rien à voir avec la révolution.»

Pour 14 ONG égyptiennes, dont l'influente Initiative égyptienne pour les droits de l'Homme, ces condamnations et arrestations signifient le retour d'un «Etat policier plus brutal que jamais». Surtout que la répression s'accompagne d'un certain nombre de décisions visant à blanchir l'époque Moubarak. Il y a quelques jours, les deux fils Moubarak et Ahmad Chafiq, dernier Premier ministre de Moubarak, ont été acquittés dans une affaire de corruption.

Quant au président destitué, le parquet général égyptien a ordonné qu'il comparaisse pour un troisième procès, qui porte, entre autres, sur des accusations de meurtres de policiers. L'ancien chef de l'Etat est mis en cause dans cette affaire avec 129 coaccusés, dont des membres du Hamas palestinien et du Hezbollah libanais. Les accusations de meurtres, à l'origine du troisième procès, sont liées à une évasion massive de prison lors du soulèvement de janvier-février 2011 contre Moubarak. 

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