: Vidéo Révélations sur une opération secrète : comment une mission française censée lutter contre le terrorisme a été détournée par le régime égyptien
Le 25 novembre, en partenariat avec le média d'investigation Disclose, "Complément d'enquête" révèle, grâce à des documents confidentiels, comment une mission française censée lutter contre le terrorisme a été dévoyée par le régime égyptien pour bombarder des civils. La France s'est-elle rendue complice d'exécutions extrajudiciaires en Egypte ?
En 96 missions effectuées, "la problématique terroriste n'a jamais été abordée". Tel était le premier bilan qu'un rapport confidentiel tirait de la mission Sirli un an après son lancement, en février 2016. Or, du renseignement sur le terrorisme, c'est justement ce qu'était censée faire cette opération menée par la France en coopération avec l'Egypte. Mais voici comment le régime du maréchal Abdel Fattah al-Sissi l'a dévoyée au profit d'une répression des trafiquants locaux.
En fait de terroristes, ce sont des pick-up de trafiquants, donc des véhicules civils, que l'armée égyptienne aurait bombardés en utilisant les renseignements fournis par les Français. La France s'est-elle rendue complice de ce qui serait des exécutions extrajudiciaires ? C'est pour dénoncer ce scandale d'Etat qu'une source (qui restera anonyme) a transmis à "Complément d'enquête" et au média d'investigation Disclose des centaines de documents confidentiels. Parmi ces documents, il y avait notamment ce rapport de synthèse de janvier 2017.
Dans la zone surveillée par les Français, la menace terroriste "n'existe plus" en 2017, selon un spécialiste de la région
Les journalistes ont analysé les autres documents reçus : sur les centaines de véhicules repérés par le dispositif comportant un Avion léger de surveillance et de reconnaissance (ALSR), aucun terroriste n'a été identifié. Selon le rapport, les zones de surveillance de l'avion français se situent essentiellement le long de la frontière libyenne, se concentrant de plus en plus sur la moitié nord du désert.
Jamais les Egyptiens n'ont autorisé la mission Sirli à survoler le Sinaï. C'est pourtant là que l'armée égyptienne traque les groupes ralliés à l'organisation Etat islamique, comme le montrent abondamment les chaînes de télévision. Dans la zone surveillée par les Français, au contraire, la menace terroriste (supposée venir de l'est de la Libye) est très faible depuis 2017, affirment les spécialistes de la région. L'un d'eux, Jalel Harchaoui, s'étonne dans cet extrait que "dans les couloirs parisiens, dans les couloirs cairotes, on considère qu'on peut encore invoquer ce risque, alors qu'il n'existe plus".
Est-ce ce qui a poussé les Egyptiens à revoir leurs priorités ?
"L'ordre des priorités du partenaire est le suivant : 1. Le trafic ; 2. L'immigration illégale ; 3. Le terrorisme."
Compte rendu de la Direction du renseignement militaire (DRM)un document confidentiel transmis à "Complément d'enquête"
C'est ce que constate un document rédigé par l'un des adjoints du général Christophe Gomart, à un mois de son départ en retraite. Les journalistes de "Complément d'enquête" ont questionné l'ancien patron de la Direction du renseignement militaire (DRM) sur les suites données à ce rapport. Se rappelle-t-il l'avoir fait remonter en haut lieu ?
Le général Gomart n'en a pas souvenir, mais il s'étonne, car "l'ordre français, c'est exactement l'inverse. Notre objectif majeur, c'est la lutte contre le terrorisme ; la lutte, ensuite, contre les trafics humains, et la lutte contre le trafic". Comment aurait-il réagi s'il avait constaté des priorités contraires chez les Egyptiens ? En cas d'échec d'un "dialogue" avec son homologue, il reconnaît qu'il aurait préconisé de "stopper la mission", et "pense [qu'il aurait] été suivi, sans aucun doute". Suite à ce tournage, le document a été adressé au général Gomart, qui n'a pas fait de commentaire.
Extrait de "France-Egypte : révélations sur une opération secrète", un document à voir dans "Complément d'enquête" le 25 novembre 2021.
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