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Au Niger, les populations rurales en première ligne face au réchauffement climatique

Article rédigé par Laurent Filippi
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min

Depuis les années 1970, le Sahel souffre d'une sécheresse inconnue jusqu'à cette période. Le photographe Luis Tato s'est rendu au Niger, au cœur de cette région d'Afrique de l'Ouest.

Le Sahel a toujours connu un climat inhospitalier. La hausse des températures, liée au réchauffement climatique, est à l'origine de sécheresses de plus en plus longues. Dans le même temps, les inondations meurtrières ont augmenté depuis une dizaine d'années. Ces facteurs météorologiques ont des répercussions sur des ressources naturelles limitées et accentuent l'insécurité alimentaire. Pour éviter les famines, les populations sont obligées de se déplacer.

En février 2019, 17 pays du Sahel ont validé un "plan d'investissement climatique" de 400 milliards de dollars pour lutter contre les dégâts occasionnés par le réchauffement. Selon les dernières estimations de l’UE, près de 11 millions de personnes auraient besoin d’une aide alimentaire d’urgence dans la région.

En août, l'Organisation des Nations Unies pour l'agriculture et l'alimentation (FAO) a salué la publication du rapport spécial du GIEC, qui présente un état des lieux des dégâts causés à notre planète. Comme le souligne le document, les politiques favorables à la lutte contre le changement climatique peuvent grandement contribuer à améliorer la situation économique, sociale et environnementale.

La FAO a lancé un programme intitulé Un million de citernes pour le Sahel. Il s’agit de permettre aux populations d’avoir plus facilement accès à l’eau potable et d'en disposer suffisamment pour la production agricole.

Situé au cœur du Sahel, le Niger n'est pas épargné. Une situation d'autant plus complexe pour ce pays qu'en 2019, il a été classé par la Banque mondiale en 6e position des pays les plus pauvres du monde : 3 Nigériens sur 4 vivent ainsi avec moins de 2 dollars par jour.

Les chocs climatiques et l'insécurité alimentaire contribuent à l'instabilité du Niger. Les conflits entre agriculteurs et éleveurs ont augmenté. Dans ce contexte, l'insécurité devient un enjeu majeur dans ce pays rural à 80%.

En avril, Ali Bety, le haut-commissaire à l’Initiative 3N, Les Nigériens nourrissent les Nigériens, a lancé la seconde phase du Programme de résilience accrue au Sahel (RISE) à Niamey, la capitale du Niger. Cette initiative a été adoptée par le gouvernement en 2012 en tant que "Stratégie de sécurité alimentaire et nutritionnelle et de développement agricole durable". Le but est d'aider les populations nigériennes à renforcer leur résilience face aux chocs climatiques et sécuritaires auxquels elles sont exposées. La réhabilitation des terres dégradées et la maîtrise de l’eau en sont les priorités.

Le photographe espagnol Luis Tato, qui travaille pour différentes agences de presse, dont l'AFP, plusieurs ONG et la FAO, a reçu le Prix de la ville de Perpignan Rémi Ochlik lors du festival Visa pour l'image 2018. Pendant l'été 2019, il s'est rendu dans différents villages du Niger : Maradi, Yenlowo, Malamawa, Hapandu, Nakonce, Bakadawa… Il est parti à la rencontre des agriculteurs, des éleveurs, des femmes et des enfants confrontés quotidiennement aux problèmes environnementaux.

"Dès la fin de la saison des pluies, autour de la mi-septembre, les éleveurs nomades descendent du Nord avec leurs troupeaux, à la recherche de pâturage. Cette transhumance a longtemps été régie par des règles implicites: les agriculteurs libéraient leurs champs après la récolte, et les éleveurs venaient y faire paître leurs bêtes, dont les excréments enrichissaient les sols. Mais le changement climatique et la pression démographique ont changé la donne", rapporte une enquête de la Radio Télévision Suisse (RTS) réalisée en collaboration avec Télé Sahel.   (LUIS TATO/FAO/AFP)
"Jadis alliés, agriculteurs et éleveurs sont aujourd'hui en situation de concurrence. Et le manque de terres cultivables exacerbe le problème. On estime qu'entre 100.000 et 120.000 hectares de terre sont perdus chaque année au Niger, à cause de la désertification et de l'épuisement des sols", ajoute la RTS. (LUIS TATO/FAO/AFP)
La Suisse œuvre depuis vingt ans pour la résolution des conflits entre agriculteurs et éleveurs au Niger. Elle a notamment contribué à aménager 1500 km de parcours de transhumance balisés, ainsi que 120 puits pastoraux. Elle a également collaboré avec le gouvernement nigérien à une redéfinition de la législation foncière et de l’aménagement du territoire, particulièrement les règles d’accès aux ressources naturelles. (LUIS TATO/FAO/AFP)
"Des interventions précoces" dans les pays qui risquent d'être frappés par des catastrophes naturelles, peuvent permettre d'empêcher que les crises se transforment en urgences humanitaires, ou au moins d'atténuer leurs impacts. Autant d'impératifs soulignés dans un rapport publié en juillet 2018 par la FAO. (LUIS TATO/FAO/AFP)
Trois agences onusiennes, FAO, Fonds international de développement agricole (FIDA) et Programme alimentaire mondial (PAM), en collaboration avec le gouvernement du Niger, ont permis d'offrir de nouvelles opportunités aux populations pour nourrir leurs familles et renforcer leurs moyens d'existence. Il s'agit de les rendre plus résilients face aux évènements climatiques extrêmes. (LUIS TATO/FAO/AFP)
L'Institut national de recherche agronomique du Niger (INRAN) crée, par croisements, de nouvelles variétés de céréales et de légumes qui résistent mieux à la sécheresse. "On peut facilement doubler, sinon tripler les récoltes", détaille Salami Issoufou, coordinateur de l'Unité semencière de l'INRAN. Aujourd'hui, des dizaines de variétés de mil, de sorgho ou de niébé améliorés sont commercialisés dans le pays. (LUIS TATO/FAO/AFP)
En 2019 au Niger, sans une aide extérieure conséquente pendant la saison de soudure (période qui sépare la fin de la consommation de la récolte de l'année précédente et l'épuisement des réserves des greniers, de la récolte suivante), le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire grave pourrait doubler, passant de 604.000 à 1,2 million. Il est essentiel de constituer des stocks alimentaires et de rétablir la production fourragère afin d’améliorer les moyens d’existence des personnes vulnérables et leur résistance aux chocs, déclare la FAO. (LUIS TATO/FAO/AFP)
L’Union Africaine et la FAO appellent à soutenir davantage les femmes rurales afin qu’elles puissent jouer leur rôle dans l'éradication de la faim. José Graziano da Silva, le directeur général de la FAO a appelé à améliorer leur représentation au sein des mécanismes de gouvernance et des processus de prise de décision, à améliorer leur accès à la terre, aux ressources financières, aux programmes de protection sociale, aux services et à créer des opportunités pour les femmes vivant en milieu rural. «Les faits prouvent que lorsque les femmes peuvent agir de manière autonome, les exploitations sont plus productives, les ressources naturelles sont mieux gérées, la nutrition est améliorée et les moyens d'existence sont plus sûrs», a-t-il ajouté. (LUIS TATO/FAO/AFP)
Dans certains pays africains, les femmes représentent 60% de la force de travail dans les exploitations familiales. Elles sont principalement responsables des activités agricoles telles que la culture des légumes, la préservation des récoltes et l'élevage des petits ruminants (moutons, chèvres...). Les femmes sont également responsables de l'alimentation de la famille et préparent les repas. Faciliter l'égalité entre les sexes permettrait d'augmenter la production et la consommation alimentaires de près de 10% et de réduire la pauvreté d'environ 13%, selon la FAO. (LUIS TATO/FAO/AFP)
Depuis 1975, le Niger fête la Journée nationale de l’arbre le 3 août - qui est aussi la journée de l’indépendance du pays - en encourageant les citoyens à planter des arbres et à organiser des événements environnementaux. Un facteur essentiel pour lutter contre la désertification à travers le pays, explique l'ONU. (LUIS TATO/FAO/AFP)
Selon de récentes estimations, près de 6 millions de personnes seront à l'avenir confrontées à une situation de grave insécurité alimentaire de juin à août. Près de la moitié d'entre elles, soit 2,7 millions de personnes, sont des éleveurs ou des agropasteurs. Près de 1,6 million d'enfants devraient par ailleurs souffrir de malnutrition aiguë sévère pendant cette période. (LUIS TATO/FAO/AFP)
Le dernier rapport spécial du GIEC a montré que l'adoption de meilleures pratiques en matière d'alimentation du bétail et de gestion du fumier, un meilleur usage des technologies telles que les générateurs de biogaz, permet d'économiser de l'énergie. Ces éléments font également partie de la transition vers l'agriculture durable et donc des actions visant à lutter contre le changement climatique, explique le site allAfrica. (LUIS TATO/FAO/AFP)
En 2005, Afrique Verte Niger est devenue une structure autonome qui a pris le nom d’AcSSA – Action pour la sécurité et la souveraineté alimentaire –, ce qui lui a permis d'élargir son champ d’action. "Depuis, nous travaillons avec les organisations paysannes à l’amélioration des trois maillons de la filière agricole : production, transformation et commercialisation. Avec un accent fort mis sur le développement de l’agroécologie, réponse la mieux adaptée aux réalités du Niger, pays où le modèle dominant est celui de l’exploitation familiale qui occupe 85 % de la population", explique dans la Croix, Bassirou El Nouhou, coordinateur d'AcSSA. (LUIS TATO/FAO/AFP)
"Les agriculteurs ont toujours innové. Ce dont ils ont besoin, ce sont des politiques qui les protègent et renforcent leur résilience face au changement climatique. Ils ont besoin d'accéder à l'information, aux technologies et à l'investissement et ils doivent participer aux discussions portant sur l'innovation", a déclaré Maria Helena Semedo, directrice générale adjointe à la FAO. (LUIS TATO/FAO/AFP)
Dans cette optique, il est vital d'adopter des systèmes agricoles intégrés et de mettre en place une meilleure gouvernance des forêts, de planifier l'utilisation des terres afin de protéger la biodiversité, d'utiliser les ressources naturelles de manière durable et de promouvoir les services écosystémiques, conclut la FAO. (LUIS TATO/FAO/AFP)

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