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Coup d'Etat au Gabon : Ali Bongo, héritier contesté d'une dynastie qui dirige le pays depuis 1967

Au Gabon, un groupe d'une douzaine de militaires annonce l'annulation des élections, une tentative de mettre un terme au pouvoir de la famille Bongo qui dirige le pays depuis 55 ans.
Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le président gabonais Ali Bongo Ondimba, à son arrivée à Libreville le 23 mars 2019, après une convalescence de cinq mois au Maroc où il était soigné pour un accident vasculaire cérébral. (STEVE JORDAN / AFP)

"Nous avons décidé de défendre la paix en mettant fin au régime en place" : c’est un militaire qui s’exprime en ces termes à la télévision gabonaise, mercredi 30 août, pour annoncer la destitution d’Ali Bongo, le président gabonais réélu pour la troisième fois quatre jours plus tôt. Après le Niger, c’est le Gabon qui est l'objet d'un coup d’État et c’est la dynastie Bongo, à la tête du pays depuis presque soixante ans, qui est visée.

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Omar Bongo, le fondateur du clan

En décembre 1967, c'est le patriarche, le fondateur du clan, Omar Bongo, qui devient président du Gabon : le président Léon Mba, élu en mars 1967, vient de mourir et son jeune vice-président, qui s'appelle alors encore Albert-Bernard Bongo lui succède. Intraitable, inamovible, il règne sur un petit pays d'un million d'habitants, gorgé de pétrole, dont les élites économiques et politiques sont aussi riches que corrompues. Très vite, il devient l'emblématique pilier de la Françafrique.

En 1953, il crée le Parti démocratique gabonais, qui deviendra un instrument au service des ambitions politiques de sa famille. Omar Bongo est marié deux fois, dont une fois avec la fille aînée du président congolais Denis Sassou NGuesso, dont il sera très proche pendant de longues années avant une brouille définitive. Mais la légende lui prête une trentaine de compagnes et il a reconnu officiellement cinquante-deux enfants.

Ali Bongo, le successeur

À la mort d'Omar Bongo en 2009, c'est son fils Ali Bongo qui lui succède. "Monsieur Fils" ou "Baby Zeus", comme on l'appelle alors avec une certaine condescendance, est beaucoup moins charismatique que son père, beaucoup plus débonnaire, mais tout aussi accroché à son fauteuil. Avec la même tendance à confondre les affaires du pays et les siennes et une impopularité grandissante.

À 64 ans, il a déjà résisté à deux AVC et à un premier putsch raté en 2019. Il avait alors disparu dix longs mois à l'étranger, une convalescence et une intense rééducation qui semblent avoir fait de lui un miraculé, mais qui ont fait vaciller son pouvoir. À la tête du Gabon depuis 14 ans, il avait dû plusieurs fois lutter pour asseoir son pouvoir, hérité de son père, et resté au sein de cette dynastie dirigeante depuis 55 ans. Ses opposants mettent régulièrement en doute ses capacités intellectuelles et physiques à diriger le pays, certains affirmant même qu'un sosie le remplace... Mais si une raideur dans la jambe et le bras droits l'empêche de se mouvoir aisément, la tête est bien là, assurent des visiteurs réguliers, diplomates ou autres. 

Il avait pourtant d'ailleurs commencé à faire un peu de place à son fils, Noureddin Bongo Valentin, promu conseiller stratégique et chef de la campagne électorale de son père. 

Pascaline Bongo, la sœur écartée

La succession d’Omar Bongo se passe mal, une fois au pouvoir, Ali Bongo écarte d'abord sa demi-sœur, Pascaline. Ex-cheffe de cabinet de leur défunt père, accessoirement gestionnaire de sa fortune, ex-épouse du ministre des Affaires étrangères gabonais, mais aussi compagne de Jean Ping, un opposant politique de longue date. 

Ali reproche à l'aînée de la fratrie son manque de transparence, il veut surtout récupérer le patrimoine opaque mais colossal de leur père. Si possible en évinçant le reste du clan. En 2012, il fait supprimer les allocations que l'Etat versait à ses frères et sœurs. À ce moment-là, une trentaine de membres de la famille ou de caciques du régime d'Omar Bongo basculent dans l'opposition, désormais financée par le Congo de Denis Sassou NGuesso.

Des membres de la famille mis en examen dans l'affaire des "biens mal acquis"

La famille Bongo incarne un volet important de l'affaire des "biens mal acquis" en France. La justice soupçonne plusieurs membres de la famille d'avoir bénéficié d'un important patrimoine immobilier, acquis de manière "frauduleuse" par Omar Bongo grâce aux commissions occultes que lui versait la société pétrolière Elf, depuis absorbée par Total.

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Hôtel particulier à Paris, villa à Nice, appartements dans les beaux quartiers, véhicules de luxe, l'ensemble a été évalué à plus de 85 millions d'euros et certains de ces biens ont été saisis.

L'an dernier, l'enquête s'accélère et quinze ans après la première plainte déposée dans ce dossier, neuf enfants d'Omar Bongo sont mis en examen, notamment pour recel de détournement de fonds publics. D'autres sont pointés du doigt, au premier rang desquels Ali Bongo. Mais tant qu'il est ou était à la tête de son pays il bénéficiait de son immunité de chef d'Etat en exercice et ne risquait pas de poursuites judiciaires. Comme son père, il a toujours contesté le moindre détournement d'argent.

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