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Gabon : deux présidents pour un même fauteuil se livrent un combat sans merci

Le premier a été déclaré vainqueur de la présidentielle du 27 août. Le second s’est proclamé président de la République du Gabon, convaincu d’avoir remporté le scrutin. Ali Bongo et Jean Ping sont engagés dans un bras de fer qui risque de plonger le pays dans le chaos. Chacun campe sur ses positions en attendant l’entrée en jeu d’une médiation africaine.
Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
A gauche, Ali Bongo, président sortant, déclaré élu par la Commission électorale. A droite, l'opposant Jean Ping qui revendique aussi la victoire. Il s'est proclamé président de la République du Gabon. (Photo AFP)

La contestation électorale ne faiblit pas depuis la proclamation des résultats provisoires et l’explosion de violences qui lui ont succédé. Le candidat malheureux, Jean Ping, dénonce «un pouvoir qui tue tous les jours». Il demande la reprise du décompte des voix, bureau de vote par bureau de vote, dans la province du Haut-Ogooué, bastion électoral d’Ali Bongo où les chiffres officiels comptabilisent plus de 95% des votes en sa faveur, et une participation qui avoisine les 100%.
 
«Une anomalie évidente»
Même la mission d’observation de l’Union européenne a fait état «d’une anomalie évidente» dans les résultats du scrutin. «Le nombre de non-votants et de bulletins blancs ou invalidés ne correspond pas à la participation annoncée dans cette région», estimée à 48% dans le reste du pays. La chef de la mission européenne Mariya Gabriel a conclu que «l‘intégrité des résultats provisoires de cette province est en conséquence mise en cause».
 
Pressé de toutes parts par les partenaires du Gabon, Ali Bongo campe sur ses positions. Il a tenté d’expliquer à RFI les scores à la soviétique dans son fief électoral, qui ont jeté le doute sur la régularité de ce scrutin.
 
«En ce qui concerne le Haut-Ogooué, nous faisons ce résultat grâce à la campagne honteuse de Monsieur Ping qui a stigmatisé les populations (de cette province), qui nous a insultés et qui a fait en sorte qu’il y ait une réponse massive, une mobilisation sans précédent des populations du Haut-Ogooué. Maintenant la loi est là. Si Monsieur Ping a un problème, il va à la Cour constitutionnelle», a déclaré Ali Bongo.
 
Et pas question pour lui de procéder au recomptage des votes dans son fief comme le lui demande aussi son propre ministre de la Justice, Séraphin Moudounga, qui vient de lui remettre sa démission, jugeant que la paix était gravement menacée au Gabon.
 
«Il a démissionné pour d’autres raisons qui ont trait à son passé, et son passé le rattrape», a commenté Ali Bongo.
 
C’est dire la difficulté pour la mission de l’Union africaine qui va entamer une médiation entre les deux protagonistes pour dénouer ce qui est considéré par l’opposition comme «un coup de force électoral».
 
Des fraudes désormais visibles au grand jour
Après ce scrutin controversé au Gabon, des experts font remarquer qu’il devient de plus en plus difficile de frauder en Afrique en raison des mobilisations citoyennes.
 
«Le rôle des médias et l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication, c’est extrêmement important», indique Aboubacry Mbodji, secrétaire général de la RADDHO, une ONG de défense des droits de l’Homme basée à Dakar.
 
Les tentatives de fraude sont désormais visibles au grand jour et s’accompagnent de mesures controversées comme les coupures des réseaux de télécommunications, d’internet et des réseaux sociaux ou l’interdiction de supervision de certaines étapes du processus électoral.
 
Mais pour les experts, ces pratiques ne peuvent totalement empêcher la circulation de documents authentiques ou la diffusion de témoignages sur les fraudes. «C’est comme si ceux qui sont au pouvoir avaient de moins en moins la capacité de manipuler le processus», confie à l’AFP Mathias Hounkpe, responsable du programme de Gouvernance politique à la fondation Osiwa qui promeut la bonne gouvernance et la transparence en Afrique de l’Ouest.
 
Une victime des violences post-électorales enveloppée dans le drapeau gabonais, le 2 septembre 2016 à Libreville. Le nombre des morts fait polémique: de 3, selon les chiffres officiels, à 50 voire 100, selon l'opposant Jean Ping. (Photo AFP/Marco Longari)

«La chapelle des combattants de la liberté»
Des militants de l’opposition gabonaise se sont retrouvés mardi 6 septembre devant le siège du parti de Jean Ping dévasté par l’assaut des forces de l’ordre après la proclamation des résultats. Ils ont marché en silence, avant de s’incliner devant «la chapelle des combattants de la liberté morts pour la patrie».
 
Le temps du deuil n’est pas encore venu, a déclaré le sociologue gabonais Anaclet Fissielo à RFI: «Il s’agit simplement de dire aux familles endeuillées que les personnes mortes ne sont pas tombées en vain et qu’il s’agit d’aller au bout», a-t-il précisé.
 
Selon les chiffres officiels, il y aurait eu 3 morts. L’AFP a dénombré 7 victimes alors que Jean Ping a annoncé un chiffre plus important : entre 50 et 100 victimes. Un bilan qui n’a pas pu être vérifié de manière indépendante.

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