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Trois choses à savoir sur la Guinée-Bissau qui accueille pour la première fois un chef d'Etat français

Ce petit pays d'Afrique de l'Ouest est la dernière étape de la tournée du président Emmanuel Macron sur le continent. 

Article rédigé par Falila Gbadamassi - Avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 7min
Le président de la Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embalo (au centre), est accueilli par le président du Conseil européen, Charles Michel (à gauche), et le président français, Emmanuel Macron, lors de la première journée du sixième sommet de l'Union européenne (UE) et de l'Union africaine (UA), dans le bâtiment du Conseil européen à Bruxelles, le 17 février 2022. (OLIVIER HOSLET / POOL)

Emmanuel Macron en Guinée-Bissau. C'est à la fois une première pour l'actuel locataire de l'Elysée et un chef d'Etat français. Contrairement à ses précédentes étapes, le Cameroun et le Bénin, cette visite dans ce petit Etat lusophone d'Afrique de l'Ouest revêt un caractère plus symbolique. Elle s'inscrit cependant dans une vision diplomatique qui consiste pour Emmanuel Macron à se tourner vers des partenaires plus inhabituels de la France sur le continent africain. C'était le cas pour le Ghana et le Nigeria, deux pays anglophones sans lien historique particulier avec Paris, où il s'était rendu respectivement en 2017 et en 2018 durant son premier mandat.

Voici ce qu'il faut savoir sur la Guinée-Bissau où s'achève, le 28 juillet, la première tournée africaine du président Emmanuel Macron depuis sa réélection. 

Un Etat en proie à une instabilité chronique

Pays côtier d'Afrique de l'Ouest, dont le Sénégal et la Guinée sont les voisins et qui abrite le somptueux archipel des Bijagos, la Guinée-Bissau est une petite nation d'environ deux millions d'habitants. Elle a obtenu son indépendance en 1974 du Portugal après une longue guerre de libération, menée par le Parti africain pour l'indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert (PAIGC) fondé par Amilcar Cabral qui a été assassiné en 1973.

Depuis, le pays peine à trouver une stabilité politique et son armée en est la principale responsable. La Guinée-Bissau a connu quatre putschs dont le dernier date d'avril 2012 : le gouvernement du Premier ministre Carlos Gomes Junior avait été alors renversé entre les deux tours d'une présidentielle dont il était le favori. Sans compter la kyrielle de tentatives de coup d'Etat dont une en février dernier contre l'actuel président Umaro Sissoco Embalo qui a fait 11 morts. 

En 2014, la Guinée-Bissau s'est pourtant engagée vers un retour à l'ordre constitutionnel, ce qui ne l'a pas préservée des turbulences. Les tensions ont persisté après l'élection du president Umaro Sissoco Embalo en décembre 2019. En mai dernier, ce dernier a dissous le Parlement en invoquant "des divergences persistantes (...) ne pouvant être résolues" avec une institution, devenue selon lui, "un espace de guérilla politique et de complot". Des législatives devraient se tenir en décembre prochain. La Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) a déployé en juin une force pour appuyer la stabilisation de la Guinée-Bissau après la tentative de putsch de février. L'organisation sous-régionale avait eu la même démarche après le putsch de 2012. 

Depuis le début des années 2000, la Guinée-Bissau est considérée par l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime comme un narco-Etat, le seul répertorié sur le continent. Ce pays, l'un des plus pauvres au monde, est l'une des plaques tournantes du trafic de drogue en Afrique de l'Ouest dans lequel plusieurs officiers de l'armée ont été impliqués. Entre 2019 et 2022, 2,7 tonnes de cocaïne ont été saisies en Guinée-Bissau. Aux remous politiques s'ajoutent les tensions sociales : les fonctionnaires et les enseignants sont régulièrement en grève.

Un régime en quête d'alliés

La Cédéao, médiatrice dans les différentes crises qu'a connues le pays, est devenu un puissant allié pour la Guinée-Bissau. C'est elle qui a tranché en 2020 la querelle post-électorale qui avait conduit le pays à se retrouver avec deux présidents. L'organisation sous-régionale avait finalement reconnu la victoire du candidat Umaro Sissoco Embalo. Pour asseoir sa légitimité, le président Embalo a toujours été à la recherche de nouveaux partenaires, le soutien de son voisin sénégalais lui étant déjà acquis.

Selon le juriste bissau-guinéen Fodé Mané interrogé par la radio internationale allemande Deutsche Welle (lien en portugais), Umaro Sissoco Embalo profite ainsi "du poids qu'a le Sénégal et de l'importance qu'il a pour la France". Le président bissau-guinéen, poursuit Fodé Mané, "peut profiter des bonnes relations qu'il entretient avec le Sénégal pour faire venir un chef d'Etat français sur le territoire de la Guinée-Bissau, ce qui ne s'était jamais produit auparavant".

Le juriste estime d'ailleurs que la visite d'Emmanuel Macron n'est qu' "un outil de propagande pour le régime actuel" souvent critiqué pour sa gestion des droits de l'homme. Des questions qui seront abordées par le président français avec son homologue bissau-guinéen. Pour autant, Fodé Mané regrette que le président français n'aille pas à la rencontre de l'opposition et de la société civile. "Vous ne pouvez pas avoir une vision de la situation des droits de l'homme basée sur celle du gouvernement", plaide le juriste. 

Un nouvel interlocuteur africain pour Paris 

Dans les mois à venir, la Guinée-Bissau jouera un rôle important sur la scène internationale puisqu'elle assure la présidence de la Cédéao. Pour Fodé Mané, l'intérêt de la France pour la Guinée-Bissau n'est pourtant pas lié à cet agenda sous-régional. "Lors de la réception d'Umaro Sissoco Embalo à Paris (en octobre 2021), il a été annoncé que, dès que le chef de l'Etat français se rendrait sur le continent africain, il séjournerait en Guinée-Bissau", confiait le juriste à la Deutsche Welle.

Selon lui, "la perte de vitesse" de la France en Afrique peut justifier à elle seule que Paris se tourne vers Bissau dont elle a soutenu le régime après la tentative de coup d'Etat. Et ce quelques mois après la visite officielle du président Embalo à Paris. Emmanuel Macron avait alors affirmé que ce déplacement était le signe "du renouveau de la relation" entre les deux pays.

Le Chef de l'Etat français avait également salué "les efforts courageux et déterminés" menés par son homologue "en matière de lutte contre la corruption et de lutte contre les trafics, en particulier les trafics de drogue qui ont trop longtemps déstabilisé le pays et la région". Quant au président Embalo qui s'était exprimé en français, il souhaitait le soutien de Paris dans la création d'emplois et la formation des jeunes ainsi que dans la lutte contre la corruption dans son pays. 



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