Exploitation minière en Guinée : le magnat franco-israélien Beny Steinmetz jugé à Genève dans une affaire de corruption
Il est accusé d'avoir versé des pots-de-vins pour obtenir les droits miniers sur l'un des plus importants gisements de fer au monde.
Un procès inédit s’est ouvert cette semaine à Genève, en Suisse. L'homme d’affaires franco-israélien Beny Steinmetz et deux autres prévenus sont poursuivis dans une affaire de corruption liée à l'attribution de licences minières en Guinée Conakry.
Un "pacte de corruption"
Le groupe BSGR de Beny Steinmetz a-t-il corrompu des agents guinéens pour obtenir l’exploitation du plus grand gisement de fer au monde ? C’est ce que cherche à prouver le parquet de Genève dans cette affaire qui remonte à la fin des années 2000. La Guinée était alors dirigée par le président Lansana Conté.
Peu avant la mort du dictateur, son gouvernement retire au groupe anglo-australien Rio Tinto les droits miniers dans la région de Simandou (sud-est), où se trouve l’un des plus grands gisements de fer au monde, pour les octroyer au groupe de Beny Steinmetz dans des conditions pour le moins douteuses.
L’accusation parle d’un "pacte de corruption" avec faux contrats, fausses factures et pots-de-vins de près de dix millions de dollars (8,2 millions d'euros). Des sommes versées en partie via des comptes bancaires suisses et dont avait bénéficié la quatrième femme de l’ancien dictateur.
Sept ans d'enquête internationale
C'est la première fois que ce genre de procès a lieu en Suisse. Il intervient après une longue instruction internationale qui a mobilisé pendant sept ans policiers, détectives privés et avocats, comme le souligne à l’AFP Public Eye. L'ONG suisse avait publié en 2013 une cartographie très complexe du groupe BSGR avec des sociétés-écrans basées dans des paradis fiscaux. Le groupe BSGR investit dans l’immobilier et les ressources naturelles avec des bénéfices parfois surréalistes.
Beny Steinmetz avait lui-même affirmé dans une interview avoir investi 170 millions de dollars dans la mine de Simandou en Guinée, avant d'en revendre 51% en 2010 au groupe brésilien de matières premières Vale pour 2,5 milliards de dollars. Une plus-value qui faisait environ deux fois le budget de l’Etat guinéen de l’époque, selon l’ONG suisse Public Eye
"L'affaire Steinmetz illustre les ravages de l'opacité lorsque des groupes s'en servent pour réaliser des profits gigantesques sur le dos de pays pauvres"
Géraldine Vire, porte-parole de l'ONG suisse Public Eyeà l'AFP
Un arrangement en Guinée
A la suite de son élection en 2010, le nouveau président Alpha Condé lance une remise à plat de tous les permis d'exploitation minière accordés par son prédécesseur Lansana Conté. Accusé de corruption, le groupe BSGR perd ses droits miniers en 2014, mais le bras de fer se poursuit avec le pouvoir en Guinée.
Après des années de bataille, Beny Steinmetz et la nouvelle présidence trouvent début 2019 un accord à l’amiable dans le cadre d’une médiation entreprise par l’ancien président français Nicolas Sarkozy. Le milliardaire renonce aux droits sur Simandou en échange d'un abandon des poursuites pour corruption. Cet arrangement n'a toutefois pas mis fin aux poursuites engagées par le parquet de Genève.
Confronté à des problèmes juridiques dans plusieurs pays, Beny Steinmetz a déjà été condamné en Roumanie par contumace à cinq ans de prison dans un dossier de restitution illégale de biens remontant aux années 2006-2008. Un autre prévenu, le Français Frédéric Cilins, a été condamné à de la prison ferme aux Etats-Unis en 2014 dans ce même dossier.
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