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Mali : ce que l'on sait du nouveau coup de force des militaires qui ont arrêté le président de la République et le Premier ministre

En arrêtant les deux hommes, l'armée montre que c'est elle qui détient réellement le pouvoir.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
L'homme fort de la junte militaire, le colonel Assimi Goïta, entouré de ses hommes le 18 septembre 2020. Le colonel Goita semble à l'origine de l'arrestation du président de la République et du Premier ministre du Mali. (MICHELE CATTANI / AFP)

Le pouvoir de transition doit rester sous le contrôle de l'armée. La tentative d'émancipation du président malien Bah N'Daw et de son Premier ministre Moctar Ouane n'a visiblement pas plu aux militaires putschistes qui ont arrêté le 24 mai les deux hommes. Un coup de force mené neuf mois après un putsch et vivement condamné par la communauté internationale.

Les faits

Le nouveau gouvernement malien, illustration d'une timide tentative de réduction du rôle des soldats putschistes, n'aura duré que quelques heures. A peine était-il annoncé, lundi 24 mai, que des mouvements de troupes ont été constatés à divers endroits de Bamako, la capitale du Mali. Puis, le Premier ministre, Moctar Ouane, a été forcé de se rendre sous escorte militaire auprès du président Bah N'Daw.

"Je confirme : des hommes de Goïta sont venus me chercher pour me conduire chez le président qui habite non loin de ma résidence", a précisé Moctar Ouane dans un bref échange téléphonique avec l'AFP. Il faisait référence à l'homme fort malien, le colonel Assimi Goïta, actuel vice-président de la transition. La conversation s'est ensuite interrompue.

Puis les deux hommes ont été conduits dans le désormais célèbre camp de Kati, fief de la junte d'où est parti le putsch d'août 2020. A l'heure où nous écrivons ces lignes, ils y seraient encore.

Un nouveau gouvernement pourquoi ?

Selon les observateurs, le remaniement du gouvernement malien visait à donner des gages sur le respect du calendrier du retour à la démocratie. Mi-avril, les autorités de transition avaient annoncé l'organisation le 31 octobre d'un référendum sur une révision constitutionnelle, et avaient fixé à février-mars 2022 les élections présidentielle et législatives.

Signe d'une certaine inflexion, le nouveau gouvernement accueillait deux ministres membres de l'Union pour la République et la Démocratie (URD), principale force politique du Mouvement du 5-Juin (M5). Ce même collectif qui avait animé la contestation ayant débouché sur le renversement du président Keïta à l'été 2020.

Une contestation grandissante

Car la population s'impatiente et réclame des résultats. La contestation politique et sociale est grandissante. Le 6 mai dernier, le président Bah N'Daw avait rencontré des représentants du mouvement M5. Et ceux-ci s'étaient montrés très critiques vis-à-vis de la politique menée.

"Un certain nombre de mesures s’imposent, déclarait à l'issue de la rencontre leur porte-parole, Choguel Maïga. Parmi lesquelles la lutte implacable contre la corruption, la réduction du train de vie de l’Etat, la transparence et la redevabilité à tous les niveaux." Le correspondant de RFI précisait également que le M5 réclamait la dissolution du gouvernement.

Que signifie ce nouveau putsch ?

Il s'agissait aussi de mettre aux postes stratégiques du gouvernement – la Défense et la Sécurité  des hommes moins investis dans le putsch d'août 2020. Dans ce remaniement, deux "faucons" étaient écartés. "Des figures emblématiques du coup d’Etat de 2020, à qui certains attribuent le coup de force du 24 mai", écrit le journal Le Monde.

Ainsi, le colonel Modibo Koné cédait son poste de ministre de la Sécurité et de la Protection civile, remplacé par le général Mamadou Lamine Ballo. Remercié également le ministre de la Défense, le colonel Sadio Camara, remplacé par le général Souleymane Doucouré, ancien chef d’état-major de l’armée de l’air. Deux généraux, certes, mais qui n'étaient pas impliqués dans le coup d'Etat. Tous deux avaient d'ailleurs été arrêtés en août 2020 par la junte.

Visiblement, ce changement était trop marqué pour les meneurs de la junte, qui y ont vu un affaiblissement de leurs prérogatives. L'homme fort du pouvoir malien, le colonel Assimi Goïta, a indiqué le 25 mai à l'AFP avoir déchargé de leurs prérogatives le président et le Premier ministre de transition en les accusant de tentative de "sabotage" de la transition. Dans une déclaration lue à la télévision publique par un collaborateur en uniforme, il a précisé que "le processus de transition suivra son cours normal et que les élections prévues se tiendront courant 2022".

Et maintenant ?

Les protestations se multiplient partout dans le monde suite à ce nouveau coup de force. Le président en exercice de l'Union africaine (UA), le président congolais Félix Tshisekedi, a exigé ce 25 mai la "libération immédiate et inconditionnelle" des dirigeants de la transition arrêtés par les militaires au Mali.

Le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, avait appelé la veille dans un tweet "au calme" au Mali. "Je suis profondément préoccupé par les informations sur l'arrestation des dirigeants civils chargés de la transition au Mali", avait-il ajouté dans son message.

La Cédéao (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest), l'Union Africaine, la force de l'ONU au Mali (Minusma), la France, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Union européenne ont, dans un communiqué conjoint, condamné "fermement la tentative de coup de force" des militaires.

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