Mali : Ibrahim Boubacar Keïta arrive en tête au premier tour de la présidentielle avec 39% des voix
Son adversaire principal, Soumaïla Cissé, avait dénoncé "un bourrage des urnes". Il réunit 19% des suffrages.
Il y aura finalement un second tour. Annoncé officieusement vainqueur depuis mardi 30 juillet, Ibrahim Boubacar Keïta n'a obtenu que 39% des voix lors du premier tour de l'élection présidentielle au Mali. Selon les résultats officiels annoncés vendredi 2 août après un fastidieux dépouillement, Soumaïla Cissé, son principal adversaire et chef de file de l'Union pour la république et la démocratie arrive deuxième, avec 19%. Il avait dénoncé un "bourrage des urnes". Le second tour de l'élection doit avoir lieu de le 11 août. Qui est "IBK", le nouvel homme fort du pays ?
Un ancien Premier ministre déjà candidat deux fois
Même s'il tente de se faire discret sur la question, Ibrahim Boubacar Keïta, 68 ans, est un visage connu de la scène politique malienne. Ministre des Affaires étrangères en 1993, il est nommé l'année suivante Premier ministre par le président Alpha Oumar Konaré. Un poste qu'il occupe jusqu'en février 2000. "Au cours de ces six années, le gouvernement qu'il dirige mate les révoltes étudiantes et envoie des opposants en prison. (...) Sa réputation d'homme à poigne se forge à ce moment", note Le Monde.
Candidat à l'élection présidentielle en 2002, il réunit 21% des suffrages, et échoue à se qualifier pour le second tour à 4 000 voix près. Il devient alors président de l'Assemblée nationale pour cinq ans. En 2007, il axe sa campagne sur une opposition affirmée au président Amadou Toumani Touré (ATT). Mais ce dernier est réélu dès le premier tour.
"C'est un cacique de la politique malienne, mais il a une expérience de l'Etat ", estime André Bourgeot, directeur de recherche émérite au CNRS et spécialiste du Sahara-Sahel, interrogé par France 3. Et de souligner "l'assise sociale non-négligeable" de celui qui apparaît comme "l'homme du moment". En 2012, il est donné favori avant que le putsch du capitaine Sanogo ne plonge le pays dans la crise. "IBK est proche des populations, il comprend mieux les préoccupations sociales, les difficultés de tous les jours", abonde le professeur Issa N’Diaye, cité par Mali Web. Pour lui, le candidat a "fait un travail de proximité, qui a montré sa sensibilité par rapport aux difficultés des populations à l’heure actuelle".
Un "gaulliste" qui se dit de gauche
IBK a démarré sa carrière comme conseiller du Fonds européen de développement. Il prend la présidence de l'Internationale socialiste en 1999. "C’est la figure autoritaire, paternaliste, soutenue par les wahhabites et une frange de l’armée. A travers son discours nationaliste, il prône la restauration de l’autorité de l’État, la fermeté, et la vertu patriotique", observe Gilles Holder, anthropologue au CNRS, installé à Bamako, cité par La Croix.
Mais surtout, il ratisse large. "Lors de cette élection, il a été aussi bien soutenu par les putschistes du capitaine Sanogo que par les jeunes du Haut Conseil islamique, institution à l’influence grandissante à Bamako", rappelle Libération. Le quotidien souligne que l'homme ne cesse de paraphraser le général de Gaulle. "Menton en avant, regard vers l’infini, IBK veut restaurer 'l’honneur du Mali'." "Ibrahim Boubacar Keïta incarne à la fois l’autorité et le besoin de protection", décrypte un diplomate en poste à Bamako, interviewé par Libé.
Un politicien habile et lucide
"L'ex-Premier ministre a réussi, au cours de la campagne, à incarner à la fois la volonté de rupture avec l'ancien système honni par les Maliens, bien qu'il en soit l'un des piliers, mais aussi à répondre à leur souhait de retrouver un pays fort après dix-huit mois de crise", écrit Le Monde. Le journal décrit une campagne médiatique orchestrée par les agences de communication Havas et Voodoo, le rendant omniprésent sans pour autant multiplier les déplacements dans le pays.
Seul coup politique relevé par Libération : il est le premier candidat à se rendre à Kidal, le fief des séparatistes touareg. Natif du sud du Mali, IBK va devoir réunifier le pays après dix-huit mois de chaos. "C’est une mission de reconstruction totale", précise-t-il. "Il a toujours prêché la tenue des assises nationales du Nord pour permettre à toutes les forces vives du Mali d’échanger sur le problème qui est devenu chronique", rappelle Le Journal du Mali.
Pour Libération, IBK, s'il est élu, aura forcément besoin de l’aide de la communauté internationale, dont celle de la France, "où il possède de solides amitiés dans les rangs socialistes, comme Laurent Fabius, Manuel Valls, Ségolène Royal". "Il faudra plusieurs années pour réinstaller les conditions du dialogue et de la réconciliation" après un an et demi de tribalisation, d'ethnicisation, sans parler des jihadistes chassés par l'opération Serval, prédit le chercheur André Bourgeot. Mais la participation, aussi élevée que surprise, des Maliens au scrutin lui confère un pouvoir pour s'imposer dans les dossiers sensibles.
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