Présidentielle au Mali : le "contexte sécuritaire n'est pas très bon pour des élections démocratiques"
Selon André Bourgeot, directeur de recherche émérite au CNRS, spécialiste du Mali, ni l'opération Barkane, ni le G5 Sahel, n'ont réussi à amoindrir les capacités d'intervention des groupes armés salafistes.
Les services de renseignement maliens ont annoncé samedi 11 août avoir intercepté à Bamako un "commando" de trois hommes qui planifiait des "attaques ciblées" dans la capitale pendant le weekend, faisant monter la tension, la veille d'un second tour de l'élection présidentielle déjà placé sous haute sécurité. "C'est un contexte sécuritaire qui n'est pas très bon pour des élections qui se prétendent démocratiques", a indiqué dimanche à franceinfo André Bourgeot, directeur de recherche émérite au CNRS, spécialiste du Mali. Selon ce chercheur, ni l'opération Barkane, ni le G5 Sahel, "n'ont réussi à enrayer l'impact" des "groupes armés salafistes" qui "ont les capacités d'intervenir quand ils le veulent".
franceinfo : Où en est la menace jihadiste ? Est-ce que les territoires du nord, autour de Tombouctou, de Gao échappent toujours à l'autorité de Bamako, alors que le second tour de l'élection présidentielle se tient dimanche 12 août ?
André Bourgeot : Oui, les conditions de sécurité sont loin d'être réunies et je ne vois pas quelles seraient les possibilités d'assainir cette situation politico-militaire qui prévaut sur l'ensemble du territoire malien depuis 2012 et ça ne fait que s'aggraver. C'est un contexte sécuritaire qui n'est pas très bon pour des élections qui se prétendent démocratiques. De toute façon, quels que soient les résultats de ces élections au second tour, quel que soit le président qui sera élu, la situation restera extrêmement grave. Il va falloir énormément de temps pour restaurer un état de droit, une lutte contre la corruption qui s'est généralisée. Se pose la question de savoir si le futur président de la République aura la volonté politique de restaurer le lien avec le peuple malien, puisque jusqu'à présent c'est le peuple malien qui est victime.
Quelle est la différence entre Ibrahim Boubacar Keïta et Soumaïla Cissé sur cette question sécuritaire ?
Les deux tiennent des propos selon lesquels il faut lutter contre ces groupes armés salafistes ou jihadistes mais pour le moment ce sont des déclarations d'intention. Reste à savoir maintenant ce que va pouvoir faire le G5 Sahel. Mais au vu de ce qui s'est passé jusqu'à maintenant avec l'opération militaire française Barkane, avec la communauté internationale, l'Onu, la Minusma et l'armée malienne, ils n'ont pas réussi à enrayer l'impact que ces groupes armés salafistes n'ont, pas simplement sur l'ensemble du territoire malien, mais aussi à l'extérieur plus particulièrement au Niger et au Burkina-Faso. Même s'il y a des victoires incontestables, car certains leaders jihadistes ont été tués. Mais globalement cela n'a pas créé les conditions d'un recul des activités salafistes et jihadistes. Il y a une extension de ces groupes.
Quel est votre jugement sur le G5 Sahel, forces militaires anti-jihadistes composées des pays de la zone ? Est-il efficace ?
Pour le moment, il est en balbutiement car il a des problèmes de financement et des problèmes de leadership. Jusqu'ici il s'est surtout circonscrit à un espace frontalier. D'autre part les armées nationales sont très inégales. Si on compare l'armée malienne par rapport à l'armée tchadienne il n'y a pas photo. Alors comment vont-elles pouvoir intervenir dans cet espace qui est énorme ? Le dernier événement est symboliquement mais significatif : ils ont réussi à s'attaquer au QG du G5 Sahel, revendiqué par ces groupes salafistes et jihadistes. Ça veut dire qu'ils ont les capacités d'intervenir quand ils le veulent et comme ils le veulent.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.