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Les plages du Maroc vont-elles survivre aux "mafias du sable"?

"La moitié du sable utilisé au Maroc, soit 10 millions de m³ par an, provient de l’extraction illégale de sable sur les côtes", avertit un rapport de l’ONU, relayant les inquiétudes du Parlement à Rabat. Un phénomène qui risque d'avoir des conséquences redoutables pour l’environnement.

Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
La plage d'Essaouira (ouest du Maroc) (AFP - ETHEL DAVIES / ROBERT HARDING HERITAGE)

Le sable est souvent utilisé pour la production de béton, indispensable "pour la construction d'hôtels, de routes et d'autres infrastructures touristiques", précise le rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement. Il est tellement utilisé que "dans certains endroits, la poursuite de travaux de construction pourrait (…) détruire ce qui attire en premier lieu les visiteurs : les plages elles-mêmes", poursuit le document onusien. Et de citer le cas d'"une grande plage" (dont le nom n’est pas donné) "entre Safi et Essaouira" (ouest) transformée par les trafiquants "en un paysage rocheux".

Autre exemple : "Asila, dans le nord du Maroc, a subi une sévère érosion de ses plages en raison de problèmes réglementaires et de pressions liées au tourisme". De son côté, le site du journal francophone Aujourd’hui Le Maroc cite le littoral de Mehdia, dans la région de Kénitra (ouest).

Résultat : "De nombreuses infrastructures près de la côte (marocaine dans son ensemble) sont maintenant menacées par l’érosion", résume le rapport onusien.

Principales responsables du trafic, selon le rapport, des "mafias du sable". "Le long du littoral marocain, les 'marchands de sable', maîtres-d’œuvre d’un business semi-mafieux, recrutent ainsi des centaines d’enfants", observe Le Monde. "Des fourmis face aux filières organisées qui disposent de gros moyens et du soutien des autorités pour dépouiller les plages", complète "un fin connaisseur de ce milieu", cité par le quotidien français. Résultat : dans tout le Maroc, des camions transportent l'"or jaune" vers les chantiers de construction.

Noria de camions qui se relaient toute la journee pour prélever le sable sur la côte atlantique du Maroc entre Asilah et Larache le 14 janvier 2019. (GILLES BADER/SIPA)

"Manque à gagner fiscal"

Le Parlement marocain n’a pas attendu le document pour s’intéresser au phénomène, rapportait Aujourd’hui Le Maroc dès juin 2018 : il avait alors organisé "une réunion consacrée à cette problématique en présence du ministre de tutelle". Avec une très grande précision, le journal affirmait également que "pas moins de 55,07% du sable vendu sur le marché national provient de filières clandestines".

Mais selon cette source, ce matériau granulaire ne vient pas que des plages. Près d’un quart serait également extrait dans les lits des oueds (rivières) et par concassage (broyage) de pierres. Quant aux "grains de sable du désert, trop fins, trop ronds", ils "ne conviennent pas à la construction", précise Le Monde.

Les parlementaires s’inquiètent d’abord pour les pertes fiscales qu’entraînent ces extractions sauvages. "Le manque à gagner, que ce soit pour l’Etat ou bien les collectivités locales, devient beaucoup trop important, puisque les taxes inhérentes aux opérations d’exploitation ne sont tout simplement pas payées", selon un parlementaire cité par Aujourd’hui Le Maroc.

Pourtant, le royaume chérifien s’est muni d’un arsenal juridique pour lutter contre ce type de trafic. En principe, les extractions de sable sont notamment réglementées par une loi de 2015 destinée à "prévenir, lutter et réduire la pollution et la dégradation du littoral". Mais pour l’instant, le Parlement "a du mal (…) à dépasser le stade (du) diagnostic", constate Aujourd’hui Le Maroc.

Un enfant d'une douzaine d'années charge le sable sur un âne, quelque part entre Asilah et Larache sur la côte atlantique dans le nord du Maroc, le 15 janvier 2019. (GILLES BADER/SIPA)

L’Afrique (et plus particulièrement le Sénégal) est l’une des régions du monde les plus menacées par le trafic de sable extrait des plages. Un phénomène qui a des "conséquences désastreuses tant pour le littoral que la biodiversité", rappelle le site du journal TelQuel. "La disparition des plages mettrait en danger la faune et la flore, mais causerait surtout, à terme, la destruction d’un rempart naturel contre la montée des eaux."

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