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Mauritanie : nouvelle vague de répression contre le mouvement anti-esclavagiste
Course-poursuite dans les rues de Nouakchott, tir de bombes lacrymogènes: les militants anti-esclavagistes mauritaniens sont dans le collimateur de la police. Ils ont été dispersés sans ménagement alors qu’ils tentaient de manifester le 11 juin 2016 pour dénoncer l’arrestation de plusieurs de leurs camarades. Leur chef dénonce «un apartheid non écrit» qui prive de leurs droits 80% de la population
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Ils sont plus de vingt activistes à être désormais derrière les barreaux depuis les heurts qui ont éclaté le 29 juin 2016 lors d’une opération de déplacement des habitants d’un bidonville à Nouakchott. Une quinzaine de militants du mouvement anti-esclavagiste, parmi lesquels le vice-président de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) Amadou Tidjane Diop, avaient été arrêtés et écroués.
D’après divers témoignages, des affrontements ont éclaté entre manifestants en colère et forces de l’ordre lors d’une opération encadrée par la police, visant à déplacer les habitants installés, illégalement selon les autorités, sur des terrains privés.
C’est pour réclamer la libération de leurs camarades arrêtés par la police il y a deux semaines que des activistes de l'IRA sont descendus dans la rue le 11 juillet. Ils ont été dispersés sans ménagement par la police. Bilan: au moins sept nouvelles arrestations.
Le mouvement anti-esclavagiste mauritanien dit ne pas comprendre «l’acharnement» à son encontre du président Mohamed Ould Abdel Aziz, suite à un événement dans lequel il n’a rien à voir et qui «concerne des populations injustement attaquées et humiliées».
«Un apartheid non écrit»
Le président de l’IRA, Biram Dah Abed, suit ces événements depuis Washington où le secrétaire d’Etat américain John Kerry lui a remis il y a une dizaine de jours, un prix pour sa lutte contre l’esclavage.
Il se dit consterné par cette nouvelle vague de répression qui frappe ses camarades mais aussi d’autres humbles citoyens qui ne veulent pas être chassés de leurs lieux d’habitation où ils vivent depuis 20 ans.
«En Mauritanie, il y a un apartheid non écrit, mais arabo-berbère, qui prive de leurs droits 80% de la population mauritanienne à cause de leurs origines, de la couleur de leur peau, de leur langue», a déclaré le chef du mouvement anti-esclavagiste mauritanien à la Voix de l’Amérique.
Il a qualifié le régime de Nouakchott de «pouvoir dictatorial militaire sur lequel se relaient certains officiers» et dont la propagande «vise à désigner les haratines (descendants d’esclaves) et les noirs mauritaniens comme étant des menaces pour l’existence de la communauté arabo-berbère en Mauritanie».
En novembre 2014, le président de l'IRA, lui-même descendant d’esclave, avait été arrêté et condamné à deux ans de prison pour avoir participé à une manifestation contre la pratique de l’esclavage en Mauritanie et contre les violations subies par les minorités non-arabes. La cour suprême mauritanienne avait ordonné sa libération le 15 mai 2016 après 18 mois passés derrière les barreaux.
«La Mauritanie reprend de vieilles habitudes»
Dans un appel lancé aux autorités mauritaniennes, Amnesty International leur demande de respecter les droits du mouvement anti-esclavagiste qui ne fait d’exercer son droit à la liberté de réunion pacifique et d’association.
Amnesty estime qu’en maintenant les militants de l’IRA en prison, «la Mauritanie anéantit les efforts en matière de droits humains salués lors de la libération du président de l’IRA Biram Dah Abeid» et reprend de vieilles habitudes en matière de restriction de la liberté de manifester pacifiquement.
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