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Niger: Agadez, la perle du Sahara transformée en Far West
La ville historique d’Agadez, aux portes du Sahara, a été désertée par les touristes. La peur règne dans cette cité devenue le carrefour de tous les trafics – drogues, marchandises volées en Libye, orpaillage clandestin...– et un gigantesque «ghetto» à migrants, en route pour la Libye et l'Europe.
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L’ancien guide, el-Hadj Mohamed se souvient, nostalgique : «Avant, on regardait la pleine lune dans les dunes. C’était la liberté. Maintenant, on a même peur dans nos maisons.»
La peur qui règne à Agadez a éloigné les milliers de touristes qui se pressaient continuellement devant cette légendaire «porte du désert». Les révoltes touaregs et l’implantation de mouvements djihadistes dans le Sahel ont semé la désolation dans cette cité mythique.
Ibrahim Manzo Diallo est patron de presse nigérien. Il raconte à l’AFP la lente agonie du tourisme dans la région: «Tout a basculé en septembre 2010, se souvient-il, après l’enlèvement de sept expatriés travaillant pour le géant nucléaire français Areva dans la ville d’Arlit, à 240 km d’Agadez… La chute du dictateur libyen Mouammar Khadafi a balayé les dernières illusions d’un possible retour à la normale», ajoute-t-il.
Depuis, une grande instabilité s’est installée dans la région avec l’arrivée de groupes criminels qui prolifèrent.
La cité de tous les trafics
C’est le carrefour de toutes les routes commerciales et contrebandières, note Marie Blary sur le site de Mondafrique. «La cocaïne, le haschich, les migrants et les voitures font pâle figure à côté du nouveau délice d’Agadez : la ruée vers l’or du Djabo, à plus de 700 km au nord-est, en plein désert. Restaurateurs, anciens rebelles, élus, militaires, fils de dignitaires étrangers : l’or de Djabo brille dans leurs yeux. C’est le nouveau commerce d’Agadez.»
Pour Salifou Manzo, fonctionnaire et membre éminent de la société civile, Agadez est devenue un dépotoir de tous les trafiquants, de tous les criminels. «Les voitures flambant neuves volées en Libye y sont pléthore. Les échoppes vendant brouettes, pelles ou détecteurs de métaux destinés aux chercheurs d’or pullulent.»
Son compatriote Rhissa Ag Boula sourit : «Il y a même un hélicoptère qui est arrivé en pièces détachées de Libye en 2011… Tous les trafics, l’orpaillage, la cocaïne, se concentrent sur Agadez. C’est plus qu’un Far West», observe-t-il, en rappelant que cet ancien centre caravanier de nomades a été classé au Patrimoine mondial de l’humanité en 2013 par l’Unesco. La ville historique d’Agadez et ses ensembles monumentaux remarquables remontent au XVe siècle.
Des «ghettos» à migrants
La ville d’Agadez est le dernier lieu de transit majeur avant la Libye puis l’Europe. Plusieurs milliers de Subsahariens s’y croisent. Des passeurs, des criminels en tous genres y sèment l’insécurité.
A la tombée de la nuit, raconte l'AFP, des voitures chargées de migrants roulent à toute allure en périphérie d’Agadez, chargeant ou déchargeant rapidement leurs cargaisons humaines. Tous les jours, des flots de Sénégalais, Gambiens, Ghanéens, Ivoiriens, Maliens… convergent à Agadez.
«Ils vivent dans des "ghettos" bien organisés et financent une économie sous-terraine, observe Marie Blary dans son carnet de voyage. En échange d’un forfait dont le montant varie avec les contrôles, le migrant est nourri, logé puis transporté à la frontière libyenne. Là bas, une autre aventure commence, plus risquée encore, pour les candidats à l’immigration clandestine en Europe, exposés au racket et aux violences.»
Les autorités nigériennes estiment qu’entre 80.000 et 120.000 migrants, en majorité ouest-africains, essaieront de transiter par le Niger en 2015, en route pour la Libye et l’Europe. C’est l’équivalent de la population d’Agadez qui compte 120.000 habitants. «Ce flux-là, rien ne va l’arrêter, pas même l’insécurité en Libye et les pièges mortels du désert», affirme un élu d’Agadez à l’AFP.
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