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Nigeria : le président Buhari s'attaque à l'hydre de la corruption

Le gouvernement nigérian a débusqué 50.000 fonctionnaires fantômes qui émargeaient depuis des années au budget de l’Etat. Il a fait arrêter un ancien colonel de l’armée, qui avait détourné deux milliards de dollars destinés à l’achat d’armes contre Boko Haram. Le président Buhari semble enfin vouloir s’attaquer à la corruption qui mine depuis des décennies le géant africain.
Article rédigé par Michel Lachkar
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Campagne gouvernementale contre la corruption à Kano, nord du Nigeria (Reuters/ Akintunde Akinlaye)

Le gouvernement nigérian a débarrassé la Fonction publique de 50.000 travailleurs fictifs qui touchaient leur salaire depuis de nombreuses années.
Onze des principaux bénéficiaires de cette escroquerie ont été traduits devant la commission pour les crimes économiques et financiers (EFCC).

Selon le porte-parole de la présidence, «l'’économie sur la masse salariale de l’administration fédérale a atteint la somme de 200 milliards de nairas (628 millions d’euros) ». Un audit des retraites à également permis de récupérer 13 milliards de nairas en 2016. Le géant économique africain, riche de son pétrole est malade de la corruption. Malgré les 150 millards d'euros que rapporte chaque année le riche sous-sol du pays, la moitié de la population vit toujours avec moins d'un euro par jour. Si un pays incarne ce que les économistes nomment la malédiction du pétrole, c'est le Nigéria. L'ong, Transparency International le classait (en 2014) 136 ème pays le plus corrompu sur 176 pays évalués.

L'argent de la lutte contre Boko Haram 
Le principal dossier traité à ce jour par l’EFCC est le scandale de l'ancien directeur des services de sécurité accusé d'avoir détourné plus de 2 milliards de dollars destinés à la lutte contre Boko Haram. Sambo Dasuki, aurait été la cheville ouvrière d’un vaste détournement de fonds publics.

Preuve que la corruption n’est en rien un phénomène nouveau, cet argent proviendrait des sommes récupérées par le Nigeria dans le cadre des fonds déjà détournés par l’ancien dictateur militaire Sani Abacha (estimée à 4 milliards de dollars).

Au cours de la campagne électorale de 2015, Muhamadu Buhari a accusé l'administration de son prédécesseur, Goodluck Jonathan, d'avoir pillé les caisses de l'Etat. Le programme phare du général Buhari vise à débarrasser le pays de la fraude et promouvoir la bonne gouvernance dans la vie publique.

Quinze magistrats de haut rang ont été arrêtés en octobre 2016. Parmi eux plusieurs juges accusés d'avoir perçu des pots-de-vin. Les fouilles ont permis de découvrir 800 000 dollars en liquide et des documents compromettants.
 

Le président élu Muhammed Buhari, à droite, et son vice-president Yemi Osinbajo brandissant les certificats attestant de leur victoire le 1er avril 2015, à Abuja (capitale fédérale du Nigeria). 
 (AFP/STRINGER / ANADOLU AGENCY)

Corruption et gaz à tous les étages
La vérification des salaires des agents de l'Etat se fait de façon régulière. Dans le même temps, d'anciens barons proches du pouvoir, dont des ministres et des juges très haut placés, ont été accusés de corruption ou de blanchiment d'argent et sont traînés devant les tribunaux.

Après des décennies de dictature militaire, le Nigeria souffre d’une gouvernance centralisée autocratique et d’une minorité prédatrice, qui détourne les ressources publiques à son profit. Une lutte contre la corruption devenue une absolue nécessité depuis l’effondrement du prix du pétrole, qui représenterait 70% des recettes publiques du pays.

Cette fraude et corruption nourrit des frustrations régionales dont Boko Haram, au nord, et la rébellion du delta du Niger, au sud, sont en grande partie la résultante. Un danger majeur dans un pays déjà entravé par une dette colossale et des importations massives de biens de consommations. Le gouvernement à promis de récompenser financièrement (et de protéger) ceux qui dénonceraient des détournements de fonds publics.

La malédiction du pétrole
Alors que l’économie nigériane traverse une période difficile, le président Buhari, voit dans la corruption, un danger fatal pour la stabilité du pays. Déjà en 1983, lors de son premier mandat, il avait fait enlever à Londres Umaru Dikko, un ancien ministre accusé de détournement. L’enlèvement dans une valise diplomatique avait été déjoué par les douanes britanniques.

Même si la récente remontée des prix du pétrole peut lui redonner un peu d’air, le président Buhari compte sur la lutte contre la corruption pour augmenter les recettes publiques et lutter contre le chômage qui touche 45% des jeunes diplomés.

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