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Algérie : «l’oligarchie a eu raison du Premier ministre», limogé après 80 jours

Le Premier ministre algérien Abdelmadjid Tebboune a été limogé mardi 15 août 2017, trois mois à peine après sa nomination, sur fond de sourdes luttes de clans à la tête de l'Etat. Il est remplacé par Ahmed Ouyahia, proche du président Abdelaziz Bouteflika. Pour la presse algérienne, c’est une victoire de l’oligarchie.
Article rédigé par franceinfo
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Capture d'écran (DR)
«L'Etat, c'est l'Etat et l'argent, c'est l'argent», a affirmé Abdelmadjid Tebboune, alors tout nouveau Premier ministre début juin. Nommé le 24 mai 2017, l’ancien ministre de l’Habitat de 71 ans a été qualifié par la presse algérienne de «Monsieur Propre». 80 jours plus tard, il est remplacé par «Monsieur sales besognes», selon sa propre définition, et… trois fois Premier ministre depuis 1995. «Le président de la République Abdelaziz Bouteflika a mis fin aux fonctions du Premier ministre Abdelmadjid Tebboune et a nommé Ahmed Ouyahia»: le communiqué de la présidence ne donne aucune raison pour ce limogeage.


Pour la presse algérienne, Abdelmadjid Tebboune paie le prix fort pour avoir voulu s’en prendre à l’oligarchie. Il a non seulement tenté de limiter les importations, secteur très sensible détenu par une poignée de personnes, mais aussi éloigner les lobbys de la politique. En juillet, le gouvernement avait adressé une série de mises en demeure à plusieurs grandes entreprises algériennes ou étrangères adjudicataires d'importants marchés publics d'infrastructure, jugeant les chantiers en retard et menaçant de résilier les contrats. 

Capture d'écran Faceook (DR)

«Une victoire des milieux d’affaires, non pas sur Tebboune mais contre l’Etat», se désole El Watan. «Tebboune a essayé de toucher aux intérêts de certains oligarques qui appartiennent au clan présidentiel comme Ali Haddad, le patron des patrons», confirme Rachid Tlemçani, enseignant en sciences politiques à Alger.  

Tiercé gagnant
Un patron sort du lot, il illustre la porosité entre le monde politique et celui des affaires : Ali Haddad, puissant chef du Forum des chefs d'entreprise (FCE, l'organisation patronale algérienne), présent dans plusieurs secteurs d’activité, notamment dans le bâtiment, les travaux routiers, médias, etc. Il peut compter sur deux soutiens de taille : Abdelmadjid Sidi Saïd, l’inamovible patron de la centrale syndicale UGTA (Union générale des travailleurs algériens- syndicat officiel), et Said Bouteflika, le frère du président, faiseurs de princes à qui les médias prêtent un pouvoir illimité. 

Dessin paru dans Liberté du 16 août 2017 (DR)


«Bouteflika est malade d’on ne sait quoi ni jusqu’à quel degré, mais l’Algérie est malade de lui, de sa maladie physique, de sa maladie psychologique du pouvoir. Cet homme est une entrave à la formation d’un Etat de droit et à l’impulsion d’une politique saine pour bâtir une Algérie solide. Rien que ces derniers jours, il a provoqué une émeute au sommet de l’Etat, incité les ministres à la mutinerie et livré l’économie à de faux hommes d’affaires... Lui ou son frère, peu importe», tranche l’ancien ministre Nourredine Boukrouh, dans une tribune parue sur son compte Facebook.


Cinquième mandat
Derrière ce énième épisode se profile la succession du président algérien. Abdelaziz Bouteflika, âgé de 80 ans et malade, à la tête de l’Algérie depuis le 27 avril 1999, ne s’est pas adressé à son peuple depuis des années. Il a été victime en 2013 d'un AVC qui a affaibli sa  mobilité et sa faculté d'élocution. Ses activités publiques sont devenues très  rares et il n'apparaît à l'écran de la télévision officielle que lorsqu'il reçoit des invités étrangers ou lors de cérémonies officielles.

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