Algérie : vers des législatives sans l'opposition
Le futur Parlement risque fort de ressembler à l'ancien du fait du boycott d'une partie de l'opposition et du refus du Hirak d'y participer.
"Quel que soit le taux de participation aux élections, nous exigeons qu'elles soient intègres, transparentes et fassent ressortir celui qui mérite la confiance du peuple", a déclaré le président algérien, prenant acte des appels au boycott. Après avoir dissout la chambre basse du Parlement le 21 février, le président Abdelmadjid Tebboune a convoqué des législatives anticipées, une tentative de reprendre la main face au retour du Hirak, le mouvement de contestation antirégime, après un an de suspension en raison de la pandémie de Covid-19. Un pari risqué. Le Front des forces socialistes (FFS), doyen des partis d'opposition en Algérie, a décidé de boycotter les élections législatives anticipées, prévues le 12 juin. Il rejoint ainsi le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, opposition laïque) et le parti des travailleurs (PT, trotskyste).
Realpolitik
Le régime algérien s'accomode, par avance, d'une éventuelle forte abstention tout en espérant un taux de participation variant entre "les 40 et 50% à l'image des taux réalisés à l'échelle mondiale". Le président algérien lui-même, ex-fidèle du président déchu Abdelaziz Bouteflika, a été élu lors d'un scrutin marqué par l'abstention : 60% des inscrits sur les listes électorales ne se sont pas rendus aux urnes. Le régime algérien semble privilégier la légitimité à la crédibilité. Depuis l'annonce de ce scrutin, les manifestants du Hirak défilent chaque semaine à Alger et dans de nombreuses grandes villes du pays contre la "feuille de route du régime" qui reste sourd aux revendications de ce mouvement de contestation.
Les islamistes à l'affût
Le président Abdelmadjid Tebboune, qui prône "l'Algérie nouvelle", risque donc de s'appuyer sur une majorité "ancienne", la même qui a soutenu Bouteflika et tous les anciens présidents. L'abstention favoriserait ces partis, notamment le FLN et le RND, mais aussi les partis islamistes, les seuls à s'investir dans ces élections. "Leur forcing (des partis islamistes, NDLR) ces derniers temps en prévision des prochaines législatives est à inscrire dans cette ambition historique qui n’est pas loin de rappeler celle de l’ex-FIS au début des années 1990, même si les formations islamiques d’aujourd’hui ne sont pas adeptes de la violence, celle-ci n’étant plus acceptée par la société algérienne. Cette donnée fondamentale semble échapper au pouvoir : il déploie devant les islamistes le tapis rouge tout en sous-traitant le travail de neutralisation du camp démocratique", s'alarme l'éditorialiste Ali Bahmane dans El Watan.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.