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Disparition de Kofi Annan: le Ghana en deuil d'un illustre Africain
L'ancien secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan est décédé le 18 août 2018. Le Ghana, sa patrie d'origine, a décrété un deuil national d'une semaine à compter du lundi 20 août 2018. Premier secrétaire général de l'ONU originaire de l'Afrique subsaharienne, il est resté disponible pour sa patrie d'origine et impliqué dans la résolution des crises africaines.
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«Il a considérablement contribué au renom de notre pays par sa position, par sa conduite et son comportement dans le monde», a déclaré le président ghanéen Nana Akufo-Addo en hommage à Kofi Annan. L'ancien secrétaire général des Nations Unies s'est éteint le samedi 18 août 2018 à 80 ans à Berne, en Suisse, des suites d'une «courte maladie».
Un illustre Ghanéen habité par une «responsabilité particulière» vis-à-vis du continent
Dans son pays, après le choc ressenti à l'annonce de sa disparition, les drapeaux sont en berne sur l'ensemble du territoire et dans toutes les représentations diplomatiques du pays depuis le 20 août 2018. Un deuil national d'une semaine a été décrété en hommage à l'illustre natif de Kumasi. Le président du Ghana a confié à l'agence américaine AP que Kofi Annan y retournait environ trois fois par an et était disponible chaque fois qu'il était sollicité. L'ancien secrétaire général était, entre autres, chancelier de l'Université du Ghana.
«Kofi Annan était un fils du Ghana et ressentait une responsabilité particulière envers l’Afrique. Il était (très) engagé dans le développement de l'Afrique et profondément impliqué dans de nombreuses initiatives, notamment à travers la présidence de l'Africa Progress Panel (auquel l'Africa Progress Group a succédé, NDLR) et son leadership (avant-gardiste) au sein de l'Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA)», souligne le communiqué de sa Fondation annonçant son décès.
Celui qui a succédé à l'Egyptien Boutros Boutros-Ghali à la tête de l'ONU, fut le premier secrétaire général originaire de l'Afrique subsaharienne et également le premier à être issu des rangs du personnel des Nations Unies. Les défis du continent ont eu une influence incontestable sur son action à la tête de l'ONU. A la fin de ses mandats, entre autres, il se réjouissait des initiatives de l'organisation en matière de lutte contre la pauvreté et les inégalités, les maladies infectieuses, notamment le VIH/sida (Kofi Annan a joué un rôle central dans la mise en place du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme), et l'établissement d'un cadre en faveur du développement matérialisé par les Objectifs du millénaire pour le développement adoptés en 2000.
Pur produit du système des Nations Unies
Né le 8 avril 1938 à Kumasi, au Ghana, fils d'un cadre d'une filiale du groupe anglo-hollandais Unilever, Kofi Annan a étudié à l'Université scientifique et technologique, à Kumasi, et a poursuivi ses études au Macalester College, à St. Paul (Minnesota) aux États-Unis où il a obtenu une licence d'économie en 1961. Il continue ses études de troisième cycle à l’Institut universitaire des hautes études internationales, à Genève (Suisse). En 1962, il décroche son premier poste au sein du système des Nations Unies. Il y est recruté comme fonctionnaire d’administration et du budget auprès de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Une décennie plus tard, Kofi Annan obtient une maîtrise en sciences de gestion au Massachusetts Institute of Technology (MIT, Etats-Unis).
En 1974, retour au Ghana où il est nommé directeur du Tourisme. Un poste qu'il occupera jusqu'en 1976 avant de retrouver l'ONU au début des années 80. Kofi Annan obtient plusieurs affectations avant de devenir sous-secrétaire général à la gestion des ressources humaines et coordonnateur des Nations Unies pour les questions de sécurité (1987-1990). Il sera ensuite chargé, de mars 1993 à décembre1996, des opérations de maintien de la paix. Lorsqu'il dirigeait ce département, l'ONU a connu deux des épisodes les plus sombres de son histoire: le génocide rwandais et la guerre en Bosnie.
Diplomate de carrière, Kofi Annan a contribué à rendre l'ONU plus présente sur la scène internationale pendant ses deux mandats, de janvier 1997 à décembre 2006. Il a dirigé l'organisation pendant la période troublée de la guerre en Irak, avant de voir son bilan terni par des accusations de corruption dans l'affaire «pétrole contre nourriture». Pour les observateurs et pour lui-même, la question irakienne (et ses corollaires) demeurera un point noir dans son bilan. Le diplomate avait d'ailleurs irrité Washington en estimant «illégale» l'invasion de l'Irak en 2003, qui n'avait pas été entérinée par le Conseil de sécurité.
«L'être humain au centre de tout»
A son départ, Kofi Annan était cependant l'un des dirigeants les plus populaires de l'ONU. Conjointement avec l'organisation, il a reçu en 2001 le prix Nobel de la paix. La distinction lui sera notamment décernée pour avoir «revitalisé» les Nations Unies et «donné la priorité» aux droits humains. «J'ai essayé de placer l'être humain au centre de tout ce que nous entreprenons: de la prévention des conflits au développement et aux droits de l'Homme», avait-il déclaré en acceptant le Nobel.
Après ses deux mandats à la tête des Nations Unies, il rejoint les «Elders» (les Anciens), un groupe de personnalités internationales œuvrant pour le règlement des conflits dans le monde, initié par Nelson Mandela. La même année, le diplomate lance sa fondation. Kofi Annan restera ainsi très actif sur la scène internationale, et notamment sur le continent.
En février 2012, il est choisi pour mener une médiation dans la guerre en Syrie, mais il jette l'éponge après cinq mois. Il accusera les grandes puissances, qui lui rendent hommage aujourd'hui, d'avoir par leurs dissensions transformé sa médiation en «mission impossible».
En Afrique, les missions ont été aussi épineuses mais le succès se fera plus tangible. Ce fut le cas après la crise post-électorale de 2007 au Kenya. L'opposant kényan, Raila Odinga, se souvient de lui comme de celui qui a sauvé le pays de la guerre civile, rapporte l'agence AP. Récemment encore, Kofi Annan appelait à des élections pacifiques au Zimbabwe, les premières de l'ère post-Mugabe. Attentif aux besoins des populations mais très critique envers les responsables africains: en 2017, sur les réseaux sociaux, il taclait les dirigeants africains qui bradaient les ressources de leur pays au détriment de leurs concitoyens.
The African officials who are signing away their countries' resources at an almost giveaway rate to big multinationals...
Publiée par Kofi Annan sur Jeudi 9 novembre 2017
«Nous avons vu l’Afrique se transformer au cours de la dernière décennie et notre travail nous a laissé un espoir inébranlable pour son avenir, déclarait Kofi Annan lors de la publication du dernier rapport de l'Africa Progress Panel. Cependant, nous savons aussi que cette transformation a exigé beaucoup de travail, de créativité et de courage. Cela restera vital dans les années à venir, car il reste beaucoup à faire.»
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