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Kenya: quel sort judiciaire attend Philomena Mwilu, la N°2 de la Cour suprême?
La Haute cour du Kenya avait jusqu'au 9 octobre pour trancher sur la poursuite de la procédure pénale engagée par la justice à l'encontre de la vice-présidente de la Cour suprême du Kenya, Philomena Mwilu. Accusée d'enrichissement personnel illégal, elle devait être formellement inculpée, le 29 août 2018, mais ses avocats ont plaidé l'inconstitutionnalité des charges qui pesaient contre elle.
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Philomena Mwilu refait parler d'elle au Kenya. La vice-présidente de la Cour suprême du pays avait fait la Une des journaux kényans durant la crise post-électorale de 2017. Elle fait partie des juges qui ont invalidé la réelection du président Uhuru Kenyatta, lors du scrutin du 8 août 2017, en raison d'un manque de «transparence et de fiabilité». Cette décision historique avait provoqué la tenue d'un deuxième scrutin présidentiel, organisé le 26 octobre suivant, dans un climat tendu. Boycottée par son adversaire Raila Odinga, l'élection avait été remportée par le président sortant Uhuru Kenyatta. Ce dernier avait promis publiquement «de s'occuper de la magistrature».
Des méthodes de «cow-boy»
Lors de l'audience de la Cour anti-corruption de Nairobi, qui devait inculper formellement la magistrate Philomena Mwilu, ses avocats, dont certains sont proches du Mouvement démocratique orange (ODM), le parti de l'opposant Raila Odinga, avaient dénoncé des méthodes de «cow-boy» qui bafouent les droits de leur cliente dans le but de l'écarter pour des raisons politiques.
«Nous sommes une institution indépendante et nous ne sommes dirigés par personne», avait rétorqué le procureur Noordin Haji. L'ODM a reconnu dans les poursuites à l'encontre de la magistrate des «signes troublants», tout en accordant à M.Haji «le bénéfice du doute».
Une «attaque contre le système judiciaire»
Mme Mwilu est notamment mise en cause pour avoir accordé des prêts à l'Imperial Bank, établissement qui a mis la clé sous la porte en 2015. Il s'agit d'«une transaction purement commerciale» n'ayant aucun caractère criminel, a affirmé l'un de ses avocats, le sénateur d'opposition James Orengo, dont le rôle avait été prédominant dans l'annulation du scrutin du 8 août remporté par Kenyatta. Le fait que sa cliente soit traînée devant les tribunaux s'apparente, selon lui, à «une attaque contre le système judiciaire».
Le 28 août 2018, date de son arrestation inédite dans l'histoire de la justice kényane, Philomena Mwilu a été libérée le soir même sous caution de 5 millions de shillings, soit 42.000 euros. M.Haji a affirmé détenir la preuve que Mme Mwilu avait profité de sa fonction pour s'enrichir personnellement et accepté de l'argent dans des circonstances douteuses. Elle est, selon lui, également accusée de fraude fiscale.
Kenyatta en guerre contre la corruption
Les sept membres de la Cour suprême ont été la cible de menaces et de pressions de la part du pouvoir. En octobre 2017, le garde du corps de Mme Mwilu a été grièvement blessé par balles, dans des circonstances non élucidées, à la veille d'une audience de la Cour suprême sur un éventuel report du deuxième scrutin présidentiel. Mme Mwilu n'avait pas participé à cette audience et le quorum de la Cour suprême n'ayant pas été atteint (plusieurs autres juges étant absents), la deuxième élection présidentielle en octobre avait été maintenue.
Le président Kenyatta a récemment lancé une guerre contre la corruption dans son pays dont l'économie est gangrénée par une culture des pots de vin et des malversations. De hauts responsables de l'Agence nationale pour la jeunesse de la compagnie nationale d'électricité et l'ex-gouverneur de Nairobi ont été arrêtés et poursuivis par la justice pour ces faits. En 2017, le Kenya figurait à la 143e place, sur 180, dans le rapport annuel de l'ONG Transparency International sur la corruption.
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