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L'accord de paix au Soudan du Sud sera-t-il plus durable que les précédents?

Indépendant depuis 2011, le Soudan du Sud a connu 4 années de guerre civile. La rivalité entre le président Salva Kirr, d’ethnie dinka, et le vice-président Riek Machar, d'ethnie nuer, a entraîné le jeune pays dans un bain de sang. Le 5 août 2018, pour la 3ème fois, les 2 rivaux ont signé un accord de partage du pouvoir. Cette nouvelle tentative sera-t-elle plus durable que les précédentes?
Article rédigé par Michel Lachkar
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le président du Soudan du Sud, Salva Kirr, de retour à Juba, avec une copie de l'accord de cessez-le-feu et de partage du pouvoir signé enre le pouvoir et les rebelles de Riek Machar le 6 août 2018. (AKUOT CHOL / AFP)

Le 8 août 2018, le président du Sud-Soudan, Salva Kiir, a appelé ses troupes à respecter le cessez-le feu et publié un décret qui amnistie son grand rival Riek Machar et plusieurs groupes rebelles. Une conséquence du nouvel accord de partage du pouvoir signé entre le gouvernement et la rébellion.

Ce compromis «vers une paix définitive» doit permettre à Riek Machar de retrouver son poste de vice-président. Sa rivalité avec Salva Kirr avait entraîné des milliers de morts et fait des millions de déplacés.

Le Soudan du Sud s'est enfoncé dans une guerre civile fin 2013 quand le président Salva Kiir a accusé Riek Machar de fomenter un coup d'État.

Mais le doute et l’inquiétude demeurent. Car l’accord de paix signé en août 2015 n’avait tenu que quelques mois. Une bataille meurtrière en juillet 2016 à Juba entre forces gouvernementales et rebelles avait poussé Riek Machar (et ses partisans) à quitter le pays à pied vers la RDC voisine.

Les deux frères ennemis du Soudan du Sud à l'affiche à Juba après un accord de paix qui n'aura duré que quelques semaines (avril 2016).   (AFP/Albert Gonzalez Farran)


Manque de confiance
La route vers la paix est encore longue et semée d'embûches. Faire travailler ensemble Machar et Kiir ne sera pas une mince affaire, leur coopération ayant toujours dans le passé abouti au chaos et au conflit, soulignent des observateurs.

«Ce sera un vrai combat, parce que (...) le président Kiir a fait clairement savoir qu'il ne voulait pas travailler avec Machar», a déclaré à l'AFP un diplomate basé à Juba, sous le couvert de l'anonymat. «Il a vraiment fallu lui tordre le bras pour qu'il accepte à nouveau», ajoute cette source.

Les deux hommes sont d'anciens dirigeants rebelles arrivés au pouvoir durant la longue guerre d’indépendance qui a opposé de 1983 à 2005 le nord et le sud du Soudan, et abouti à l'indépendance du Soudan du Sud en 2011. Ils se sont combattus durant ce conflit.

Ils appartiennent aux deux principaux groupes ethniques du Sud: Kiir est dinka et Machar nuer.

Leur cohabitation au sein du premier gouvernement du Soudan du Sud indépendant a vite capoté, lorsqu'en 2013 Kiir a accusé Machar de fomenter un coup d'Etat contre lui.

Un accord de paix les a réunis à nouveau dans le même gouvernement en 2016, mais quelques mois seulement après le retour de Machar à Juba, les combats ont repris

Les combats qui ont suivi ont été pires qu'auparavant et infiniment plus complexes, de nouveaux groupes rebelles et de nouvelles causes de mécontentement alimentant massacres, famines et déplacements de population. «Je ne vois pas comment, avec un tel niveau de violence, vous pouvez vous faire confiance mutuellement et avoir un gouvernement qui fonctionne», souligne Ahmed Soliman, chercheur à l'institut britannique Chatham House.

Distribution de nourriture du Programme alimentaire mondial à Thonyor (Soudan du Sud) février 2017.
  (SIEGFRIED MODOLA/REUTERS )


Partage du gâteau
L'Ouganda et du Soudan ont poussé à la réconciliation. Ces deux pays ont hâte de voir à nouveau couler le pétrole en provenance du Soudan du Sud dont l'économie s'est effondrée. Les deux pays ont désespérément besoin de revenus. Il faut dire que l’Ouganda à reçu près d’un million de réfugiés sud-soudanais.

Le partage de la manne pétrolière est l'un des sujets de contentieux dans l'accord de paix qui prévoit un compte sous séquestre principalement contrôlé par le gouvernement. «Le gouvernement utilisera-t-il cet argent pour ce à quoi il est destiné ou va-t-il renouer avec ses vieilles habitudes selon lesquelles un petit nombre de personnes se servent dans les coffres et se sauvent avec l'argent ?», s'interroge Brian Adeba, de l'organisation américaine Enough Project.

L'évolution du conflit a conduit beaucoup de groupes rebelles à la table des négociations. L'accord conclu le 5 août 2018 prévoit cinq vice-présidents, un gouvernement de transition de 35 ministres et un Parlement de 550 membres. «C'est très largement un gouvernement de complaisance, soyons honnêtes. Il s'agit d'essayer de donner à des gens un statut, une part du gâteau. Cela n'augure rien de bon pour un pouvoir de transition », estime Ahmed Soliman.

On ignore par ailleurs si les troupes de Machar vont accepter l'accord qu'a signé leur dirigeant. Et certains groupes rebelles, comme celui de l'ancien chef de l'armée Paul Malong, ne sont pas compris dans l'accord.

Les négociations de partage du pouvoir doivent encore se poursuivre jusqu'à la signature d'un accord de paix définitif encore hypothétique.

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