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La Gambie vend les Rolls, Bentley et autres Boeing de son ex-président en exil

Cherchent preneur: les trois avions de ligne de l'ex-dictateur Yahya Jammeh, immobilisés et recouverts de sable sur le tarmac de l'aéroport de Banjul, les trente voitures de luxe rangées sans housse dans le garage de la présidence, ainsi que quatre terrains à bâtir en zone touristique. Le gouvernement gambien espère récolter une dizaine de millions d'euros de cette vente.
Article rédigé par Véronique le Jeune
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
L'une des trente voitures de luxe ayant appartenu à l'ancien dictateur gambien Yahya Jammeh, en exil en Guinée équatoriale, est à vendre. (Claire BARGELES / AFP)

Dix-huit mois après le départ forcé de l'ancien président Yahya Jammeh, accroché au pouvoir malgré son échec à la présidentielle de décembre 2016 face à Adama Barrow, la question de la mise en vente de ses biens refait surface. Le nouveau pouvoir gambien annonce la création d'un site Internet qui devrait servir de vitrine aux luxueuses possessions de l'ex-despote.

«Si des acheteurs sont intéressés, ce sera sans doute à eux de faire une offre, ou bien le gouvernement donnera un prix», annonce le secrétaire permanent du ministère des Finances, Lamin Camara, donnant l'impression que la marche à suivre n'est pas totalement arrêtée.
 
L'argent récolté doit servir à l'éducation et à la santé
Dans ce petit pays anglophone d'Afrique de l'Ouest, enclavé dans le Sénégal hormis un étroit débouché sur l'Atlantique, où une grande partie de la population vit avec moins de deux dollars par jour, l'argent récolté doit servir à financer des programmes d'éducation, de santé et de développement agricole, selon des responsables gouvernementaux.

En mai 2018, lors d'une conférence internationale sur la Gambie à Bruxelles, le président Adama Barrow a dit avoir trouvé «une économie sinistrée», dénonçant le «pillage des maigres ressources étatiques» par son prédécesseur.

Les comptes de l'ancien dictateur, soupçonné d'avoir détourné plus de 50 millions de dollars au cours de vingt-deux ans de règne absolu, ont été gelés, et la décision a été prise de vendre ses actifs laissés au pays.

Pour la petite histoire, afin d'obtenir le départ de M.Jammeh pour un exil doré en Guinée équatoriale, le 21 janvier 2017, l'autorisation lui avait été donnée d'emporter sa collection de voitures de luxe. Mais une partie d'entre elles est finalement restée en Gambie, faute de place dans l'avion.

Des voitures et des avions achetés avec de l'argent public
En effet, dans le garage de la présidence, deux énormes Hummer blindés prennent depuis lors la poussière aux côtés de cinq Rolls-Royce, d'une Bentley, d'une Mini-Cooper immatriculée MYJ – pour Mariam Yahya Jammeh, la fille de l'ex-président –, aux côtés aussi de pick-ups, de BMW et de Mercedes, comme ont pu le constater des journalistes de l'AFP.

«De notre point de vue, ces voitures, ces propriétés, ont été acquises avec de l'argent public et appartiennent de droit à l'Etat», a déclaré le ministre de la Justice, Abubacarr Tambadou, mettant au défi l'ancien président d'en contester la vente en justice.

Le Boeing 727, «mal acquis» par l'ancien homme fort de Gambie selon les autorités actuelles, est mis en vente. (Claire BARGELES / AFP)

M. Jammeh avait acheté les avions grâce à des prêts consentis par la Social Security and Housing Finance Corporation, une institution publique chargée d'administrer des fonds destinés au financement de la sécurité sociale, des maladies professionnelles et à la construction de logements, a de son côté expliqué son directeur financier, Abdoulie Cham.

Une dette astronomique
A l'époque, «si vous ne suiviez pas les instructions, il risquait de vous arriver quelque chose. Ce n'était pas le genre d'instructions que vous pouviez remettre en cause», a dit M.Cham devant une commission d'enquête, en soulignant que les prêts n'avaient jamais été remboursés.
 
D'un point de vue économique, la vente des reliques de Yahya Jammeh est plus symbolique qu'autre chose. Pas de quoi rembourser une dette représentant jusqu'à 130% du PIB, selon le Fonds Monétaire International qui prévient que le chiffre pourrait être encore plus élevé après l'examen des comptes des entreprises publiques. Malgré tout, avec une croissance de 3,5% et une inflation en baisse, tout n'est pas noir en Gambie.

D'un point de vue politique, l'initiative s'analyse comme la volonté d'effacer ce qui a nui au pays et d'ouvrir un nouveau chapitre.

Mais alors, comment comprendre la nomination par le président gambien, le 30 juin 2018, de deux anciens ministres de l'ère Jammeh? Et non des moindres. Celui des Finances et celui des Affaires étrangères nommés aux mêmes fonctions prestigieuses! L'information twittée par la présidence sans explication indiquait que la décision entrait «immédiatement en vigueur».

De son exil, l'ex-président autocrate a dû savourer l'événement.

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