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Le «Che», la révolution et son «échec» africain

Ernesto Guevara, assassiné le 9 octobre 1967, a tenté d'exporter sa guerre révolutionnaire en Afrique. Deux ans avant son assassinat, il s'était rendu en République Démocratique du Congo. «Ceci est l’histoire d’un échec», admettra-t-il dans son journal du Congo. Retour sur un fiasco africain alors que le monde commémore le cinquantenaire de la disparition du «Che».
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Photo prise le 21 novembre 1965 sur une péniche, qui traverse le lac Tanganyika en direction de la Tanzanie, alors que le Che quitte la RDC où son aventure révolutionnaire s'est soldée par un échec  (HO / AFP)

Cuba honore ce dimanche 8 octobre 2017 à Santa Clara, ville située à 300 km à l'est de la capitale cubaine, la figure légendaire de sa révolution, le guérillero argentin Ernesto «Che» Guevara, tué il y a 50 ans dans le maquis bolivien.

Ernesto Guevara a été exécuté par un soldat bolivien à 39 ans, le 9 octobre 1967. Mais à Cuba, le jour du «guérillero héroïque» est célébré chaque 8 octobre, jour de sa capture dans un obscur hameau andin. Le corps du guérillero argentin, jeté dans une fosse en Bolivie, a été découvert et identifié il y a 20 ans, avant de retourner en grande pompe à Cuba pour un hommage funèbre national.

Célébrées pour la première fois en l'absence de Fidel Castro, décédé fin 2016, les cérémonies seront présidées par son frère et successeur Raul à Santa Clara, où sont enterrés les restes du commandant de la Révolution et ceux de ses compagnons d'armes.

«D'autres terres du monde réclament la contribution de mes modestes efforts»
Ernesto «Che» Guevara est né le 14 juin 1928 à Rosario, au sein d'une famille de la bourgeoisie argentine. Médecin de formation, il parcourt très jeune à vélo et à moto l'Amérique latine où il prend conscience de la misère des plus démunis du continent, et plus particulièrement des communautés indigènes.

En 1955, il fait la rencontre de Fidel Castro en exil au Mexique et rejoint les rangs des révolutionnaires cubains dans la guérilla contre Batista. Dix ans plus tard, il s'éloignera de Cuba et de Castro pour mener de nouveaux combats.

«D'autres terres du monde réclament la contribution de mes modestes efforts», écrira-t-il en 1965 à Fidel Castro en prenant congé pour porter l'insurrection en Afrique notamment. Cette lettre se terminait par une phrase devenue célèbre: «Hasta la victoria, siempre (Jusqu'à la victoire, toujours)!» S'ensuivirent des mois de «disparition» alors qu'il était au Congo à tenter, sans succès, d'y imposer la révolution armée. 

Des combattants de Che Guevara traversent le lac Tanganyika en direction de la Tanzanie, après leur défaite, le 21 novembre 1965. (Photo AFP/Marc Jourdier)

En débarquant le 24 avril 1965 dans le Sud-Kivu, dans l'est de la République Démocratique du Congo, avec une douzaine de révolutionnaires cubains, le jeune commandant Ernesto «Che» Guevara n’a qu’une idée en tête: installer dans les montagnes congolaises son quartier général pour exporter en Afrique sa guerre révolutionnaire. Un idéal pas toujours partagé par ses interlocuteurs congolais.

Le jeune Etat congolais n’a pas encore cinq ans et n’a connu qu’une succession de guerres civiles. Il fait d'ailleurs face à une tentative de sécession de la riche province minière du Katanga. Des richesses convoitées par Moscou et Washington.

Dans cette période de Guerre froide, les Américains ont leur homme au sein du pouvoir à Kinshasa: le Général Mobutu, chef de l’armée et homme fort du pays. Le Premier ministre congolais Patrice Lumumba a été assassiné en janvier 1961, après avoir opéré un rapprochement avec l’Union soviétique.

En ce mois d’avril 1965, la rébellion maoïste à laquelle se joint le «Che» ne tient plus que deux poches dans le centre et l’est du pays. Très vite après son arrivée, il est gagné par le doute. Le maquis est complètement désorganisé. Les hommes n’ont jamais appris à tirer et décampent rapidement au contact de l’ennemi. Ils sont visiblement plus intéressés par l’alcool et les filles que par la victoire des masses.

Che Guevara dans un village du Sud-Kivu durant sa campagne congolaise en 1965. (Photo AFP)

«Quand nous avons commencé à rançonner la population et fouler au pied les idéaux de la révolution, ils sont partis»
Dans le village de Baraka, sur les bords du lac Tanganyika dans le Sud-Kivu, le général-major à la retraite Lwendema Dunia qui s’est battu aux côtés des combattants cubains confiait en 2015: «J’étais simple soldat quand les Cubains ont accosté. Che Guevara nous a appris comment faire une révolution. Il nous a formés militairement et nous a appris comment faire une révolution. (…) Mais quand nous avons commencé à rançonner la population et fouler au pied les idéaux de la révolution, ils sont partis.»

Durant son séjour dans le maquis, le «Che» attendra plus de deux mois avant de rencontrer le dirigeant de la rébellion, Laurent-Désiré Kabila, père de l'actuel président de la RDC. Arrivé de Tanzanie le 7 juillet 1965, il repartira quatre jours plus tard laissant le révolutionnaire argentin dans le désarroi.

Les positions du maquis tombent une à une sous l’offensive de l’armée de Mobutu et les bombardements aériens de mercenaires occidentaux. Che Guevara et son détachement quittent le pays le 21 novembre 1965. Trois jours plus tard, le général Mobutu prend le pouvoir à Kinshasa. «Ceci est l’histoire d’un échec», résumera Ernesto Guevara dans son journal du Congo. 

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