RDC : l'ONU confirme le soutien de Kigali à la rébellion du M23
Le Rwanda rejette les conclusions du rapport des Nations unies.
Les autorités congolaises ont toujours accusé le Rwanda de soutenir la rébellion du Mouvement du 23 mars (M23) qui sévit de nouveau, depuis quelques mois, dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC). Le rapport, encore confidentiel, des experts missionnés par les Nations unies vient confirmer ces accusations et bat en brèche les dénégations des autorités rwandaises en détaillant, preuves à l'appui, l'implication directe de Kigali, "unilatéralement ou conjointement avec les combattants du M23" dans l'est de la RDC.
L'armée rwandaise a "lancé des interventions militaires contre des groupes armés congolais et des positions des Forces armées congolaises" depuis novembre 2021, indique le document consulté le 4 août par l'AFP. Transmis au Conseil de sécurité, le rapport précise que Kigali a "fourni des renforts de troupes au M23 pour des opérations spécifiques, en particulier lorsque celles-ci visaient à s'emparer de villes et de zones stratégiques".
Une rébellion coupable d' "exactions horribles"
Le M23 est une ancienne rébellion à dominante tutsi, vaincue en 2013, qui a repris les armes en fin d'année dernière en reprochant à Kinshasa de ne pas avoir respecté des accords sur la démobilisation et la réinsertion de ses combattants. La fréquence et l'intensité des combats ont drastiquement augmenté depuis fin mars et le M23 s'est emparé de pans du territoire de Rutshuru, jusqu'à une dizaines de kilomètres au nord de Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu, dans l'est du pays.
"Depuis que le M23 a pris le contrôle de plusieurs villes et villages du Nord-Kivu en juin, il a commis le même type d’exactions horribles contre les civils que nous avons documentés par le passé", a indiqué Thomas Fessy, chercheur principal pour la RDC à Human Rights Watch. "L’incapacité du gouvernement (congolais) à tenir les commandants du M23 responsables des crimes de guerre commis il y a des années leur permet, ainsi qu’à leurs nouvelles recrues, de perpétrer de nouveaux abus aujourd’hui". Selon Human Rights Watch, "près de 200 000 personnes" ont été contraintes à fuir leur domicile à cause des combats entre les soldats congolais et les rebelles du M23.
Des "allégations non valides" pour Kigali
Le Rwanda a récusé dans un communiqué les "allégations non valides" du rapport de l'ONU et avancé son "droit à défendre son territoire". "Le Rwanda a le droit légitime et souverain de défendre son territoire et ses citoyens, et pas seulement d'attendre qu'une catastrophe se produise".
Pour les autorités rwandaises, "tant que le problème des FDLR (le Front démocratique pour la libération du Rwanda est un groupe armé fondé au Congo par d'anciens dignitaires du régime génocidaire rwandais en fuite) qui opèrent en étroite collaboration avec l'armée de la RDC, ne sera pas pris au sérieux et traité, la sécurité dans la région des Grands Lacs ne pourra être assurée" . Et le communiqué de préciser : "cela se passe au vu et au su de la Monusco (Mission de l'ONU en RDC), qui est présente en RDC depuis plus de vingt ans, mais sans qu'aucune solution ne soit en vue".
Présenté comme une menace par Kigali, l'existence et la violence du FDLR ont justifié les interventions rwandaises passées en territoire congolais et son soutien à des rébellions qui les combattaient.
Kinshasa espère la fin de "l'ingérence du Rwanda"
"Nous espérons que les conclusions seront vite tirées pour mettre fin à l'ingérence du Rwanda", a indiqué pour sa part dans un tweet Patrick Muyaya, le porte-parole du gouvernement congolais, qui "s'est réjouit" du "travail du groupe d'experts des Nations unies" .
#RDC : La vérité finit toujours par triompher. Nous nous réjouissons des conclusions du travail du groupe d’experts des Nations Unies. Nous espérons que les conclusions seront vite tirées pour mettre fin à l’ingérence du #Rwanda et ramener une paix durable #ChangementDeNarratif https://t.co/Pl0ElAfzpO
— Patrick Muyaya (@PatrickMuyaya) August 4, 2022
Le 30 juin dernier, lors de la célébration de la fête de l'indépendance, le président congolais Félix Tshisekedi avait déploré "la énième agression de la part du Rwanda". "Notre pays, avait-il dit, fait face à une énième agression de la part du Rwanda, qui agit sous couvert du mouvement terroriste M23, et ce en violation de tous les accords et traités internationaux".
Début juillet, une réunion de médiation entre les présidents du Rwanda et de la RDC s'était tenue à Luanda, la capitale angolaise, sous les auspices du président angolais Joao Lourenço. La présidence de la RDC avait alors annoncé que Félix Tshisekedi et Paul Kagame, le chef de l'Etat rwandais, étaient convenus d'un "processus de désescalade" , ajoutant qu'une "feuille de route" avait été adoptée. Elle prévoyait notamment "la cessation immédiate des hostilités" et "le retrait immédiat et sans condition du M23 de ses positions en RDC". "Cette feuille de route n'engage pas le M23", avait alors rétorqué Willy Ngoma, interrogé depuis Goma. "Nous sommes Congolais, nous n'avons rien à voir avec le Rwanda", avait-il insisté.
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