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Réforme agraire: le roi zoulou pourrait s’allier aux suprémacistes blancs

Il avait déjà lancé un appel à la nation zouloue en mars 2018 pour sauver les terres de son peuple. Sept mois plus tard, le roi zoulou, Goodwill Zwelithini, a demandé au président sud-africain Cyril Ramaphosa de ne pas toucher aux 2,8 millions d’hectares de terres lui appartenant, dans le cadre de la réforme agraire.
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le roi zoulou Zwelithini accueille ses partisans au Stade de football Moses Mabhida de Durban, le 7 octobre 2018, à l’occasion de la fête annuelle d'Umkhosi Welembe. Il s'agit d'une commémoration du roi zoulou Shaka ka Senzangakhona, stratège militaire vénéré qui a réuni les tribus pour former la Nation zouloue. (RAJESH JANTILAL / AFP)

La réforme envisagée par le gouvernement sud-africain pourrait permettre l’expropriation des fermiers sans compensation, si elle ne menace pas la sécurité alimentaire et l'économie (l’ANC avait posé ce préalable lors de sa conférence nationale en décembre 2017). Les premiers touchés par cette mesure sont les agriculteurs blancs qui détiennent toujours les trois-quarts des fermes du pays.

Comme le signalait Géopolis fin août 2018, cette réforme constitutionnelle voulue par le président Ramaphosa fait régner la confusion en Afrique du Sud, «et alimente les craintes d’un "nouveau Zimbabwe"». Pour autant, elle est «bien moins radicale que le scénario parfois décrit par certains médias et discours politiques».

Goodwill Zwelithini en conflit pour protéger ses terres 
Le roi zoulou, qui possède 2,8 millions d'hectares de terres tribales dans le cadre d'un fonds baptisé Ingonyama Trust, ne voit pas cette réforme d’un bon œil. En effet, l'ANC, le parti au pouvoir, pensait dissoudre le conseil d'administration d’Ingonyama Trust pour inconstitutionnalité avant de changer d’avis. Goodwill Zwelithini avait averti en mars que «l'enfer se déchaînera» si la propriété de ce fonds était remise en cause.

Le prince Mangosuthu Buthelezi (à gauche) et le roi zoulou Goodwill Zwelithini, dirigeant du Parti pour la liberté, à Durban le 7 octobre 2018. (RAJESH JANTILAL / AFP)

«Nous souhaitons préciser que nous ne soutiendrons jamais aucune recommandation visant à saper le rôle de nos chefs traditionnels sur les questions foncières, y compris l'Ingonyama Trust», avait déclaré le Premier ministre du KwaZulu-Natal, M.Mchunu.
Il réagissait à la déclaration du monarque, reprise dans le Mail&Guardian, qui appelait «les Zoulous à donner des fonds pour contester juridiquement» une éventuelle décision de justice concernant Ingonyama Trust.
 
Quant aux chefs traditionnels, ils avaient menacé, selon le journal, «de faire des dégâts si les terres étaient retirées de la fiducie, qui rapporte environ 80 millions de rands par an en baux» (4,7 millions d’euros).
 
Il dit non à toute expropriation de terre sans compensation
Le 8 octobre 2018, lors d'une commémoration zouloue à Durban, le roi a estimé que le président Ramaphosa devait «signer un accord qui assure que la terre des Zoulous ne sera pas touchée». Et d’ajouter: «En tant que roi des Zoulous, j'essaie de faire en sorte que nos biens soient protégés», rapporte l’AFP.

Dans son discours, Goodwill Zwelithini a même indiqué qu’il envisageait «de s'associer au groupe suprémaciste afrikaner AfriForum dans le but de s'opposer à l'expropriation de terres sans compensation», écrivait le 9 octobre 2018 le Mail&Guardian. «Le roi a déclaré que l'expropriation de terres sans indemnisation poserait un risque pour la sécurité alimentaire et menacerait l'existence de la nation zouloue», ce qui l'a conduit à chercher le soutien des Boers.


En juillet, Goodwill Zwelithini avait appelé à la fondation d’une patrie zouloue indépendante, résultat selon les analystes politiques «de l'ineptie du gouvernement sur la question des terres».

Ramaphosa et l'ANC affaiblis à un an des élections
Bien qu’ils n’aient pas de pouvoir officiel dans le pays, les rois traditionnels, reconnus par la Constitution et payés par l'Etat, restent très influents auprès de leurs «sujets». La nation zouloue compte quelque 12 millions de personnes.

A moins d’un an de l’élection présidentielle de mai 2019, Cyril Ramaphosa et son parti l’ANC, affaiblis par une économie en récession, la corruption, la violence et un taux de chômage frôlant les 28%, auront besoin de toutes les voix pour se maintenir à la tête de l’Etat…

A ce jour, le Parlement sud-africain n’a toujours pas tranché sur la modification ou non de l'article 25 de la Constitution, qui traite des droits de propriété.

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