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Rwanda: Hubert Védrine mis en cause par de nouvelles révélations sur le génocide

La revue «XXI» met une nouvelle fois en cause la France pour son rôle au Rwanda lors du génocide de 1994. Selon cette publication, une note signée d’Hubert Védrine, Secrétaire général de l’Elysée à l’époque, confirmerait le réarmement des tueurs après leur mise en déroute. Des révélations qui interviennent au moment où l’ancien chef de la diplomatie refait surface sur la scène politique.
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
L'ancien chef de la diplomatie française, Hubert Védrine, au Forum économique international de Saint-Pétersbourg, en Russie, le 16 juin 2016. (Evgeny Sinitsyn/NurPhoto)

Dans sa dernière livraison parue le 28 juin 2017, la revue XXI publie une enquête mettant une nouvelle fois en cause le rôle de la France au Rwanda au moment du génocide des Tutsis (et Hutus modérés) en 1994.

Une note d'Hubert Védrine: «S'en tenir aux directives fixées» 
Selon le journaliste Patrick de Saint-Exupéry, un haut fonctionnaire chargé d’examiner les archives de l’Elysée de 1990 à 1994 affirme que les autorités françaises ont bien donné l’ordre de réarmer les auteurs du massacre alors que ces derniers venaient d’être mis en déroute par le Front patriotique rwandais (FPR).
 
Dans son article intitulé «Réarmez-les», le cofondateur de la revue explique que le fonctionnaire anonyme, qui a eu accès aux archives au moment de leur ouverture par François Hollande en 2015, évoque un document faisant état d’une fronde de certains militaires français contre la décision des autorités françaises de réarmer les génocidaires.
 
C'est-à-dire les Hutus qui, repoussés par la progression des troupes du FPR de Paul Kagamé, tentaient de se réfugier dans l’ex-Zaïre.
 
En marge de ce document et concernant le trouble de ces militaires, une note manuscrite d’Hubert Védrine insistait sur la nécessité de «s’en tenir aux directives fixées».
 
Une mise en cause nominative de celui qui était à l’époque Secrétaire général de l’Elysée jusqu’au départ de François Mitterrand en 1995.
 
Ce n’est pas la première fois que celui qui allait devenir également chef de la diplomatie française sous la présidence de Jacques Chirac dans le gouvernement de cohabitation de Lionel Jospin est épinglé sur ce sujet.

Le démenti du Général Lafourcade, commandant de l'opération Turquoise 
Selon le spécialiste du Rwanda Jacques Morel, cité par le quotidien Libération, on retrouve la signature de Védrine en bas d’une note sur une dépêche de l’agence Reuters datée du 15 juillet 1994.
 
La dépêche était titrée: «Paris prêt à arrêter les membres du gouvernement intérimaire rwandais.» Ceux qui avaient orchestré le génocide et qui s’étaient repliés dans les zones sous contrôle français.
 
En marge de la dépêche, Hubert Védrine avait écrit: «Lecture du Président: ce n’est pas ce qui a été dit chez le Premier ministre.»
 
A l’appui des révélations de la revue XXI, un ancien militaire engagé dans l’opération française au Rwanda raconte à RFI qu’au début du mois de juillet, donc à la fin du génocide, on lui a demandé de distraire des journalistes présents sur sa base militaire, le temps de laisser passer un convoi d’armes vers la frontière congolaise.
 
Face à la nouvelle salve de XXI, l’ancien chef de la diplomatie française n’a pas souhaité s’exprimer. En revanche, le Général Lafourcade, commandant de l’opération Turquoise au Rwanda entre juin et août 1994, a démenti formellement avoir reçu les directives dénoncées par Patrick de Saint Exupéry.
 
Dans un communiqué publié par Mediapart, le général Lafourcade affirme n’avoir «jamais reçu d’ordre de quiconque, ni écrit ni oral, de livrer des armes à des personnes génocidaires».
 
«Aucune livraison d’armes n’est intervenue pendant l’opération Turquoise auprès de qui que ce soit, les militaires français ayant parfaitement respecté leur devoir de neutralité et leur mission de mettre fin au génocide, conformément au mandat de la résolution 929 de l’ONU», dit encore le Général Lafourcade dans son communiqué.

Une source d'inspiration pour Emmanuel Macron 
Démenti également de la part de Paul Quilès, ancien ministre socialiste de la Défense, qui avait dirigé la mission parlementaire sur le Rwanda. Cité par RFI, il assure n’avoir jamais vu de tels documents et s’interroge sur la fiabilité du témoignage de ce haut fonctionnaire dont on ne connaît pas le nom.
 
L’offensive de la revue contre Hubert Védrine, qui s’est déjà exprimé sur ces questions devant la Commission de défense de l’Assemblée nationale en avril 2014, intervient au moment où l’ancien Secrétaire général de l’Elysée semble refaire surface dans la vie politique française.
 
Président de l’Institut François Mitterrand depuis 2003, il bénéficierait d’une écoute attentive du président Emmanuel Macron, encore en rodage sur la vie politique internationale. Partisan pour l’Europe de s’asseoir autour d’une table avec la Russie, Hubert Védrine serait même source d’inspiration pour le jeune président français dans son virage sur la situation en Syrie.

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